Accéder au contenu principal

Niger : la dissolution des partis politiques fait débat après les Assises Nationales

Presidentielle 2020 au Niger 1Dissolution des partis politiques Par la faute d’un ‘’seul élève’’, faut-il punir toute la ‘’classe’’ ? Les Assises Nationales de la Refondation ouvertes le 15 février 2025, ont clôt leurs travaux après six jours d’intenses débats au sein des cinq (5) sous-commissions thématiques et des plénières. A l’issue de ses travaux, la Commission Nationale chargée de la conduite des travaux des Assises Nationales de la Refondation a formulé un certain de résolutions majeures, dont entre autres, la dissolution des partis politiques. Aujourd’hui, cette forte recommandation suscite, toutefois, quelques inquiétudes tendant à loger à la même enseigne toutes les formations politiques du Niger dans la tragédie démocratique et institutionnelle ayant conduit aux événements historiques du 26 juillet 2023. En effet, le devoir de justice voudrait que chacun de nous soit jugé selon la responsabilité qui aura été la sienne dans la survenance d’un fait juridique ou dans la commission d’un acte juridique. Cependant, l’on ne saurait diluer les responsabilités individuelles dans une responsabilité collective, parlant de la dissolution des partis politiques proposée par les 600 délégués des Assises Nationales de la Refondation et les membres de la Commission Nationale chargée de la conduite des travaux de celles-ci.

La démarche biaisée de la Commission Nationale
Ici même dans ces colonnes, nous avions déjà averti contre le timing trop serré de cinq (5) réservés aux Assises Nationales de la Refondation, tant le travail à réaliser paraissait titanesque pour être abattu dans de si courts délais. Notre inquiétude majeure était que cette contrainte temporelle ne pût nuire à la qualité du travail final attendu des 30 millions de Nigériens (ce serait plus si on y ajoutait la diaspora). Malheureusement, cette précipitation aurait abouti à la recommandation malencontreuse de dissolution des formations politiques nationales existantes. Qu’est-ce qui a poussé les membres de cette Commission Nationale à faire une telle proposition radicale porteuse d’une grande injustice sociale et politique, serait-on tenté de se poser la question ? Sur quelles études préalables les membres de cette Commission se sont-ils basés pour envisager cette proposition de dissolution des partis politiques au Niger ? Autant de questions qui montrent clairement toute la problématique soulevée par cette résolution malheureuse de la Commission, mieux de son sérieux, voire de sa pertinence, ou carrément, de sa légitimité tout court. Depuis que l’école existe, il y a eu toujours des tricheries, mais, pour autant, a-t-on songé à fermer toutes les écoles pour cela, voyez-vous ? Non, car il existe de brillants élèves, ou moyens, ou médiocres, voire nuls qui ne trichent jamais dans leurs devoirs, quelles que soient les difficultés des épreuves auxquelles ils sont soumis ! Même pour les concours professionnels, l’éventuelle annulation n’intervient que dans des cas où l’ampleur des fraudes était telle qu’elle pouvait affecter toute la régularité desdits tests de recrutement. En réalité, cet amalgame pour mettre tout le monde dans le même panier procéderait d’une erreur monumentale commise dès le départ des événements du 26 juillet 2023 : l’absence de rupture totale avec l’ordre politique ancien.

Du non-procès du système politique déchu à la dissolution des partis politiques : une histoire de poker menteur permanent

A vrai dire, tout cet amalgame fait pour tenter de loger à la même enseigne toutes les formations politiques et leurs leaders proviendrait, sans doute, du manque de rupture entre le Cnsp et une bonne partie de l’ordre politique déchu qui ne saurait se limiter aux seules deux années de Mohamed Bazoum, mais devrait remonter jusqu’à Issoufou Mahamadou. Malheureusement, dans les faits, l’on n’a pas véritablement assisté à une telle rupture qui se serait traduite, dans les faits, par une remise en cause systématique de tout ce qui avait été fait sur l’ensemble de la période de gestion du Pnds/Tarayya et de ses alliés. En un mot, l’on n’avait pas daigné faire le procès du régime politique déchu, en dépit des revendications de bon nombre d’organisations citoyennes et simples personnes physiques témoins sans doute de tout ce qu’il y avait eu au Niger, en termes de mauvaise gouvernance, de corruption et de dérives autoritaires contre les adversaires politiques, les responsables des structures de la Société civile et autres journalistes et citoyens libres et indépendants souvent poursuivis pour leur droit d’expression ou de manifestation. L’on n’avait pas voulu nommer le méchant du film et l’on avait continué sur ce gros mensonge qui aura abouti, aujourd’hui, à cette fuite en avant pour tenter de noyer le poisson dans l’eau. Si, aujourd’hui, les Nigériens, dans leur écrasante majorité, abhorrent le régime démocratique et affichent leur soutien indéfectible au Cnsp, c’est avant tout du fait de la désespérance sociale née de la faillite démocratique nationale dont le seul et l’unique responsable demeure le régime de la renaissance conçu et mis en oeuvre par Issoufou Mahamadou et continué par son simple faire-valoir, Mohamed Bazoum. Refuser d’admettre cela ne fera que jeter davantage du clair-obscur, voire de l’ombre sur les chances de la véritable refondation de la république. Ce ne serait pas rendre justice à certaines formations politiques nigériennes qui n’auront été que d’éternelles victimes des perpétuelles exactions d’un système politique qui ne cessait, lorsque son leader historique arpentait les chemins escarpés pour accéder à la magistrature suprême du pays. Il ne faut pas avoir peur de nommer les choses telles qu’elles sont et ayons le courage de la foi pour mettre chacun face à ses responsabilités. En effet, jusque-là, en dépit de quelques imperfections dans les textes fondamentaux du départ, les Nigériens restaient tout de même attachés aux principes et valeurs démocratiques. Ils avaient auparavant dit non au Renouveau Démocratique du général Baré. Ils le réitérèrent avec le Tazarché de Mamadou Tandja.

Mais, le grand basculement, la grande désillusion démocratique populaire étaient apparus sous le règne personnel, dictatorial, clanique et sectaire du parti rose nigérien. Ainsi, pour asseoir son règne qu’il voulait sans partage, Issoufou avait recouru à tous les moyens possibles, de l’instrumentalisation de la justice contre d’adversaires indomptables à l’achat de consciences au sein de la gent politique, administrative, sociale et militaire grâce à la manne pétrolière qui était sa seule chasse gardée. En l’espace de douze années, la belle promesse démocratique vendue, quelques années plus tôt, au peuple nigérien dans un emballage trompeur va se transformer en cauchemar démocratique pour les 30 millions de Nigériens. Hé oui, le régime de la renaissance d’Issoufou Mahamadou et de son continuum de Mohamed Bazoum doit porter l’entière responsabilité de ce dégoût populaire pour la démocratie et le système des partis politiques au Niger ! Mahamane Ousmane n’avait eu que dix-huit (18) mois de pouvoir plein et entier et onze (11) mois de cohabitation. Sous la Cinquième République, le Niger avait connu sa plus grande stabilité politique et institutionnelle avec une démocratie qui marchait assez bien, avec même une motion de censure déposée par l’opposition et votée par la majorité, en 2007. Le seul couac fut sans doute le Tazarché, et là également, les Nigériens n’avaient pas hésité à descendre dans la rue pour le combattre. Cependant, le régime de la 7ème République va symboliser toute la dimension démoniaque du système soidisant démocratique avec tout ce que l’on avait vu comme pratiques néfastes sous le règne d’Issoufou Mahamadou et de son clan politique. Quant à Hama Amadou, Dieu Le Tout-Puissant n’avait pas permis qu’il exerçât le pouvoir suprême au Niger pour des raisons qui Lui étaient intimes, mais les qualités exceptionnelles d’homme d’Etat unanimement reconnues et la formation politique qu’il avait fondée auraient, sans doute, mérité un meilleur sort que d’être rangées dans la même catégorie qu’un certain Issoufou Mahamadou et le Pnds/Tarayya dans la survenance de la tragédie politique et démocratique du Niger contemporain. Il faudrait également louer les vertus démocratiques d’un certain Mahamane Ousmane qui n’avait jamais perdu la tête après avoir perdu le pouvoir suprême et qui avait toujours inscrit sa démarche politique dans un cadre républicain et légal. Il n’avait jamais appelé Zinder, son fief électoral, à se soulever contre la république et ses institutions. Il aurait pu le faire, connaissant sans doute l’esprit frondeur légendaire de cette région du pays qui avait donné même du fil à retordre à l’administration coloniale française. Nous ne citerions point les autres leaders politiques, non par omission, mais pour les raisons évidentes que l’on sait : ils ont tous partagé le repas du diable…

Voilà, en fait, pourquoi il n’est pas juste de punir toute la ‘’classe’’ par la faute d’un seul ‘’élève’’, car un train peut en cacher un autre, mesdames et messieurs de la Commission Nationale chargée de la conduite des travaux des Assises Nationales de la Refondation !
Ali Koma  (Le Canard en furie)