Niger - Gouvernance et Refondation : L’assainissement s’impose dans tous les secteurs
Il y a quelques jours, les autorités nigériennes procédaient à des sanctions contre les magistrats et, avant eux, leurs structures syndicales qu’elles dissolvaient pour des motifs qui, selon bien de spécialistes, pourraient, en temps normal, ne pas valoir de telles sévérités. Mais voilà, en jouant au cache-cache, ce à quoi le duel entre les magistrats et la tutelle a conduit : une dissolution de tous les syndicats sans aucun égard pour les lois ratifiées par le Niger et une radiation à laquelle, on pourrait aller en passant d’un degré à un autre. Alors que l’on a cru, qu’avec la médiation menée par une commission du Conseil Consultatif dirigée par l’Honorable Hambali, l’on a pu trouver les moyens de baisser la tension, voilà que des signes d’une rupture apparaissent, laissant la voie ouverte à une probable reprise des hostilités alors que l’on appelle à la sérénité pour préserver la quiétude dans le pays. Pourquoi donc le pouvoir fait preuve d’une telle inflexibilité quand, de partout, jugeant de l’irrégularité de ses décisions, il persiste toujours, comme dans le cas de l’article 12 qui reste suspendu aux vieilles colères, refusant d’aller à des décisions qui détendent le climat national ? Fautil croire que, par cette intransigeance qui frise l’extrémisme, le régime fait le choix d’une fermeté pour donner sens à la refondation et le souci de mettre chacun au pas afin d’adopter des comportements nouveaux ? Si tel est le cas, pourquoi la même fermeté peut-elle manquer à faire payer à l’ancien régime ses impairs alors que tout le monde l’exige et tout le monde sait ce qu’il a commis comme fautes de gestion ? La sélectivité dont on l’accable dans ses démarches pour régler timidement certaines affaires, et dans la discrétion, peut-elle donc ne pas la discréditer pour faire douter de sa volonté réelle d’assainir et de faire justice pour les Nigériens ?
Aller au-delà
Il est certain que les Nigériens attendent mieux que ce à quoi ils assistent aujourd’hui, notamment avec le travail d’une Coldeff entourée d’une opacité qui rajoute à celle déjà trop grave qui a couvert la gestion de l’ancien régime. Mais, pour rassurer dans le devoir de la justice, il aurait fallu créer d’abord les conditions qui mettent les acteurs de la justice en confiance. Mais, quand on peut, à tout bout de champ, reprocher au juge, lorsque cela reste de sa seule discrétion et du secret de sa science, d’avoir rendu un certain jugement, l’on ne peut comprendre certaines décisions surtout quand les mêmes lois, lorsqu’on pourrait ne pas être satisfait d’une décision de justice, permettent de faire appel pour chercher à un autre niveau du dispositif, de faire corriger l’erreur, ou au cas échéant, pour avoir le coeur net, de voir la peine confirmée qu’on voulait éviter. Tant que l’on peut avoir l’impression que l’Etat lui-même ne respecte pas ses lois alors qu’elles s’imposent à lui également, l’on ne peut que se sentir en insécurité et c’est peut-être pourquoi, certains autres syndicats ont paniqué pour exprimer leur préoccupation et leur solidarité avec les syndicats du secteur de la justice. Il y a de quoi : tous les régimes ont ainsi basculé dans le raidissement par de tels actes un à un posés qui font le lit à une dictature rampante. Or, le Niger n’en a que faire quand, pour réussir sa refondation, il appelle à une synergie d’actions, à une entente nationale qui, il est vrai, ne saurait occulter le devoir de justice qui, seul, peut renforcer la confiance nécessaire entre les enfants du pays.
C’est pourquoi, lorsque, pour des raisons objectives, bien de sanctions peuvent être comprises comme celle décidée contre le substitut du procureur de Diffa dont le crime qui pose même un problème de moralité, ne peut être défendue. Aussi, peuton connaitre tous les juges qui, par quelques interférences politiques, ont rendu des décisions qui servent des agendas politiques ? Ceux-là, peuvent-ils aussi être dignes d’être des magistrats pour un pays qui aspire à se refonder pour aller à la vertu ? Les actes posés par le gouvernement soulèvent aujourd’hui de vrais débats sur l’éthique du métier de magistrat dans un pays comme le Niger où, pendant plus d’une décennie au moins, avant que ne viennent les militaires au pouvoir, l’on a connu les pires brimades et autres injustices de la part d’acteurs politiques qui ne s’en cachent pas souvent de dire qu’ils règlent des comptes. La société civile nigérienne, dont bien d’acteurs sont aujourd’hui conviés à la mangeoire, en sait quelque chose pour faire attention aux morceaux viandés qu’elles peuvent, par cette faveur, ingurgiter aujourd’hui. Attention donc au cadeau empoisonné qui a grillé et détruit la promesse de belle carrière d’un certain Morou Amadou aujourd’hui condamné à la discrétion et à l’anonymat, complètement oublié des Nigériens.
Après avoir ouvert bien de dossiers connus de l’opinion, la transition pourrait, par exemple, investiguer d’autres espaces notamment la fonction publique pour découvrir, là également, d’autres bévues tout aussi impardonnables. Il s’agit, par exemple, de voir comment, usant d’affinités multiples, avec des documents faux – faux diplômes et fausses mises en position de stage – des agents ont pu contourner les procédures et accéder à la fonction publique et voir, dans d’autres cas, leurs catégories changer pour avoir des salaires mirobolants qui sont loin de refléter leurs compétences et la plus-value de leurs reclassements pour la performance de l’administration nigérienne aujourd’hui en panne. A ces niveaux et au niveau des recrutements, y compris dans les sociétés d’Etat, il y a bien de pratiques mafieuses. On peut d’ailleurs se réjouir que votre journal, Le Courrier, dans une de ses parutions récentes, annonçait une vaque de panique à la Soraz où un contrôle de diplômes serait en cours pour justement déceler les pratiques que nous dénonçons ici. C’est un travail immense qu’il faut faire, car cela permettra de faire des économies en corrigeant certaines anomalies mais aussi de pouvoir rendre l’administration performante. On sait que beaucoup de ceux qui partaient au Nigéria pour se faire reclasser, et n’ayant souvent aucune base solide en langue anglaise, n’ont jamais rédigé eux-mêmes leurs mémoires. Ce sont donc de vrais cas d’injustices pour lesquelles l’on a créé beaucoup de frustrations dans l’administration où le favoritisme, le clientélisme et le clanisme ont pris le pas sur la culture du mérite naguère connue dans les moeurs au Niger.
Faire le choix d’une administration performante et d’une culture du mérite
On ne peut pas refonder sans revenir à ces fondamentaux qui sont essentiels pour avoir une administration bonne, compétente et rigoureuse. Or, la transition ne semble échapper à de telles pratiques où l’on voit chacun manoeuvrer à faire de la place aux siens comme si chacun devrait s’assurer que les siens venaient participer aux ripailles pour manger avec le nouveau système. Avec un tel esprit, le Niger ne changera jamais, car elle met le plus souvent les compétences en marge pour faire, par le copinage, la promotion de la médiocrité. Il faut donc nommer les hommes qu’il faut à la place qu’il faut. C’est une exigence éthique qui traduit toute la rigueur que l’on peut avoir à gérer un Etat moderne.
Il faut donc partout, à chaque poste, les méritants, c’est-à-dire, ceux qui sont capables de porter les responsabilités qui y sont liées. C’est la seule manière de sortir l’administration nigérienne de sa léthargie et de son manque de résultats. Et le Premier ministre, chef de l’administration, en sait sans doute quelque chose pour voir, à son corps défendant, le choix des hommes, revenir à des lobbys sur lesquels l’Etat ne peut avoir d’emprise.
Mairiga (Le Courrier)