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Rappel historique : Le Barreau a-t-il abandonné son statut avant-gardiste de défense des droits de l’Homme ?

Image d'illustration

Cette question taraude l’esprit de beaucoup de nigériens depuis les événements tragiques survenus à Téra. Des événements qui ont endeuillé le Niger avec la mort de trois (3) jeunes. Le samedi 27 novembre 2021, suite à la tentative de blocage du convoi des militaires français en route pour Gao, des tirs nourris avec des balles réelles sur les manifestants ont fait officiellement trois (3) morts et plusieurs blessés. Une situation qui a provoqué des vives émotions sur toute l’étendue du territoire national et à l’étranger avec l’exigence d’une enquête indépendante. Plus d’un mois après cette tuerie, tous les Nigériens du mutisme du Barreau Niger. Face au carnage perpétré, le Barreau est resté dans un silence de cimentière. Alors qu’en 1990, après la tuerie du 9 février, le Barreau était la première organisation à rendre publique une déclaration pour condamner le massacre des étudiants et défendre les droits de l’Homme. En s’appuyant sur les différentes conventions ratifiées par le Niger. A l’époque, les avocats du Niger étaient à l’avant-garde de la lutte pour la défense des droits de l’Homme et de la liberté de manifestation. Aujourd’hui, malgré les violations répétitives de la loi fondamentale, des droits de l’Homme et la mort de plusieurs jeunes à Téra, le Barreau semble se confiner dans un silence total.

Lire la déclaration du Barreau du Niger rendue publique le jeudi 15 février 1990.

PROCES VERBAL : L’an mil neuf cent quatre vingt dix et le Mercredi 14 Février

Nous, Avocats au Barreau du Niger, défenseur des droits et libertés, bouleversés par la situation aux évènements du Vendredi 9-02- 90, sommes réunis à l’effet d’examiner de façon approfondie ladite situation et d’en tirer les conclusions ;

Vu la Déclaration Universelle des droits de l’homme et du Citoyen signée et ratifiée par le Gouvernement de la République ;

Vu la Charte Africaine des droits de l’homme et des peuples signée et ratifiée sans réserve par le Gouvernement du Niger ;

Vu la Constitution de la deuxième République ;

Attendu que la marche du Vendredi 9 Février 1990 ayant un caractère corporatiste et pacifique n’a fait l’objet d’aucune mesure d’interdiction ou de restrictions officielles ;

Attendu qu’elle a débouché sur un carnage sans précédent dans l’Histoire de notre pays, et que nos jeunes frères et soeurs en ont été victimes ;

Que ce carnage n’a été possible que parce que les moyens utilisés (armes à feu avec balles) sont sans commune mesure au regard d’une marche pacifique, eu égard aux principes directeurs d’une opération de maintien de l’ordre ;

Attendu que ce carnage a été qualifié par le Gouvernement de simple bavure ;

Que la bavure, selon le droit, se définit comme étant de conséquence imprévue d’une action licite ;

Que de toute façon cette prétendue bavure n’était ni licite, ni opportune, ni justifiée ;…/…

Attendu qu’à ce jour aucune responsabilité ni politique, ni civile, ni pénale, ni administrative n’a été dégagée aux fins de sanctions même éventuelles ;

Attendu qu’au contraire, nous assistons à des arrestations et à des internements à administratifs intempestifs autant qu’incongrus contre des citoyens pris comme boucs émissaires :

EN CONSEQUENCE :

Nous nous élevons contre cette banalisation du carnage du Vendredi Noir ;

Nous exigeons la libération immédiate et sans conditions de toutes les personnes arrêtées ou internées et la cessation de toutes manoeuvres d’intimidation ;

Nous exigeons la réouverture immédiate de tous établissements scolaires dont la fermeture est en contradictoire flagrante avec la politique de dialogue prônée par le Gouvernement ;

Nous exigeons l’ouverture de la séparation judiciaire conformément au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs en vue de déterminer les auteurs et d’en établir les responsabilités avec toutes les conséquences de droit ;

Nous condamnons énergiquement le sort de jeunes victimes innocentes dont l’attitude responsable est sans précédent, et demandons fermement la mise en berne du drapeau national sur toute l’étendue du territoire ;

Nous, signataires des présentes, OBSERVONS UN DEUIL DE TROIS JOURS à compter du jeudi 15 février 1990.

ETAIENT PRESENTS ET ONT SIGNE :

Me KELESSI TAHIROU

Me SIRFI ALI Maïga

Bâtonnier de l’ordre Secrétaire Permanent de l’ordre …/…