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Recrudescence subite du terrorisme dans les Etats de l’AES : Qui se cache derrière le terrorisme au Sahel ?

Terrorisme au SahelIl conviendrait de relever qu’une telle question pourrait paraître, un peu, présomptueuse d’être abordée dans le cadre étroit d’un article de presse généraliste, tant cela nécessite plusieurs pages pour la complexité du sujet. Mieux, ce pourrait être thème de thèse de doctorat d’Etat pour des étudiants sahéliens en sciences géopolitiques ou géostratégiques. Pourtant, malgré la complexité réelle de la problématique liée au terrorisme dans l’espace sahélien,le journalisme généraliste comme le nôtre peut avoir son petit mot à dire sur la question, car étant souvent au coeur des événements au quotidien. Notre interrogation actuelle se justifie par la montée subite, ces derniers mois, des attaques terroristes très meurtrières dans les trois Etats de l’Alliance des Etats du Sahel (AES). La dernière en date a eu lieu au Mali, principalement dans la région de Kidal où les Forces Armées Maliennes (FAMA) et leurs alliés russes ont subi de lourdes pertes. Des images horribles de ces attaques circulent abondamment sur les réseaux sociaux, montrant des cadres de militaires maliens et russes jonchés sur le sol, du matériel militaire abandonné et des militaires russes capturés vivants. Cette multiplication des attaques terroristes dans les Etats de l’AES intervient dans un contexte géopolitique très mouvementé avec le retrait de ces trois Etats de la Cedeao et le changement d’alliance stratégique de ces trois pays qui ont tous basculé du côté de l’ours blanc russe, au détriment de l’OTAN. Naturellement, tout cela engendre mille conséquences pour les Etats de l’AES qui doivent s’attendre à tout, face à un Occident humilié et revanchard, qui n’hésite pas à recourir aux pires méthodes pour semer le chaos dans ces pays déjà assez meurtris par tant de maux qui les assaillent depuis de nombreuses années. En déroute en Ukraine, en dépit des sommes astronomiques injectées dans cette guerre en faveur du pays de Zelensky, l’Occident ne tient certainement pas à lâcher prise assez facilement au Sahel pour la simple et bonne raison de l’importance géostratégique majeure de cette zone immense et riche en minerais de toutes sortes. Ainsi, par tous les moyens, il jouera la partie et boira le calice jusqu’à la lie pour s’y accrocher.

Le terrorisme au Sahel, une invention de l’Occident L’accusation, du moins, la thèse selon laquelle l’Occident serait derrière le terrorisme au Sahel n’est pas, à proprement parler, nouvelle, liée à la situation sécuritaire actuelle dans cette région semi-aride de l’Afrique subsaharienne. En effet, cette théorie date de la période où l’Occident, principalement, la France, avait commencé à perdre pied, au plan économique, dans le Sahel, face à l’arrivée de nouvelles puissances économiques (Chine, Inde, Turquie, Russie). Alors, la France, naguère premier partenaire économique des Etats du Sahel, voire de l’Afrique francophone, en général, avait vu, progressivement, son influence refluer dans ce pays-là, tombée, désormais, entre les mains de concurrents chinois, indiens, russes et turcs. En réalité, la France venait d’être décrochée économiquement face à ces nouvelles puissances émergentes que sont ce que l’on appelle, couramment, les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud). Alors, faute de pouvoir rivaliser à la loyale avec ces nouveaux partenaires économiques des pays du Sahel, elle va recourir aux méthodes lâches, celles de provoquer de l’insécurité permanente dans les parties de ces pays où se trouvent les ressources naturelles convoitées par ses rivaux, en armant et en finançant des groupes terroristes pour semer le chaos et la désolation dans ces zones stratégiques à même de faire fuir ces nouveaux investisseurs. Par la même occasion, elle va convaincre les gouvernements civils à la tête de ces Etats, qui étaient à la solde, de la nécessité de sa présence militaire au Sahel, dans le cadre d’une soidisant lutte contre le terrorisme. C’est de cette façon assez subtile que la France avait réussi à se réinstaller militairement au Sahel, en déployant plus de 6.000 soldats dans la force Barkhane. Quel fut le résultat final de cette opération, au bout de dix ans, pouvait-on se poser la question à juste titre ? « On ne peut pas éteindre de l’incendie avec du feu », avait métaphoriquement soutenu le Président du Cnsp, le Général Abdourahamane Tiani, lors de son grand entretien sur la RTN du 10 décembre 2023 ! Sinon, comment comprendre qu’avec un tel nombre de soldats et tous les moyens militaires dont disposait cette force Barkhane, en une décennie, l’on n’ait pas pu arriver à bout de l’hydre terroriste au Sahel, était-on en droit de se demander ? On le voyait bien, ce terrorisme-là portait la signature de la France, dont les accointances avec les mouvements irrédentistes touaregs des années 80 et 90, aujourd’hui, grands alliés des groupes djihadistes, étaient connues de tous. L’objectif recherché de la part de la France était clair, rendre le Sahel instable afin de pérenniser son vampirisme sur les ressources naturelles de cet espace géographique. C’est pourquoi l’opération Barkhane ne pouvait aboutir à de meilleurs résultats, car elle n’avait jamais eu l’objectif de venir à bout du terrorisme dont la France était, en réalité, le moteur.

L’Occident, chassé du Sahel, essaie de s’y maintenir par la terreur

Aujourd’hui, on le voit bien, les attaques terroristes se sont multipliées, ces derniers temps, au Sahel, à un rythme accéléré. Cette montée en puissance des groupes terroristes dans la zone sahélienne coïncide avec le retrait des troupes françaises des trois Etats de l’AES. Revancharde, la France tient coûte que coûte à déstabiliser la zone sahélienne de laquelle elle avait été boostée, et met aujourd’hui tout le paquet nécessaire pour embraser cette partie qui échappe totalement à son contrôle. C’est ce qui explique, sans doute, la recrudescence de ces attaques terroristes au Niger, Burkina- Faso et au Mali, ces jours-ci. Les attaques terroristes meurtrières récentes portent la marque de la France, au regard des capacités opérationnelles exceptionnelles des groupes djihadistes à même de mettre en déroute des régiments militaires réguliers. Les derniers assauts sanglants perpétrés au Mali, notamment dans la région de Kidal, ayant causé de lourds dégâts au sein des forces maliennes et des alliés russes, prouvent à suffisance qu’une puissance étrangère se trouve derrière ces escadrons djihadistes. A cela vient s’ajouter l’attitude ambiguë de l’Algérie qui n’avait jamais digéré le fait que l’Etat du Mali ait reconquis cette partie de son territoire qui échappait à son autorité, en vertu des fameux accords d’Alger de 2015, imposés de force au gouvernement malien civil de l’époque, traité qui interdisait aux FAMA de mener des opérations militaires dans cette enclave territoriale à statut privilégié. Mais, grâce à la montée en gamme de l’Armée malienne, du fait de sa coopération stratégique avec la Russie qui lui avait permis d’acquérir d’équipements militaires de grande qualité et en quantité raisonnable.

Les Etats de l’AES doivent revoir leur copie sécuritaire

Face à la montée en puissance des groupes djihadistes dans le Sahel, les Etats de l’AES doivent, impérativement, revoir leur stratégie sécuritaire actuelle qui montre quelques signes de faiblesses dont l’ennemi tire souvent avantage. A un moment ou à un autre, il faudrait repenser tout le dispositif sécuritaire de l’AES pour le réadapter au nouveau contexte géopolitique né de changement de paradigme dans les relations stratégiques que ces Etats ont nouées avec des puissances autres qu’occidentales. Les dirigeants de l’AES avaient justifié leur irruption sur la scène politique de leur pays par des raisons d’ordre sécuritaire, estimant que l’approche de la question sécuritaire par les régimes civils en place n’était pas la bonne. Aujourd’hui, ce sont les militaires qui sont au pouvoir dans ces trois Etats de l’AES. En principe, la question sécuritaire devrait trouver une réponse à la hauteur des menaces.

Les seul Les seuls discours souverainistes ou autres slogans patriotiques ronflants ne font pas une politique sécuritaire digne de ce nom, face à un terrorisme à multiples faces. Les Etats de l’AES doivent, très rapidement, sortir de leur confort pour prendre, véritablement, leurs propres destinées sécuritaires qui ne passeraient pas, uniquement, par le changement d’alliances stratégiques, mais qui devraient s’inscrire dans une perspective de mettre en place des forces opérationnelles bien entraînées et hautement équipées, surtout des moyens aériens pour couvrir un territoire aussi vaste que le Sahel. Pour cela, une économie de guerre devrait être montée dans les meilleurs délais pour la prise en compte du financement des armées de l’AES, afin d’espérer disposer de forces à même de permettre venir à bout de ce terrorisme qui n’est pas si invincible que cela, pour que l’on s’en donne les gros moyens. Il faudrait que les dirigeants de l’AES se convainquent qu’ils pourraient se permettre d’échouer partout, sauf dans le domaine sécuritaire, leur domaine de prédilection, celui qui était à l’origine de leur intervention pour renverser des régimes civils démocratiquement élus, mais défaillants dans la gestion de la question sécuritaire, pour ne pas dire plus.

Le Général Abdourahamane Tiani, le Colonel Assimi Goïta et le Capitaine Ibrahim Traoré n’ont guère droit à l’erreur face aux défis sécuritaires, car ils sont condamnés à y réussir, vaille que vaille !

Halidou Maiga (Le Monde d’Aujourd’hui)