Réconciliation en Côte d’Ivoire : Et si Bazoum Mohamed emboîte le pas à Alassane Dramane Ouattara ?
La réconciliation entre Ivoiriens en Côte d’Ivoire, à travers les personnes du Président Alassane Dramane Ouattara et son prédécesseur, Laurent Gbagbo, fraichement élargi de prison à la Haye, fait germer des idées aux Nigériens. Sur les réseaux sociaux, notamment, l’évènement est loué et les acteurs salués pour la grandeur d’âme dont ils ont fait montre dans ce début de résolution de la grave crise latente consécutive à la déportation de l’ancien président à la Haye. Une situation qui pourrait connaître des développements fort inquiétants pour une Côte d’Ivoire encore fragile, les séquelles et les ressentiments de la crise de 2010 étant loin d’avoir disparu. C’est probablement en vue de désamorcer la bombe et de donner une chance à leur pays et à ses enfants de se réconcilier entre eux que les deux pôles du problème ivoirien ont décidé de tourner la page. Tourner la page de la confrontation permanente et ouvrir, ensemble, une nouvelle, faite de pardon et de confiance mutuels comme Gbagbo et Ouattara l’ont si bien souligné. Et surprise choquante pour les Nigériens, c’est Issoufou Mahamadou qui aurait servi de médiateur entre les deux parties. Pour le compte de qui ? Apparemment pas pour celui de la Cedeao qui n’a fait aucun communiqué sur la question. Encore moins de l’Union africaine qui semble avoir vécu l’évènement, pour ne pas dire subir, à distance. Quoi qu’il en soit, les Nigériens n’ont pas manqué de relever le caractère hypocrite de l’ancien chef de l’Etat qui a plutôt tout mis en oeuvre pour opposer ses compatriotes, y compris sur les questions les plus sacrées.
Au Niger, l’évènement a été suivi avec beaucoup d’envie et de regrets.
Annoncée, il y a quelques jours, la rencontre entre Laurent Gbagbo et le Président Alassane Dramane Ouattara a effectivement eu lieu avant-hier, mardi 27 juillet 2021 au palais de la Présidence ivoirienne. Au Niger, l’évènement a été suivi avec beaucoup d’envie et de regrets. Si les Nigériens n’ont pas connu les affres de la crise politique et électorale qui a frappé la Côte d’Ivoire, ils n’en ont jamais été si proches. Les élections locales, puis générales, de décembre 2020 et février 2021, ont fini par achever la crise de confiance qui s’est instaurée depuis le hold-up électoral d’Issoufou Mahamadou en 2016. Les arrestations arbitraires ciblées, particulièrement dans les rangs des partis politiques d’opposition, de la société civile (aile que MassoudouHassoumi considérait comme putschiste) et des journalistes mal-pensants et de l’armée, ont considérablement érodé les bases de la confiance et du vivre-ensemble. Des impératifs nécessaires à la sérénité, à la paix sociale et à la stabilité politique.
Selon des sources politiques proches du Président Bazoum Mohamed, ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire est certainement arrivé avant ce qui se profile à l’horizon au Niger.
Si des appels formels n’ont pas été faits au Président Bazoum Mohamed afin de le voir emboîter le pas à Alassane Ouattara qui aurait pu faire comme Issoufou Mahamadou au Niger ¯ il a les cartes en main pour ça ¯ les allusions sont toutefois assez claires. Pour Bazoum Mohamed, ce ne serait pas en tout cas un tournant à 180°. Ses actes sont jusqu’ici jugés encourageants et ouverts à des perspectives heureuses pour le Niger. Le climat politique s’est détendu depuis son arrivée au pouvoir. Il n’a pourtant ni amorcé un dialogue franc avec l’opposition, ni même fait redémarrer le Conseil national de dialogue politique (Cndp) sur des bases de confiance réciproque. D’ailleurs, l’opposition politique, regroupée autour de la candidature de Mahamane Ousmane lors de l’élection présidentielle passée, a rendu publique une déclaration, le même 27 juillet 2021 qui consacrait la rencontre entre Gbagbo et Ouattara en Côte d’Ivoire. Une déclaration de principe qui fait suite aux interpellations diverses de militants qui prétendent ne rien comprendre du silence des leaders de l’opposition. Cela, évidemment, pourrait constituer une position de blocage. Mais, selon des sources politiques proches du Président Bazoum Mohamed, ce qui s’est passé en Côte d’Ivoire est certainement arrivé avant ce qui se profile à l’horizon au Niger.
Il a déjà réussi à créer le sentiment général d’une gouvernance politique aux antipodes de celle de son prédécesseur. Il lui reste à oser une réconciliation franche, totale et durable qui va augurer des rapports plus civilisés entre pouvoir et opposition.
Bazoum Mohamed, on le sait, nourrit le rêve de réconcilier les Nigériens entre eux. Il y va à son rythme, mais ne manque pas de séduction dans ce qu’il a entrepris jusqu’ici. Le cas Ouattara-Gbagbo pourrait davantage fouetter ses desseins d’aller vers une décrispation de la vie politique. Il a déjà réussi à créer le sentiment général d’une gouvernance politique aux antipodes de celle de son prédécesseur. Il lui reste à oser une réconciliation franche, totale et durable qui va augurer des rapports plus civilisés entre pouvoir et opposition. Ce n’est pas mince. Encore moins gagné d’avance. Les adversaires d’une telle détente sont nombreux et ne manqueront pas d’entreprendre les grenouillages nécessaires pour doucher et faire échouer une telle perspective. Cependant, s’il doit s’y mettre, Bazoum Mohamed bénéficiera certainement du soutien d’une multiplicité d’acteurs, politiques comme de la société civile ou autre ; des acteurs qui ont tous marre de cette tension permanente qui enlève au Niger jusqu’à l’unité de ses enfants face à des questions aussi déterminantes que la lutte contre l’insécurité la mise en péril de la souveraineté nationale.
Laboukoye