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Polémique autour de l’article 12 de la Charte : Est-ce le début d’une trahison ?

CNSP Niger La transition nigérienne, depuis des mois, alors que l’on y a trop cru, envoie des signaux inquiétants aux Nigériens qui commencent à douter et à s’effrayer qu’ils n’aient pas été naïfs à soutenir un monstre froid, comme disait Nietzsche, que dire, un système, qui risque de les dévorer. Il y a de quoi. Ils avaient quand même continué à soutenir, croyant qu’il fallait laisser plus de temps à ceux qui venaient au pouvoir avec le discours que l’on sait. Dans le même temps, d’autres, du même camp politique, venaient avec des accusations pour discréditer l’action militaire et accabler les nouveaux maîtres d’être au service d’un autre, et donc, de ne pas avoir agi, véritablement pour les intérêts du Niger ainsi qu’on l’a laissé entendre, disant à qui veut les entendre que la sécurité et la mauvaise gouvernance ne servaient que de beaux prétextes pour légitimer le coup d’Etat. Les Nigériens ne pouvaient avoir que la faiblesse d’y croire surtout quand il reste que les raisons invoquées pour justifier le coup d’Etat sont la triste réalité d’un pays profondément malade. Mais, plus les soleils se lèvent, plus l’on voit l’éclaircie, les ombres de la terrible nuit noire se dissipant. Et, voilà, on avait face au monstre froid : on a joué avec le peuple, peut-on entendre les plus impatients dire et surtout ceux qui, l’ayant prédit, jubilent, annonçant qu’on n’a rien vu encore et que d’autres numéros restent à jouer pour finir le film, un mélodrame d’un mauvais goût qui viendra bousculer le pays dans les certitudes. Les méchants.

Cela fait des mois que les Nigériens demandaient de faire l’état des lieux et d’en informer le peuple, de vider certaines affaires et, notamment, ces gros scandales qui ont marqué la gestion cahoteuse des camarades ; mais les militaires avaient fait semblant de ne rien entendre de ces bruits, sereins à continuer ce pourquoi ils prenaient le pouvoir et dont on pouvait ne pas connaitre les secrets les plus profonds. Mais, on sort, peu à peu, de la torpeur, les lignes deviennent plus lisibles et claires : c’est le désenchantement, la grande désillusion d’un peuple qui a cru aux discours des hommes, au grand patriotisme de gens qui venaient prêcher sur les terres arides et assoiffées de justice, la patrie et le patriotisme. Ces officiers respectables, peuvent-ils avoir oublié qu’ils jouent pour leur crédit dans cette affaire pour laisser à la postérité une image dont l’éclat ne s’éteindra jamais ? Est-il possible de tromper le peuple et de lui jouer ce tour quand on sait, avec quelle détermination et quelle volonté, et quel amour pour ses nouveaux héros, il avait soutenu, montant la garde pour les rassurer d’une protection populaire dont ils avaient pourtant grand besoin face aux menaces multiples qui venaient, y compris de l’intérieur et, notamment, de la part de ceux qui, aujourd’hui, reçoivent la couverture et les indulgences d’un pouvoir qu’ils avaient juré de défaire.On se rappelle d’ailleurs que le discours des mêmes acteurs de la société civile qui tentent aujourd’hui, face aux ressentiments, d’apaiser, avaient été vilipendés publiquement, les humiliant après tout ce qu’ils avaient fait dans le mouvement de soutien au CNSP, pour aller chercher à leur place une autre société civile qui ne pouvait pourtant rien mobiliser dans le pays tant que certains visages humiliés ne pouvaient pas être vus dans la dynamique du peuple – non celle d’un autre qui venait pour distraire les Nigériens. Depuis ce jour, des gens ont compris que les discours critiques vis-à-vis d’un clan protégé de l’ancien système dérangeaient, et ils perdirent leur élan, se détachant du mouvement pour observer à distance afin de mieux comprendre et de ne pas contribuer à leur propre destruction quand un autre pourrait se servir d’eux, et de leur folie d’en découdre avec un système, pour leur régler des comptes.Pourquoi donc ces ambivalences de la part de soldats qui donnaient l’assurance qu’ils ne venaient que pour servir un pays et un peuple ? Pour eux, ceux-là peuvent-ils être plus importants que le Niger qu’ils ont aujourd’hui à servir ? Peuvent-ils se sentir comptables de la gestion décriée pour avoir peur d’y aller fouiller à qui l’on demande pourtant de faire payer ses impairs ? Pourquoi donc cette résistance et ce pardon imposé jusqu’à faire plaisir à une pègre qui ne peut mériter que la sanction et le rejet ? Les Nigériens, en vérité, ne comprennent plus rien. Ils commencent à s’en agacer. Quand on écoute les conversations dans le pays, dans les fadas et dans les marchés, dans les rues, dans les villages et dans les villes, dans tous les espaces, l’on ne peut entendre que des voix douloureuses, tristes du fait qu’on se serait joué d’elles pour juste en arriver là, au grand retour du manitou d’un socialisme tropical inspiré d’une Gauche caviar française résiduelle, en déliquescence, menacée aujourd’hui de disparition sur l’échiquier français. Les déceptions sont donc grandes aujourd’hui et les Nigériens sont tombés des nues : la vie est terrible. La politique cruelle.Comment comprendre donc que, dans un tel contexte, comme si la transition a la certitude d’avoir dompté les Nigériens pour être capable de lui imposer tout, jusqu’à l’impossible, le nouveau régime aille, lui-même, chercher des problèmes là où il n’en y a pas ? Pourquoi donc imposer ce débat des langues qui n’a pas lieu d’être alors que ce n’est pas des problèmes qui manquent au Niger, à la transition et surtout au CNSP qui a à faire face à des opinions difficilement conciliables et à bien de défis énormes ? Il est clair que les militaires n’ont pas pris la mesure de la grande fracture que la gouvernance précédente à créée dans le pays pour avoir le tact nécessaire pouvant lui permettre de soigner des blessures qu’un pardon assaisonné ne peut guérir de leurs douleurs. Du moins dans le devoir de justice.Pour quelles intentions, alors que la conférence nationale, elle-même n’y parvenaient pas, la transition veut-elle imposer aux Nigériens une langue nationale alors qu’ils ne connaissent que des langues nationales ? Si d’autres font l’effort de parler la langue de l’autre, c’est juste pour montrer leur envie de se comprendre et de vivre dans la symbiose, pour mieux cultiver leur vivre-ensemble. Cela ne peut donc pas être le signe d’une domination qui justifierait un choix qui se serait fait par cette justification bancale qui prétend que c’est parce que c’est la langue la plus parlée dans le pays et donc la langue dominante. Est-ce à dire qu’il faut désormais dissuader d’autres à faire l’effort de parler la langue d’un autre ? Comment donc celui qui parle jusqu’à trois langues nationales, peut-il signer une telle décision qui, devrait-on apprendre plus tard, ne venait même des Assises nationales sur lesquelles quelques esprits malins voulaient reposer la responsabilité ? Le Niger n’a pas besoin de nouveaux problèmes. Et face à cette situation qui agite le pays, le CNSP n’a que deux solutions. Pour défendre son option de rassembler les Nigériens et de maintenir la cohésion nationale déjà trop fragile du fait de la gestion que l’on a connue douze années durant avant que les militaires ne prennent le pouvoir, la transition n’a de choix que de sortir des silences pour parler au Nigérien pour expliquer qu’un autre a dû abuser de sa confiance pour glisser ce détail qui ne pouvait pas être neutre dans les temps que le pays traverse. Et c’est d’autant la vérité qu’on ne peut rien imposer de ce genre à un peuple alors qu’on n’est plus dans une colonisation qui ne dit pas son nom ; la colonisation étant les seuls cadres dans lesquels des langues sont imposées dans le mépris d’autres, car qualifier des langues de seulement langues parlées, n’est-ce pas une manière de les reléguer au second plan, alors qu’elles portent les génies de peuples, leurs vastes cultures, toute leur histoire et leurs savoirs ? Mais, rester à se complaire dans les mêmes mutismes qui ne sont qu’un signe de mépris ne peut qu’agacer et causer des ruptures dont le pays n’a nullement besoin. La transition gagnerait alors à en faire l’économie à un pays au confluent de plusieurs déchirures. Faut-il dès lors croire que ce sont ceux qui, à la conférence, y avaient travaillé, qui croient avoir trouvé la main, celle d’un soldat qu’on pourrait penser craint par les Nigériens apeurés par treize années de socialisme cruel, pour imposer leur vieille volonté à un peuple qui ne peut pas ne pas croire à sa diversité aujourd’hui mise à mal par une décision qui n’aura pas été concertée ?Par ailleurs, si tant est que la transition l’aura, en toute conscience, décidé, par-dessus ce que les assises ont arrêté, elle doit aussi sortir pour avoir le courage de le dire aux Nigériens. Quitte, à elle, de l’assumer face à l’Histoire qui parlera. Mais, pour le moment, cette décision, produit tout l’effet contraire que le CNSP prétend venir chercher : la paix et la cohésion des Nigériens Et le débat n’est pas près de s’éteindre. Il faut aller vite aux sagesses.
Ali Soumana  (Le Courrier)