Niger-Orano : Et si l’uraniumgate refait surface à l’occasion du contentieux judiciaire ?
Le contentieux judiciaire que la France cherche à imposer au Niger par le biais d’Orano, sa société du nucléaire, a des relents de réminiscence qui inquiètent à Niamey. Il y a 12 ans, Le Courrier révélait le scandale de l’uraniumgate, une transaction frauduleuse d’uranium concoctée par des cadres d’Areva avec la complicité des autorités nigériennes de l’époque. Une grosse arnaque qui vu Hassoumi Massoudou, alors directeur de Cabinet de Issoufou Mahamadou, créer à BNP Paribas de Paris (France) un compte bancaire au nom de la Sopamin et virer, à partir de ce compte, 200 milliards de FCFA au profit de Optima Energy, à Dubaï. Optima Energy ? C’est la société d’un certain Georges Hawa, un escroc international poursuivi à l’époque pour des dols ports sur plusieurs millions de dollars. L’affaire, qui a enrichi des hommes aux quatre coins du monde, dont Sébastien De Montessus, ancien vice-président d’Areva à l’époque des faits, ainsi que des visages inconnus cachés derrière des sociétés-écrans, est restée à ce jour non éclaircie. Le débat, non tranché, est relatif à la source de tant d’argent distribué à tous vents. Serait-ce le produit d’une éventuelle hypothèque sur des années de production d’uranium nigérien ? L’hypothèse est d’école depuis que Bazoum Mohamed avait déclaré que l’uranium ne rapportait plus grand-chose au Niger. L’autre hypothèse, improbable pour de nombreux observateurs avisés mais avancée par des voix qu’on pourrait aisément soupçonner d’être dans une manoeuvre manipulatoire, voudrait que tout cet argent soit généré par une simple opération virtuelle. Qui a alors perdu tant d’argent au profit d’hommes parmi lesquels on compte bien les autorités de Niamey ? Areva, actuelle Orano, qui prétend avoir perdu dans cette opération des millions de dollars, n’a pourtant engagé aucune poursuite judiciaire à l’encontre des acteurs, y compris des cadres français.
C’est à croire que la France ne vise pas que la seule production entassée et non écoulée Voir la France reprendre subitement du poil de la bête face à la décision souveraine du Niger de nationaliser son uranium est un fait insolite qui mérite des interrogations légitimes. Et si ce contentieux judiciaire révélait la face hideuse de l’uraniumgate ? L’hypothèse fait frémir à Niamey. Mais elle ne manque pas de sens. La France n’a jamais digéré son revers au Niger et particulièrement la décision des autorités nigériennes de tourner définitivement la page des 63 ans de servitude servile et d’exploitation éhontée des ressources nigériennes. À travers ce contentieux judiciaire auquel elle oblige Niamey, c’est à se demander si elle vise uniquement la production d’uranium entassée et non écoulée ou s’il y a anguille sous roche. L’uraniumgate ne serait-elle pas une hypothèque de l’uranium nigérien sur de nombreuses années ? Les questions affleurent et les autorités nigériennes devraient sans doute s’atteler à défricher ce champ afin de comprendre l’explication des prétentions françaises.
La France serait-elle sous l’effet d’un vertigo uranifère ? La nationalisation ? C’est « l'opération par laquelle L'État procède au transfert de propriété d’une entreprise en rachetant les actions des actionnaires ou en agissant par confiscation, dans des cas très exceptionnels. Elle est guidée par l'intérêt public, comme le contrôle de ressources stratégiques, le sauvetage d'une entreprise vitale, ou l'accroissement du patrimoine de l'État. L’État français qui fait aujourd’hui feu de tout bois parce que le Niger a décidé de nationaliser la Somaïr, a bien opéré des nationalisations à différentes étapes de son histoire. Au lendemain de la seconde guerre mondiale, sous le gouvernement du Général de Gaulle, elle en a fait avec les grandes banques, les compagnies d'assurance, les houillères (industries de charbon) ainsi que des industries comme Renault. Une opération qu’elle d’ailleurs renouvelé au début des années 80 sSous le gouvernement de François Mitterrand où une vague de nationalisations a encore touché les secteurs de la banque, de la sidérurgie et d'autres industries.
En attendant, donc, d’en savoir davantage sur ce qui motive tant la France à ester en justice alors que, du point de vue légal, le Niger est bien fondé à nationaliser la Somaïr, les Nigériens doivent croiser les doigts et prier pour que l’attitude de la France soit juste le résultat du vertigo uranifère.
Laboukoye (Le Courrier)