Point de presse du Premier ministre sur le blocage de l’exportation du pétrole nigérien par le Bénin : « Le Niger a respecté tous ses engagements et il s’en tiendra strictement à toutes les dispositions des accords », affirme Ali Mahaman Lamine Zeine
Suite à la décision unilatérale des autorités béninoises de bloquer l’arraisonnement et le chargement des bateaux avec le pétrole nigérien à la station terminale de Semé Kpodji, le gouvernement a réagi à travers un point de presse animé par le Premier ministre Ali Mahaman Lamine Zeine, le samedi 11 mai 2024. La sortie médiatique est intervenue après que le Président de ce pays voisin et partenaire du projet pétrolier ait indiqué que tant que le Niger n’ouvre pas sa frontière avec le Bénin, aucun litre de pétrole brut nigérien ne sera chargé à partir de Semé pour être vendu sur le marché international. Un vrai chantage foulant aux pieds tous les accords entourant ce projet.
En s’adressant à la presse nationale et internationale, le Premier ministre qui avait à ses côtés les membres du gouvernement, les conseillers techniques du Président du CNSP, Chef de l’Etat, ainsi que les siens a voulu dire la part de vérité du Niger dans cette affaire pour que les uns et les autres se fassent leur opinion. Le projet du pipeline Niger-Bénin est un projet commun tripartite dans lequel le Niger, le Bénin et la République Populaire de Chine à travers la société d’Etat la CNPC se sont donnés pour objectif d’exploiter le pipeline dans un partenariat gagnant-gagnant. Et, ce projet est encadré par une dizaine d’accords, a rappelé le Premier ministre. « Lesdites dispositions sont prises pour qu’aucun incident, qu’aucune occasion ni prétexte n’empêchent l’objectif pour lequel le pipeline a été créé de se réaliser », dixit Ali Mahaman Lamine Zeine.
Mais c’est avec beaucoup de peine que le Premier ministre a fait constater que le Bénin a violé tous ces accords par cette décision de son Président d’empêcher que le pétrole soit chargé alors qu’il s’agit jusque-là du seul passage. Et pour cause, l’accord bilatéral d’août 2019 entre l’Etat béninois et la Chine stipule que « l’Etat béninois ne modifiera, n’annulera, ne résiliera, ne déclarera invalide ou inopposable, ni ne cherchera à éviter ou à limiter d’une autre manière les effets du présent accord, de tout autre document de projet ou document de financement sans le consentement écrit préalable ». Cet Etat, dit le Premier ministre, a rédigé de ses propres mains des dispositions qui ne lui permettent pas de prendre la décision qu’il est en train de prendre aujourd’hui, celle d‘empêcher au brut nigérien d’être chargé pour aller sur le marché international alors que toutes les règles internationales disent qu’on ne peut empêcher un pays de l’inter-land d’avoir un accès à la mer.
Pour le Premier ministre, il s’agit d’une grave décision, d’une violation d’engagement, brandissant au passage les différents documents d’accords encadrant ce projet qui est censé ouvrir une nouvelle page de l’histoire du Niger et du Bénin, ainsi que de toute l’Afrique. Mais hélas, par cet agissement qui frise le chantage, les autorités béninoises piétinent allégrement les règles auxquelles elles ont elles-mêmes souscrites. « C’est aux Béninois de regarder cela et d’en tirer les leçons », a dit le Premier ministre. M. Ali Mahaman Lamine Zeine a apporté un démenti formel sur la tentative présumée de négociations qu’auraient engagées les autorités du Niger sur cette décision du Bénin, ayant circulé sur les réseaux sociaux, sur l’acceptation de l’ouverture de la frontière du Niger. Il a renvoyé dos-à-dos les Chinois et les Béninois d’abord, tout en spécifiant que « le Niger a respecté tous ses engagements et qu’il s’en tiendra strictement à toutes les dispositions ».
Relativement à la situation sécuritaire au niveau de la frontière, le Premier ministre a été très clair soulignant qu’aucun Nigérien n’acceptera que l’insécurité vienne d’ailleurs pour se propager sur notre territoire. Rappelant l’engagement fort du Président du CNSP, Chef de l’Etat sur le fait que le Niger n’attaquera jamais personne, ni par lui-même ni par quelque autre voie ou moyen que ce soit. « Le Niger est un pays connu pour son hospitalité, sa culture de la paix, sa préservation des valeurs culturelles, religieuses », a déclaré le Premier ministre ajoutant que personne n’a entendu que le Niger a agressé un autre pays. Il s’est plutôt toujours « donné les moyens de se défendre dignement ». Pour le Premier ministre, le comportement affiché par le Président béninois n’est pas nouveau. Il a rappelé que le Président que Talon était au four et au moulin lorsque la CEDEAO à laquelle le Niger appartenait avait pris des mesures punitives et ce de manière irresponsable.
Le Bénin, à travers son Président, a fermé de « manière étanche » sa frontière privant le Niger de tout, y compris des produits médicaux et alimentaires. Or, comme on sait en droit international, même pendant la guerre, on ne saurait fermer hermétiquement une frontière pour empêcher l’accès à la mer, aux produits alimentaires et médicaux aux pays de l’inter-land. « Le Bénin l’a pourtant fait ! Après la suspension des mesures de fermeture des frontières, le Niger, qui a sept frontières, a décidé en toute souveraineté et connaissance de cause de garder sa frontière avec le Bénin fermée », a dit le Premier ministre. Expliquant entre autres raisons du maintien de la fermeture de cette frontière du côté nigérien, M. Ali Mahaman Lamine Zeine a indiqué que les anciens partenaires français qui ne jouaient pas franc jeu et qui devaient quitter notre pays ont demandé avec insistance pour que le Bénin soit leur voie de sortie pour leur désengagement. On ne sait pour quel motif ils faisaient cette demande. Mais le CNSP et le gouvernement, soutenus par leur peuple ont refusé cette option du désormais ex maître honni, ne concédant à ces troupes que la voie de 1500 km vers le Tchad. « Mais chose curieuse, les troupes françaises ayant parcouru les 1500 km étaient revenues là où elles voulaient sortir, c’est-à-dire le Bénin », a précisé le Premier ministre.
‘’Il y a effectivement des bases sur le territoire béninois, y compris celles où on entraine des terroristes avec pour objectif de venir déstabiliser notre pays’’
Rejetant en bloc l’idée selon laquelle le Niger aurait dit que le Bénin amassait des troupes pour attaquer le Niger, le Premier ministre a souligné qu’il y a effectivement des bases sur le territoire béninois, y compris celles où on entraine des terroristes avec pour objectif de venir déstabiliser notre pays. Le Premier ministre a justifié le maintien de la fermeture de notre frontière avec le Bénin par des raisons de sécurité, malgré les liens historiques et millénaires qui unissent le peuple nigérien à celui du Bénin qui, lui-même n’est pas d’avis avec cette attitude belligérante de son dirigeant, a laissé entendre le Premier ministre. M. Ali Mahaman Lamine Zeine a déclaré qu’il existe bel et bien des bases militaires de déstabilisation de notre pays sur le territoire du pays voisin, toutes sont situées non loin de notre frontière. Il a présenté à la presse une carte documentée où on peut voir un minimum de cinq bases. « Avec cette preuve matérielle, lorsqu’on parle de bases de déstabilisation, il ne s’agit nullement pas d’une vue de l’esprit, mais d’une réalité tangible sur la base d’éléments bien documentés », a-t-il soutenu.
Ce sont là les raisons pour lesquelles le Niger a décidé de ne pas ouvrir sa frontière avec le Bénin. « La frontière restera fermée jusqu’à ce que le Bénin décide de traiter cette question essentielle », a martelé le Premier ministre. Soulignant que les autorités y voient une volonté d’asphyxier le Niger de la part des autorités béninoises, le Premier ministre a émis le souhait que les autorités du Bénin entendent raison. Il a clairement indiqué que le Niger est prêt à rouvrir sa frontière lorsqu’il va avoir la certitude que son territoire est en sécurité. « Le combat de souveraineté et de dignité que nous menons aujourd’hui, dans le respect de l’autre, est tout à fait naturel. Nous voulons vivre en paix. Mais on ne permettrait pas que sous le couvert d’un voisinage nous continuons à être attaqués. C’est une décision que le CNSP et le gouvernement ont prise pour notre propre sécurité. Si aujourd’hui nous savons sur le territoire du Bénin il n’y a pas ces bases que je viens de vous présenter, bien documentées, leur emplacement dans ce pays, je vous assure que demain on lèvera la fermeture », a déclaré le Premier ministre. M. Ali Mahaman Lamine Zeine a réitéré la volonté du Niger de protéger ses relations avec la Chine, ce grand partenaire avec qui l’aventure pétrolière a démarré en 2008, des relations départies de tout doute dans ce projet à travers lequel le Bénin tire des profits avec des revenus énormes et des milliers d’emplois directs et indirects. Sur la question de l’interdiction d’entrée au Niger des céréales produites au Bénin et du renchérissement des prix, le Premier ministre a purement et simplement rejeté les accusations des autorités béninoises.
Zabeirou Moussa (ONEP)