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Pétrole nigérien Le Président Bazoum, impuissant contre la gestion patrimoniale d’Issoufou et les fraudes organisées par la clientèle politique

 Le Président Bazoum Mohamed a récemment rencontré les gouverneurs qu’il a instruit de prendre toutes les mesures nécessaires en vue de lutter contre la fraude des hydrocarbures. Une démarche pour le moins insolite qui n’a aucune chance de prospérer. La mesure proposée est presque de la poudre aux yeux. Pour des sources proches du dossier, Bazoum Mohamed s’est livré à une alchimie dont le but est de faire du tape-à-l’oeil. Face à la levée de boucliers qui commence et qui le cloue au pilori, il a vite fait de contrattaquer en organisant cette rencontre surréaliste avec les gouverneurs. Une rencontre qui sonne comme un aveu d’impuissance et de fuite de responsabilité de la part du premier magistrat du pays face à un fléau dont il connaît à la fois la source et les auteurs. Dans les débats publics, sa décision est sévèrement critiquée comme l’expression d’une volonté délibérée de noyer le poisson dans l’eau. Les gouverneurs, soutiennent plusieurs sources crédibles, ne disposent d’aucun moyen efficace pour combattre la fraude. Tout au plus, note un douanier, ils vont s’essayer à la tâche, avec des moyens et des ressources humaines dérisoires. Avec 266 communes et des milliers de frontières poreuses, notamment avec le grand voisin nigérian, les gouverneurs sont plutôt condamnés à un supplice certain.

Bientôt, dans toutes les régions, des bruits énormes de saisie d’hydrocarbures vont polluer l’atmosphère.

Dans le meilleur des cas possibles, les gouverneurs vont probablement faire aussi du tape-à-l’oeil. Il faut à tout prix éviter de ne pas être taxés d’inertie, voire de résistance à l’é=exécution d’une instruction du président de la République. La porte ouverte à un limogeage inévitable. Bientôt, dans toutes les régions, des bruits énormes de saisie d’hydrocarbures vont polluer l’atmosphère. Et pour ne pas passer inaperçus, les services déconcentrés de l’Ortn (Office de radio et télévision du Niger) seront mis à contribution pour faire le maximum de boucan sur les opérations entreprises, le tout en louant la fermeté et la fidélité du gouverneur à remplir la mission confiée par le président de la République. Ça va se passer comme toujours. Du bruit, du zèle et peut-être des dérives et puis, plouf. De toute façon, bien que la fraude soit illégale, il n’y aura point d’arrestations et de poursuites judiciaires. On s’en prendra à la petite fraude, tenue, dit-on, par des porteurs de tenue qui l’ont amplifiée et étendue à toutes les régions du Niger, y compris Niamey, la capitale. Pendant ce temps, la grande fraude va continuer son petit bout de chemin, au grand bonheur et sous les ricanements de ses auteurs et commanditaires. Ces derniers sont, soit des caïds tapis dans la haute administration, soit des hommes d’affaires tournant autour du pouvoir et que le Président Bazoum connaît parfaitement. Des hommes d’affaires souvent créés de toutes pièces par le régime et dont certains sont cités dans le rapport d’audit du ministère des Finances.

Le jeu est simple : donner publiquement des instructions contre la fraude et taper sur les doigts aux douaniers qui n’auront pas compris que c’est un jeu destiné à la consommation des publics.

La grande fraude, c’est l’apanage d’hommes d’affaires sur les activités illégales desquels l’État ferme les yeux. Leur mode operandi, c’est ce que les douaniers appellent le reversement. Ils prennent le carburant au prix de l’exportation, arrivent avec leurs cargaisons jusqu’aux frontières, puis bifurquent et reviennent au pays. La cargaison est alors déversée dans les soutes à carburant des stations d’essence. Le bénéfice est énorme, les promoteurs s’enrichissent considérablement tandis que l’État croule. Les fauteurs sont connus, leurs activités sont presque faites à découvert mais en face, il n’y a que des discours. La douane nationale suffit à faire le boulot, mais elle a les mains liées par ceux-là mêmes qui lui demandent de lutter contre la fraude. L’exercice est simple : donner publiquement des instructions contre la fraude et rigoler autour du champagne avec les contrevenants à la loi. Avant de taper sur les doigts aux douaniers qui n’auront pas compris que c’est un jeu destiné à la consommation des publics. Cela est déjà arrivé maintes fois. Le cas le plus emblématique, c’est l’affaire du trafic de devises démantelé en 2015, à l’aéroport Diori Hamani de Niamey. Des commerçants au départ ont été arrêtés par la douane avec des devises étrangères d’un montant approximatif de …FCFA. Une affaire rapidement étouffée par le politique. À la manoeuvre, le même Bazoum Mohamed qui commande aujourd’hui aux gouverneurs de mettre un terme à la fraude des hydrocarbures. Au mépris de la loi, il avait expliqué à l’époque que c’était des commerçants qui voyageaient toujours avec autant d’argent par devers eux et qu’il s’agissait de les aider.

Le pétrole est l’affaire d’un clan qui veille à le garder hermétiquement fermé à tout oeil indiscret.

Par-delà la grande fraude qui s’opère à travers la pratique des reversements, le Niger est particulièrement confronté à un problème de gestion patrimoniale du pétrole. Une fraude encore plus grave que celle à laquelle Bazoum Mohamed entend s’attaquer sans se mouiller.

La gestion patrimoniale du pétrole nigérien ne fait l’ombre d’aucun doute. De 2011 à ce jour, il n’y a que Issoufou Mahamadou, Pierre Fouakoye Gado et à présent, Abba Issoufou qui connaissent le fond de ce dossier. Le pétrole est l’affaire d’un clan qui veille à le garder hermétiquement fermé à tout oeil indiscret. Cette mainmise sur le pétrole par le clan Issoufou, son successeur s’en accommode fort bien. Et ce n’est pas, loin s’en faut, ses discours interminables et ses mises en scène qui mettront un terme à la gestion patrimoniale et aux fraudes organisées et protégées.

Doudou Amadou

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Au cours de la semaine écoulée, le président de la République Mohamed Bazoum a présidé une réunion spécialement consacrée à la lutte contre la fraude des hydrocarbures, en présence de certains ministres, dont celui des finances, ainsi que des responsables des forces de défense et de sécurité. Au cours de la même semaine, la même question est revenue au cours d’une rencontre entre le président de la République et les nouveaux gouverneurs de la région. Selon le ministre de l’Intérieur Alkache Alhada qui a fait le compte-rendu de la rencontre, les gouverneurs ont reçu, entre autres instructions, de prendre les mesures nécessaires pour combattre la fraude des hydrocarbures. Il est vrai que la fraude sous toutes ses formes est un délit prévu et puni par la loi au Niger. Celle des hydrocarbures ne peut donc faire exception. Mais la particularité de cette fraude est que beaucoup de Nigériens en dépendent, directement ou indirectement. Même s’il n’existe aucune statistique en la matière, Dieu seul sait combien de familles nigériennes vivent de la vente frauduleuse des hydrocarbures, notamment l’essence et le gasoil, dans toutes les régions du pays. Il y a même des localités du pays où cette activité semble même ravir la vedette à l’agriculture et à l’élevage qui sont les principales activités au Niger. Mieux, ce sont des jeunes qui exercent cette activité, soit parce qu’ils n’ont pas eu la chance de poursuivre leurs études, soit parce qu’ils ont échoué dans l’exode dans d’autres pays. La fraude des hydrocarbures profite aussi à tous ces Nigériens qui n’ont pas les moyens ou la possibilité de se ravitailler au niveau des stations service. Pendant que le litre de l’essence et du gasoil se vend à plus de 500 francs CFA dans les stations service, il se vend sur le «marché noir» entre 250 à 300 FCFA. La mauvaise couverture du pays en stations service fait en sorte que même ceux qui veulent éviter l’essence ou le gasoil frauduleusement vendus n’ont pas souvent le choix. A moins donc que le gouvernement ne songe rapidement à prendre des mesures d’accompagnement, la décision de lutte contre la fraude des hydrocarbures risque de provoquer des remous à travers le pays. Et le capital de sympathie dont jouit le président Mohamed Bazoum risque de voler en éclats.

AI