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Redéploiement de la Force Barkhane et Takuba au Niger : «L’ambassadeur plénipotentiaire» de l’Elysée au Sahel

À peine chassées du Mali où leur présence de près d’une décennie n’a servi pratiquement à rien, les forces militaires françaises Barkhane et Takuba ont été accueillies au Niger, aux portes du Mali. C’est le président français, Emmanuel Macron, qui l’a annoncé, précisant que ce redéploiement a été décidé avec l’accord des autorités nigériennes. Des autorités nigériennes qui, depuis le début du réveil malien, ont affiché un alignement béat sur les positions françaises. A Paris, aux côtés de son homologue français, Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères, Hassoumi Massoudou, n’a pas mâché ses mots pour faire plaisir à l’Elysée, traitant l’attachement des autorités de la transition malienne à leur pays de patriotisme frelaté. Niamey n’a pas une position singulière, elle s’aligne sur celle de Paris au point où entendre parler les autorités nigériennes revient à écouter celles de la France.

Dès lors, cela n’a point surpris, du moins les Nigériens, lorsque le président français a informé que les forces militaires françaises se replieront au Niger.

Interrogé à ce propos par les médias français, Hassoumi Massoudou, un des fidèles serviteurs de la cause française au Niger et au Sahel, n’a pas hésité à voir dans le redéploiement de Barkhane et de Takuba une chance pour le Niger. Selon lui, « le Niger bénéficie d’une accalmie dans la zone nord Tillabéry à cause du travail efficace mené par Barkhane et Takuba ». Aussitôt dit, aussitôt démenti L’interview s’est déroulée en marge du sommet Union africaine- Union européenne. Et le dimanche 20 février 2022, un camion ayant quitté Taroum à destination de Tizegorou, dans le département de Banibangou (région de Tillabéry), a été victime d’une attaque meurtrière. Le bilan officiel fait état de 18 personnes tuées et huit (08), blessées. Quant au camion, il a été incendié. Hassoumi Massoudou, dit un fonctionnaire ayant requis l’anonymat, n’est rien d’autre qu’un «ambassadeur plénipotentiaire» de l’Elysée au Sahel.

Hassoumi Massoudou, plus royaliste que le roi, devant des journalistes français dépassés

L’argument avancé par Hassoumi Massoudou n’a pas prévalu une semaine. A peine 48 heures ! Il est tombé comme une feuille morte, laissant le ministre des Affaires étrangères pantois. Ses propos, selon un observateur averti, ne visaient qu’à faire plaisir aux autorités françaises, employant les mêmes terminologies que les diplomates français. La présence militaire française n’a jamais mis le Niger à l’abri d’attaques terroristes. Elle n’a même pas servi à mener une contre-attaque appropriée dans des circonstances dramatiques. C’est le cas lors des deux attaques des camps militaires d’Inatès et de Chinagoder. La France et ses avions militaires sont restés au sol. Pire, selon certaines versions, à Chinagoder, c’est même l’aviation militaire française qui aurait neutralisé les renforts nigériens.

Lors de l’interview avec les médias français, Hassoumi Massoudou s’est fait plus royaliste que le roi, indiquant que c’est grâce à l’efficacité des forces françaises et européennes que le Niger a obtenu une accalmie sur sa frontière avec le Mali, oubliant que cette partie du Niger n’a jamais été aussi instable et incertaine pour ses populations. Des populations qui ont, la plupart, déserté leurs terres. À la question de savoir si cela ne constitue pas tout de même un problème au Niger puisque ce sont quand-même des milliers de soldats français qui vont désormais s’installer au Niger, Hassoumi répond goguenard : « je ne connais pas le nombre », preuve que les autorités nigériennes n’ont pas les mêmes préoccupations que les citoyens nigériens. Pour Hassoumi Massoudou, le plus important est ailleurs, dans leur installation au Niger. Le reste ne compte pas. « Elles contribueront [les forces européennes et françaises], compte tenu du vide créé de l’autre côté, à renforcer nos capacités de défense pour assurer la sécurité de nos populations ».

Cherchez la réponse ailleurs que dans la défense et la sécurisation du Niger

Le départ des forces militaires françaises du Mali est manifestement une aubaine pour les autorités nigériennes qui se sont empressées de leur offrir le territoire nigérien. Hassoumi Massoudou, qui a du mal, à cacher sa fierté de parler si bien de la France, sur des médias français, à des Français, tout de même dépassés par son dévouement, minimise les risques politiques, infantilise les Nigériens quant à leur opposition farouche à la présence des armées étrangères. Au passage, il indique que le Niger est un pays démocratique et que la question de l’opposition des Nigériens à la présence des armées étrangères sur le sol national sera tranchée à l’Assemblée nationale.

Des risques ?

Le ministre des Affaires étrangères nigérien rassure en soulignant que la solidité des institutions nigériennes est telle que nous ne pensons pas que le peuple nigérien ait un sentiment de rejet au point où cela créerait un coup d’État. Hassoumi précise, pour se faire convaincant, que le Niger n’a rien à voir avec le Mali et le Burkina Faso. « Il n’y a pas de sanctuaire terroriste dans notre pays. Voilà pourquoi nous ne partageons pas les mêmes situations que le Mali qui n’a pas de contrôle sur les 2/3 de son territoire ou que le Burkina Faso où il y a eu un effondrement réel du nord de ce pays ». Pour nombre d’acteurs politiques et de la société civile, les autorités nigériennes mettent en péril le Niger et de plus en plus, des voix s’élèvent pour fustiger la légèreté avec laquelle Bazoum Mohamed a donné son accord à la France. En fait, il n’a fait que forcer une porte déjà grandement ouverte par son prédécesseur qui, sans jamais consulter l’Assemblée nationale, a fait installer la France, puis d’autres armées étrangères au Niger. Encore que pour Hassoumi, leurs actes ne nécessitent pas véritablement le visa du parlement. Quant à la question de savoir pourquoi les autorités nigériennes s’alignent-elles si aveuglément sur la position françaises au Niger et au Sahel, cherchez la réponse ailleurs que dans la défense et la sécurisation du Niger.

Laboukoye