Niger - Pression fiscale en période de pénurie énergétique : la DGI rappelle ses exigences aux ménages autonomes
Alors que le Niger est plongé depuis plusieurs semaines dans une pénurie d’électricité sans précédent, la population subit une double peine : vivre dans l’obscurité et être tenue de s’acquitter d’une taxe sur l’habitat alimenté par des sources d’énergie autonomes. Dans un contexte de refondation nationale, cette situation soulève de vives interrogations sur la cohérence de l’action publique et le principe d’équité.
La Direction Générale des Impôts (DGI) a récemment rappelé, dans un communiqué largement relayé, que tous les contribuables disposant de systèmes d’énergie autonomes doivent régler le solde de la taxe d’habitation avant le 30 juin 2025, conformément à l’article 1085 quater du code des impôts, sous peine de sanctions. Un rappel fiscal, en apparence banal, mais qui arrive dans un climat tendu marqué par des coupures d’électricité permanentes à Niamey et dans de nombreuses autres régions du pays.
Un service public en défaillance
L’une des missions fondamentales de la NIGELEC, entreprise publique d’électricité, est d’assurer la fourniture continue d’énergie à l’ensemble du territoire. Or, la situation actuelle montre une incapacité manifeste à remplir cette mission. Les pannes répétées paralysent les activités économiques, perturbent l’éducation, et affectent gravement le quotidien des ménages. Beaucoup de citoyens, faute de solution fiable, se voient contraints de recourir à des groupes électrogènes ou à des installations solaires, malgré leur coût élevé.
Ce recours à des alternatives énergétiques est un effort individuel pour pallier une défaillance structurelle, et non un luxe. Le paradoxe est donc grand : l’État, par l’intermédiaire de la DGI, impose une taxe aux citoyens qui se débrouillent pour survivre, pendant que la NIGELEC, en situation de monopole, échappe à toute remise en question profonde.
Deux poids, deux mesures ?
Dans cette crise, un fossé se creuse entre les réalités du peuple et le mode de vie de certaines élites. Des exemptions, accordées à de hauts responsables, les mettent à l’abri des effets concrets des coupures. Pendant que des familles entières voient les études de leurs enfants compromises et leurs revenus fragilisés, des privilèges sont maintenus sans transparence ni justification claire.
Cette situation accroît un sentiment d’injustice sociale, d’autant plus que les contribuables sont aussi sollicités pour participer, via des contributions obligatoires, au Fonds de solidarité pour la sauvegarde de la patrie. La pression fiscale devient alors difficilement acceptable pour ceux qui n’ont accès ni à un service minimum, ni à un traitement équitable.
Repenser la relation entre l'État et le citoyen
Le civisme fiscal est une responsabilité partagée. Mais il suppose une réciprocité de confiance : l’État fournit un service de qualité, le citoyen contribue en retour. En l’absence de cette relation équilibrée, la pression fiscale actuelle peut être perçue comme une forme d’injustice structurelle, surtout lorsqu’elle s’exerce sur les plus vulnérables, ceux qui s’efforcent de contourner les effets des défaillances institutionnelles.
Une refondation exigeante
Refonder l’État, ce n’est pas seulement adopter un discours de rupture. C’est aussi aligner les actes sur les principes de justice, d’équité et de responsabilité. Dans un pays confronté à une crise énergétique majeure, la priorité devrait être de réformer et de moderniser la NIGELEC, de garantir un accès équitable à l’énergie, et de soulager les citoyens au lieu de les pénaliser.
La crise actuelle ne doit pas servir de prétexte à un renforcement brutal de la fiscalité, mais à une remise à plat du contrat social. Le peuple nigérien, résilient mais lassé, mérite une gouvernance qui respecte ses efforts, comprend ses douleurs, et construit avec lui une refondation crédible.