Raffinerie et complexe pétrochimique à Dosso ZIMAR, un canular pétrolier de courte durée ?
Ici même, dans ces colonnes, au lendemain de la signature de l’accord entre l’Etat du Niger et la société canadienne, ZIMAR INC, en octobre 2024, nous avions émis de sérieux doutes sur ce choix hasardeux, car cette société ne disposait d’aucun acquis dans le domaine de l’exploitation pétrolière et gazeuse. Toutes nos recherches pour trouver traces de ZIMAR dans ce secteur pétrolier se sont révélées infructueuses, car il n’y en avait pas, tout simplement. Mais, alors, comment l’Etat du Niger avait-il pu se laisser abuser de la sorte, jusqu’à aller sur le terrain avec des ‘’guignols canadiens’’ pour retenir un site devant abriter les travaux de construction d’une raffinerie de pétrole et d’un complexe pétrochimique, conformément à la volonté du Président du Cnsp, le Général Abdourahamane Tiani ? Qui a pu ‘’blaguer’’ ainsi l’Etat du Niger, pour parler comme nos amis ivoiriens ?
En tout état de cause, l’Etat du Niger et la Société de pétrole de l’Algérie, SONATRACH, viennent de conclure un accord de partenariat de partage de production pétrolière et d’une construction d’un complexe pétrochimique à Dosso, ainsi que de la formation d’ingénieurs pétrochimistes nigériens dans des académies algériennes. C’est la Société de Pétrole du Niger (SONIDEP) qui représentera l’Etat du Niger dans cette convention. C’est le Ministre du pétrole, Docteur Oumarou Sahabi, qui a signé au nom de l’Etat du Niger. Cependant, l’on ne précisait pas explicitement s’il s’agissait d’une rupture unilatérale de la convention signée avec ZIMAR, en octobre dernier, mais tout le laissait entendre, car c’est le même objet de contrat, à savoir la construction d’une raffinerie de pétrole et d’un complexe pétrochimique à Dosso. D’après des sources informées du dossier, depuis le lancement officiel, le 24 octobre 2024, aucune action concrète n’aurait été menée par ZIMAR sur le terrain susceptible de montrer l’intention réelle d’exécuter ses obligations contractuelles. Les formalités administratives liées aux indemnisations des propriétaires coutumiers ne seraient pas toujours engagées en vue de commencer les travaux de construction de la raffinerie et du complexe pétrochimique. Ce serait pour cette raison que l’Etat du Niger aurait décidé, aujourd’hui, de se tourner vers SONATRACH. Mais, avant la conclusion de ce nouvel accord, une forte délégation de la SONATRACH était présente à Niamey où, durant une semaine, elle avait eu des séances de travail intenses avec les experts nigériens pour finaliser les clauses du contrat. C’est le fruit de tous ces jours qui a abouti au paraphage de cette nouvelle convention entre l’Etat du Niger, représenté par la SONIDEP, et SONATRACH.
Mais, attention aux conséquences juridiques d’une rupture contractuelle brutale ! Comme on le sait déjà, au mois d’octobre 2024, l’Etat du Niger concluait un accord avec la société canadienne, ZIMAR, pour la construction d’une raffinerie de pétrole et d’un complexe pétrochimique dans la région de Dosso. Il s’agissait d’une véritable convention avec tout ce que cela suppose comme formalisme juridique, notamment les clauses contractuelles spéciales et autres délais contractuels. En décidant de nouer un nouvel accord de partenariat avec la SONATRACH, au détriment de ZIMAR, l’Etat du Niger pourrait voir sa responsabilité contractuelle engagée par son cocontractant canadien, car est-ce que la partie nigérienne auraitelle observé toutes les conditions relatives à la mise en cause unilatérale d’un contrat, à savoir les mises en demeure préalables ou les relances nécessaires de ces sommations préalables. L’on peut en douter fort, au regard de la relative courte durée entre la signature de ladite convention (24 octobre 2024), soit moins de trois (3) mois, et celle avec SONATRACH (14 janvier 2025). Mais, tout cela, l’on ne saurait l’apprendre au Ministre du pétrole, un fin juriste de droit privé particulièrement averti des questions de conclusion des contrats internationaux pour avoir siégé au sein de la cellule de Partenariat Public/Privé durant de nombreuses années. On pourrait donc lui faire confiance pour éviter à l’Etat du Niger les situations fâcheuses connues dans le passé où l’on avait manqué de présence d’esprit ou en faisant preuve de beaucoup d’amateurisme dans certaines ruptures unilatérales de contrat ayant conduit notre Etat devant des instances internationales d’arbitrage. Tout le monde a encore, sans doute, en mémoire, la fameuse affaire AFRICARD, ce marché public de production de passeport biométrique et électronique attribué par le Ministère de l’Intérieur, en 2010. Mais, le régime de la renaissance, obnubilé sans doute par les bakchichs, avait rompu le contrat de façon unilatérale. Conséquences d’un tel acte irréfléchi, c’est que pendant longtemps, l’Etat du Niger avait été traîné devant des instances internationales l’ayant condamné à dédommager la société AFRICARD de tous les chefs de préjudices que cette rupture abusive lui avait causés, avant de finir avec un règlement à l’amiable, en 2017. Chat échaudé craint même l’eau froide, enseigne un vieux proverbe médiéval ! Il faudrait espérer qu’aujourd’hui, dans le cadre de la convention signée avec SONATRACH, toutes les précautions juridiques auront été prises pour éviter à notre d’être à nouveau traîné devant les tribunaux internationaux de commerce ou autres instances d’arbitrage international, car des frais de procédure onéreux et des condamnations pécuniaires énormes qui pourraient être prononcées contre l’Etat du Niger. En cas d’inexécution de ces décisions, des saisies pourraient être effectuées sur des biens meubles ou immeubles de l’Etat du Niger situés dans des endroits hors du contrôle des autorités nigériennes. Les créanciers pourraient même recourir aux saisies-attribution auprès de certaines institutions bancaires dépositaires des avoirs financiers du Niger, pour se faire payer leurs droits ! On suppose que Docteur Oumarou Sahabi aura potassé toutes ces précautions d’usage avant de conclure un nouvel accord avec SONATRACH.
Halidou Maiga (Le Monde d’Aujourd’hui)