Pourquoi Niamey a rebaptisé l’Avenue Charles de Gaulle en Avenue Djibo Bakary
LA DÉCOLONISATION DES ESPRITS EN MARCHE
Dans le cadre de la décolonisation des mentalités et de l'affirmation de la souveraineté nationale et de la citoyenneté retrouvée, le Niger a décidé de renommer des rues, avenues, places et boulevards symboliques de Niamey, la Capitale.
Cette décision historique, acte patriotique par excellence, vise à désintoxiquer les esprits et libérer les nigériens de l'héritage colonial sous toutes ses formes, tout en revalorisant les héros africains, tant à l'échelle nationale que continentale.
Le mardi 15 octobre 2024, date historique où les autorités nigériennes ont officiellement rebaptisé certains lieux emblématiques de la capitale s'inscrit parfaitement dans ce cadre. C'est ainsi que l'Avenue Charles de Gaulle a été renommée Avenue Djibo Bakary, du nom d'un digne fils du Niger et héros national.
Charles de Gaulle, général et homme d'Etat français et figure centrale de l'époque coloniale et post-coloniale en Afrique, n'a laissé aucun bon souvenir qui justifierait qu'il soit honoré au Niger.
Au contraire, il a laissé l'image d'un colon implacable qui, au nom de la France et sous prétexte d'une prétendue supériorité des occidentaux dits civilisés sur les peuples extra européens, en particulier les peuples africains, a pérennisé l'exploitation économique et la domination politique, par son pays, de toute une partie de l'Afrique dont le Niger fait partie.
Malgré les souffrances cruelles, dont des assassinats et des exécutions de masses, dignes du nazisme,infligées aux Nigériens durant cette période, le nom de De Gaule avait été attribué à une avenue en plein coeur de Niamey. Comment cela a-t-il été possible ? Rien que d'y penser fait frémir.
Car, tout le monde sait que son rôle dans l'histoire de notre pays reste celui d'un colon et d'un exploiteur qui n'avait aucune considération pour les peuples africains traités de ''peuplades'', qui ne sont dignes que d'être soumises et exploitées. Son slogan, après les indépendances factices des colonies françaises, n'est-il pas ''la Coopération remplace la colonisation'' ? Monteil, s'il n'est pas pire que De Gaule, est de la même veine.
À l'inverse, Djibo Bakary, respecté fils du Niger, enseignant et homme politique, leader indépendantiste du parti communiste Sawaba, patriote sincère et convaincu des premières heures, s'est battu avec détermination pour une indépendance réelle et une souveraineté totale, à l'instar de son camarade Sékou Touré de Guinée avec qui il a décidé de voter en faveur de l'indépendance immédiate, contre la ''Communauté'' proposée par le colon français. Fervent défenseur du panafricanisme, Djibo Bakary mérite largement cette reconnaissance de son peuple, en lieu et place d'un colon.
Dans la même optique, le révolutionnaire et panafricaniste Thomas Sankara a également été honoré. Une place autrefois dédiée à l'explorateur- colon que fut Monteil, dont le nom est associé à un passé douloureux marqué par la barbarie d'un Occident dit ''civilisé'', a été renommée en son honneur.
Cette décision reflète la volonté de tourner cette page sombre de l'histoire de notre pays dont les peuples ont été brimés, exploités, esclavagisés, violés et massacrés en masses, et qui ne correspond nullement au passé que nous voulons et devons transmettre aux générations futures.
C'est d'ailleurs pour magnifier le combat des peuples africains du Sahel qui ont subi la colonisation, synonyme d'exploitation économique inique et de domination politique sans pareil dans l'histoire de l'humanité, que la "Place de la Francophonie" a été rebaptisée "Place de l'Alliance des États du Sahel". La Francophonie véritable outil au service des intérêts de la France dans ses anciennes colonies, va de facto à l'encontre des aspirations du Niger et de son peuple.
La France a suffisamment d'espace qu'elle peut baptiser ''Place de la Francophonie'', si l'idée l'enchante. Cette rebaptisation, entreprise par le CNSP, marque la volonté du pays de s'affranchir des influences toxiques néocoloniales et de promouvoir une coopération basée sur des intérêts communs avec les pays de l'AES. De même, la "Place des Martyrs français" a été renommée "Bou Bandey Batama", en hommage aux héros nigériens. Ces français élevés au rang de ''martyrs'' par la France ont été des bourreaux au Niger, en Afrique. Cette initiative de rebaptisation des rues de Niamey, symbolise une rupture avec le passé colonial et vise à promouvoir une identité nationale forte.
En remplaçant les noms des colonisateurs par ceux des figures locales, héros de l'indépendance ou personnalités culturelles, le Niger réaffirme sa fierté nationale et honore son histoire et sa propre culture.
Ainsi faisant, le Niger se réconcilie avec sa personnalité historique et culturelle. Ce processus doit se poursuivre jusqu'à ce que les vestiges de l'époque coloniale soient entièrement et à jamais effacés de nos villes et de nos esprits, au profit d'une identité qui nous est propre.
Nous tenons à féliciter chaleureusement le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP), guidé par la sagesse éclairée du Général de Brigade Abdourahamane Tiani, pour son engagement exemplaire et sa vision dans ce processus de décolonisation des esprits. Par cette démarche audacieuse et symboliquement forte, le CNSP démontre une volonté résolue de rompre avec les stigmates du passé colonial et de conduire le Niger vers une souveraineté pleine et entière.
Laboukoye (Le Courrier)