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Multitude de partis politiques / Seyni Oumarou, pourquoi cette préoccupation maintenant ?

Le Niger est une démocratie étonnante. Il fit, on se rappelle, à la conférence nationale souveraine, le choix hardi d’une démocratie intégrale avec, en sus, l’option discutable, car frisant le désordre, d’un multipartisme sans limite qui a conduit le pays à la chienlit que Seini Oumarou décrie aujourd’hui, appelant à mettre de l’ordre sur un environnement politique des plus confus et des moins traçables. Aujourd’hui, il se raconte que l’échiquier politique compte plus de deux cents partis politiques dont on se demande à quoi servent-ils sinon qu’à cultiver l’opportunisme, le désordre, l’absence de convictions politiques et idéologiques, la lâcheté ? A quoi servent-ils sinon qu’à montrer notre incapacité à assumer nos choix premiers pour être dans l’errance idéologique dans un échiquier traversé par des flux de transhumance qui ont détruit des identités politiques et des leaderships ? La situation est grave. De combien de fois doctrinaires ce pays a besoin pour sortir de l’impasse, pour se rassembler autour de quelques différences – mais pas deux cents ! – pour reconstruire le pays et réconcilier les filles et les fils du pays avec la politique et la démocratie autour de l’essentiel ?

On est donc que très étonné d’entendre le président du parlement nigérien sortir aujourd’hui, témoin pourtant du parcours des trois dernières décennies de notre démocratie, pour s’en lamenter, sans doute pour qu’on dise – depuis des temps qu’il s’efforce de construire cette image – ah ! Voilà, le sage. C’est de l’opportunisme politique. La sagesse, si tant qu’elle existe encore chez nos hommes politiques, voudrait que les hommes se libèrent d’un certain conformisme de mauvais aloi que des commerces politiques leur imposent, leur déniant leur liberté d’opinion, pour dire, sinon dénoncer, à chaque fois dans le pays ce qui n’est pas juste, ce qui n’est pas vrai, ce qui n’est pas bon pour le pays et pour sa cohésion, pour la démocratie et pour sa vitalité. Voilà pourquoi un tel discours n’est pas audible dans ce pays de malaises. Or, quoi qu’on dise, malgré une certaine accalmie politique et sociale précaire et fragile, ce pays va mal et surtout que des rancunes et des colères s’y fermentent laissant en sursis des bombes sociales avec une jeunesse délaissée et sans avenir, des travailleurs miséreux et un cocktail politique tout aussi explosif avec des fractures saignantes qui endolorissent un champ politique miné par des frontières nouvelles et dangereuses qui suppléent les limites idéologiques qui en constituent, dans la normalité abandonnée, les différents territoires (partis) politiques. On voit pourtant des gouvernants qui s’en inquiètent, prennent peur, envoyant des émissaires ici et là auprès d’Ulémas du pays pour des prières pour le pays. C’est certainement salutaire mais il va sans dire que cela ne saurait suffire à préserver un pays de plausibles déchirements quand les coeurs sont tristement noirs et que toujours, sournoisement, on continue à faire le mal et à cultiver la différence dans le pays et la démocratie ! Il faut dire aux hommes que ce qu’ils font n’est pas bon pour le pays et pour la démocratie ! Il faut dire aux socialistes qu’on ne gouverne pas comme ça, dans et par l’injustice ! Mais, Seini a parlé pour qu’on voie le sage en lui, contournant les vrais malaises : un Niger en deux versions devenues irréconciliables par les inimitiés entretenues, avec un camp des bons, et un autre des laissés pour compte, les parias qui, depuis plus de dix ans que les socialistes sont arrivés au pouvoir, n’ont plus rien à faire y compris dans une administration où, tant que vous n’êtes pas connus de leurs cercles politiques, vous êtes mis en marge. Les autres, avant eux, ne l’ont pas fait ! On avait une démocratie enviable. Issoufou Mahamadou, par sa conception étriquée de la démocratie, est venu diviser les Nigériens, «claniser» la démocratie. Le Niger, sans doute, mérite mieux !

Cette «clanisation» abjecte découle d’une pratique que l’on dénommait sous le vocable tristement célèbre de « concassage » des partis politiques où, aux moyens de bulldozers, des armes non-conventionnels proscrites par la démocratie et la morale politique, l’on a divisé et même opposé opposé les Nigériens qui étaient pourtant, il n’y a pas si longtemps, des frères, des amis, des cousins. Comment ne pas se rappeler, cet acteur de la société civile, un certain Siradji Issa, avant que les eaux ne l’emportent pour regagner les rangs, qui, visiblement gêné, un jour dans un débat, disait qu’il ne pouvait pas comprendre qu’un de ses parents du pouvoir qu’il allait saluer à une cérémonie, lui fit comprendre qu’il ne veut pas, malgré leurs relations de famille, qu’il s’approche de lui, surtout en public. Ses prises de position de l’époque faisaient de lui un homme infréquentable ; et à s’y hasarder, le parent, devrait le payer au milieu de la famille rose. N’est-ce pas la même chose quand, à une époque, la même d’ailleurs, personne ne peut vous approcher, avec des relations quelconques tant que vous êtes un militant affiché du parti de Hama Amadou ? Pourtant, pendant des décennies, les Nigériens ont marché avec leurs frères du PNDS qui n’étaient pas encore au pouvoir, respectant leur choix ! Le PNDS d’Issoufou a balkanisé la démocratie nigérienne, et peut-être même le Niger.

Manque de courage politique….

Il faut donc avoir le courage de mettre un nom sur chaque mal ; nommer et reconnaitre les maux dont souffrent notre société et notre démocratie. Pour s’attaquer au problème qui le préoccupe, Seini Oumarou, du haut de la tribune de l’Assemblée Nationale, à l’occasion de l’ouverture de la session des lois, rappelle « […] sur le plan politique, [que] les grandes formations tiennent successivement leurs congrès dans la paix et la sérénité. Il faut s’en féliciter ». Mais ce qu’il ne dit pas, c’est que certaines formations, ne tiennent pas leur congrès car, d’une part, elles n’ont même pas les moyens de le faire et dans beaucoup de cas, n’ont même la foule nécessaire pour un tel rassemblement ? Combien de ces formations n’ont ni siège national a fortiori de sièges régionaux, ni bureau politique légalement constitué ? Combien sontelles, ces formations qui ne peuvent ni participer à des compétitions électorales, ni même tenir des manifestations politiques depuis qu’elles ont été créées ? Comment peut-on continuer à s’accommoder de tels partis qui n’existent que par un arrêté qui les reconnait et dans le cartable de leur initiateur mais qui n’ont aucune existence physique dans le landernau politique ? Comment peut-on continuer à reconnaitre des partis qui n’ont aucun conseiller municipal dans le vaste pays, qui n’ont souvent jamais participé à une compétition électorale et faire croire qu’ils sont des partis politiques nationaux ? Notre démocratie s’accommode- t-elle de parti politique régional, local ? Sachons ce que nous voulons pour notre démocratie ! Aussi, qu’est-ce qui peut expliquer qu’une région soit la chasse gardée d’un parti sinon d’un homme politique, ne voulant qu’aucun autre parti y ait sa place ? Est-ce cela la démocratie que nous voulons construire pour notre pays ? Et pourtant, il voudrait que dans les autres régions, on l’adule, on l’acclame ! Il faut être sérieux ! Cette fierté régionale et souvent régionaliste est un virus dangereux pour la démocratie du pays et pour les fondations que l’on veut solides pour la nation en construction.

Mais il a ce constat lucide….

La démocratie nigérienne, depuis que les socialistes, sous le leadership mal-incarné d’Issoufou, sont venus la violenter, vit des blessures profondes que Bazoum Mohamed, depuis quelques temps, tente – mais vainement face à la résistance de ses amis politiques d’un certain bord de son parti – de soigner pour ressouder un pays divisé, frustré, une nation qui se porte mal. C’est pourquoi, quand le Président du parlement nigérien, « […] tirant les leçons des dernières consultations électorales, [estime] qu’il est temps de remettre en chantier la charte des partis politiques », c’est qu’il a conscience de ce que les règles ne fonctionnent pas et qu’il y a un certain laisser-aller qu’on ne peut plus continuer à observer sans agir. Plaignant « […] outre les coûts additionnels que cette situation génère pour les finances publiques au moment des élections, [il note qu’] elle est également porteuse de perturbations pour ces mêmes élections ! ». Emiettant et dispersant l’électorat, ces partis-trouble-fêtes ne viennent que pour semer le désordre et détruire la démocratie. Comment, quand on est sérieux, peut-on se réjouir, alignant une liste de près de 80 partis qui soutiendrait une candidature en 2016, placardé sur tous les toits, sans être capable de passer, pour autant, au premier tour ? Nos hommes, n’ontils plus de fierté ?

Il est donc important que les textes soient appliqués pour que les partis qui ne peuvent s’y conformer, disparaissent de l’échiquier ! Il urge de soumettre l’espace démocratique sans que cela ne puisse être perçu comme une entrave à la liberté d’association, à des règles applicables, appliquées. Les structures qui ne peuvent pas avoir d’ancrage social, électoral, ne peuvent donc pas convaincre qu’elles doivent, malgré tout, exister juste pour la forme. Cela ne veut pas dire qu’il faut mettre fin à la reconnaissance de nouveaux partis. De nouveaux viendront, mais, à chaque élection, le point des performances électorale est fait : par les résultats de chacun et selon ce que dit la loi, les partis continuent d’exister ou disparaissent ! C’est la loi.

C’est pourquoi, l’appel de Seini Oumarou ne doit pas être entendu comme une raison pour contrarier la naissance de nouveaux partis politiques dans le pays. Il y a à s’en préoccuper car, depuis quelques jours, le mouvement Hamzari, comme d’autres structures souterraines, sont dans une dynamique qui pourrait conduire à leur reconnaissance comme partis politiques. On ne les bannira pas avant de faire leurs preuves, et ils pourront ou continuer d’exister ou s’éteindre quand, sur le terrain, à la suite d’élections régulièrement tenues, ils se montreront peu viables. Il faut donc imposer l’efficacité sur des critères d’appréciation des « entreprises politiques ». Quand Seini Oumarou suggère « Au nom de la Représentation nationale, […] qu’à travers le Conseil National de Dialogue Politique, cette question soit mise à l’ordre du jour et débattue, sans aucun tabou », l’on voudrait s’assurer que ce n’est pas pour entraver ceux qui vont venir, mais pour faire le point de ce qui existe pour en tirer les conclusions qui s’imposent et demander au ministère de l’Intérieur de prendre les mesures salutaires nécessaires pour mettre de l’ordre, et assainir l’échiquier d’un trop-plein inutile. Il y a des partis politiques dont on ne voit qu’un président qui parle et parle beaucoup sans qu’on ne voie rien de son parti. Les leaders de certains autres ne parlent même pas ! Il n’y a qu’au Niger où on voit ça !

Cette situation va de pair avec cette autre qui est venue semer un autre désordre. Comment un élu, sous la bannière d’un parti, peut-il trahir le mandat qu’on lui a confié, pour se réclamer d’un autre parti qui ne l’a pas fait élire ? C’est encore le système d’Issoufou qui est venu introduire ce Mercato politique dans la démocratie nigérienne, proposant au plus offrant argent, poste ou impunité pour que des élus trahissent leur mandat et adhèrent au PNDS-Tarayya. On comprend donc que Seini Oumarou, sachant que l’Ami pêche dans ses marécages, demande de mettre « […] fin au nomadisme des élus locaux. Il est, en effet, devenu courant que des conseillers, élus sous une bannière particulière, migrent ailleurs pour déstabiliser l’exécutif communal, notamment ».

La politique, pour tout dire, demande, de la part de chacun, dignité et noblesse. C’est ce à quoi d’autres, avant les socialistes, se sont refusés. Ils savent l’élévation à laquelle les soumet la politique.

Mairiga