NIGER - Accointance Tiani-Issoufou : vérité ou discrédit ?
C’est la question que bien de nigériens se posent. Et de plus en plus. Surtout à entendre des propos venant des partisans enflammés et zélés de l’ancien président, Mahamadou Issoufou, dont l’un, un certain Papou Hamza qui s’exprimait depuis la Côte d’Ivoire dans un audio est devenu viral ces derniers jours sur les réseaux sociaux. Il n’y a vraiment pas de quoi s’attarder sur les chicanes d’un ‘’enfant de la maison’’ dont les limites intellectuelles objectives sont évidentes, s’il n’a pas adopté une posture terriblement régionaliste et évoqué une éventuelle complicité entre le président du CNSP, le Général Abdourahamane Tiani, et l’ancien président, Mahamadou Issoufou. Papou Hamza, devant un public, acquis d’avance à avaler toutes ses paroles, a rassuré des militants du PNDS, désabusés et déboussolés depuis le coup d’Etat du 26 juillet 2023. Dans une posture indécente, fondée sur la promotion d’une région, Papou Hamza n’est pas allé du dos de la cuillère pour affirmer à son auditoire ébahi par sa ‘’science’’ que :
- Ils ont une part de responsabilité dans ce qui leur arrive et le coup d’Etat car ils n’ont pas satisfait les désidératas de leurs militants. Le parti n’a pas suffisamment fait pour les militants. A entendre ce messager, le reste du Niger ne compte pas, l’intérêt national est au service d’une catégorie des nigériens ;
- Le coup d’Etat du 26 juillet 2023 est un coup d’Etat contre le PNDS, contre leur région Tahoua… Des propos intolérables, passibles de poursuites et qui, les nigériens l’espèrent, ne sont pas tombés dans les oreilles de sourds. Il y a des institutions au sein de la Républiques qui se chargent des auteurs de propos attentatoires à l’unité nationale et à la cohésion sociale ;
- Mahamadou Issoufou n’est pas derrière le coup d’Etat, ce garçon de course, on ne peut pas détruire ce qu’on a soi-même mis des décennies à construire. Mahamadou Issoufou aurait même tenté, les premiers jours, de persuader les militaires de remettre le pouvoir à Bazoum ;
- C’est Bazoum qui a trahi. Il a trahi Mahamadou Issoufou comme il a trahi le parti. Et crime de lèse-majesté, il a relevé de leurs postes tous les cadres de Tahoua. Saisi pour reconsidérer ses décisions, il ne voulait rien entendre. En plus, il accuse Mahamadou Issoufou d’être le responsable de ses propres forfaits ;
- Le PNDS n’est pas un parti fini. Le PNDS est intact et que les nigériens seront surpris des prochaines adhésions lorsque les activités des partis politiques auront repris. Seulement, tous ses propos donnent la preuve que le PNDS est un parti divisé, disloqué, agonisant. Car, aussi sûr que Dieu existe, Bazoum a, lui aussi, ses partisans au sein du parti dont il serait le cofondateur ;
- Le Général Abdourahamane Tiani, président du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP), n’aura pas d’autre choix, à l’issue de la transition, que de remettre le pouvoir au PNDS de Mahamadou Issoufou.
Comme si les autres nigériens ne représentent rien et que nul autre qu’eux du PNDS n’est digne de diriger le Niger. Les élections peuvent être mises entre parenthèses. La dévolution du pouvoir entre les deux hommes se passera et passera comme une lettre à la poste. En vérité, dans la bouche d’un militant du PNDS, les nigériens le savent désormais, gouverner a le même sens que piller, voler, mépriser et narguer le peuple. Ils reviendront donc après la transition, piller le pays, saccager les biens publics, comme ils l’ont fait de 2011 à 2023. En face, il n’y a rien. Que du vent.Papou, missionnaire ou porteur d’une commission ? Et par qui ? En tout cas, montrer que le PNDS reste intact et mettre en confiance les militants : tel est le défi majeur qui se pose au parti et à certains de ses dirigeants depuis longtemps, avant même les évènements du 26 juillet 2023. Le monde entier a qu’il y avait, au sein de ce parti où la seule valeur partagée par tous est le gout prononcé pour l’argent, plusieurs courants, plusieurs clans radicalement opposés. Au-delà de ce défi, il faut, en filigrane, laisser entrevoir Mahamadou Issoufou derrière le CNSP. Delà à déduire automatiquement que le CNSP travaille pour garantir les intérêts de Issoufou, certains zélateurs du Guru de la renaissance sautent facilement le pas. Et lui-même ça ne lui déplait pas, lui qui aime être au centre de tout même c’est faux. C’est là où le coursier d’Abidjan ne fait pas dans la dentelle. Mais, de tous ses propos, seul le 6ème point, concernant l’après la transition intéresse les nigériens. Le reste n’est que du blabla alimenté par la guerre féroce que se livrent les pro-Bazoum et les pro- Issoufou et les propos fort dithyrambiques à l’endroit de Mahamadou Issoufou, l’homme dont la gestion catastrophique sur fond de scandales politico financiers, de raids sur les ressources publiques, de déni de justice, de sectarisme, a fait du Niger le dernier pays de la planète, en termes d’indice de développement humain, régulièrement pendant 10 ans. Selon le porteur de message, il y aurait donc une sorte de pacte entre Tiani et Issoufou qui contraint Tiani à remettre le pouvoir au PNDS, sinon à Issoufou, à l’issue de la transition. Comment peut-il en être autrement, se demande le quidam. Les autres, vous n’êtes que des porteurs de bagage, des accompagnateurs. C’est quand même assez grave comme affirmation. Alors, de deux choses l’une. Ou cette accointance entre Tiani et Issoufou est une réalité, mais connue de quelques initiés même si elle est supposée par d’autres ; ou c’est une pure affabulation, une invention de gens qui se voient en train de perdre à jamais le pouvoir et les ors de la République, toutes choses qu’ils n’ont pas méritées dans les urnes, tout le monde le sait. Aussi bien en 2011, en 2016 qu’en 2021.
Dans le premier cas, Tiani et Issoufou auront fort à faire avec l’écrasante majorité des nigériens qui abhorrent Issoufou pour son incompétence notoire à gérer l’Etat, son incapacité à s’élever au-dessus de la mêlée, sa mégalomanie, son culte de la personnalité. Ils n’ont pas oublié les 10 ans de gabegie de sa gouvernance sur fond de relents dictatoriaux et de prédation des deniers publics.
Dans le second cas, c’est un jet de discrédit sur le CNSP auquel les nigériens continuent encore à faire confiance et à soutenir. Et alors, ce mensonge qui est une abomination doit être sanctionné de la meilleure manière. L’auteur de ses propos doit répondre, devant les juridictions compétentes, de ses affirmations infondées et difdiffamatoires. Tout comme il doit répondre de ses propos manifestement régionalistes, dangereux et préjudiciables pour l’unité nationale et la cohésion sociale que le peuple nigérien, dans son ensemble, sous la conduite de patriotes éclairés et sincères, a mis des décennies à bâtir et à renforcer chaque jour. Le Niger n’est pas réductible à une bande de malfaiteurs . Malheureusement, c’est le Niger que Mahamadou Issoufou a promu et qu’il faut nécessairement déconstruire.
Bisso (Le Courrier)