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Mohamed Bazoum et la lutte contre l’impunité : à quand le courage ?

Depuis onze ans que le PNDS découvrait le pouvoir, il pouvait en même temps découvrir les limites objectives de sa capacité à gouverner dans l’équité ainsi qu’il le prônait depuis des années alors qu’il se battait à l’opposition, dénonçant ici un fait de mal gouvernance, là une injustice inacceptable dans le pays. Personne ne pouvait croire qu’ils soient capables du pire. Il n’avait jamais pu comprendre les complexités du pouvoir pour en saisir les subtilités qui requirent tact et mesure. Comme dans les contes, lorsqu’il arriva au coeur du pouvoir, il fut ébloui par sa brillance, presque abêti par les faveurs auxquelles ils donnent droit, mais surtout affolé par la rutilance de ses attraits, le confort inouï de ses assises, la succulence de ses vins et de ses fumets pour perdre finalement toute lucidité à gouverner sagement, avec plus de grandeur, dans la magnanimité. Alors qu’en 2016, pour aller aux élections, Bazoum qui assurait alors la présidence du parti pour se battre pour la candidature d’Issoufou Mahamadou que le parti remettait au goût des Nigériens qui aspirait pourtant déjà à un réel changement, pouvait reconnaître que sur le plan de la lutte contre l’impunité et la corruption, leur régime avait beaucoup à faire encore, car très absent sur un tel levier de la bonne gouvernance. Et l’on avait naïvement cru qu’avec lui les choses allaient changer et que, face à tant de dossiers qui ont avili le socialisme et détruit la qualité de leur gouvernance, l’homme allait convaincre sur des choix politiques nobles qui pourraient redorer le blason terni d’un socialisme avachi, et l’image galvaudée de socialistes de pacotille.

Cela fait près d’une année que Bazoum Mohamed gouverne, dirige le Niger, présent plus sur le verbe que sur l’action. Sur la lutte vigoureuse attendue sur certains sujets, on le vit peu, ne pouvant oser s’attaquer au socle de son pouvoir assuré par ceux qui ont le plus commis des crimes, volé et mis à sac la fragile économie d’un pays qu’ils ont ruiné. Pourtant, le sachant, l’homme en rentrant en fonction le 2 avril 2021 avait promis, de s’attaquer au problème sans faiblesse, décidé, peut-on l’entendre dans les mots, à assainir la vie publique surtout quand lui peut prétendre ne s’être jamais mêlé de ces nombreuses et scabreuses affaires qui ont éclaboussé le régime.

Des annonces tapageuses…

Les Nigériens se rappellent du discours que Bazoum Mohamed avait eu le 2 avril dernier au cours de l’événement qui le consacrait président du Niger dans un pays fait de rancoeurs et de frustration, de colères et de malaises. Dans la solennité de la cérémonie qui le célébrait et le rendait à la dignité de la République, ses annonces avait glacé une partie du public qui pouvait alors douter de son choix car ces militants pouvaient espérer de l’avoir fait roi pour se protéger de leurs crimes en continuant de bénéficier de la même impunité qu’Issoufou pouvait avoir pour protéger la pègre qui l’a servi pendant dix années de laisser- aller. En effet, surprenant tout le monde, il fit entendre que la lutte contre l’impunité sera implacable et que désormais, «plus personne ne sera d’aucun secours pour un autre» et chacun, doit apprendre à s’assumer et à répondre, seul, de ses actes car ni «le parti, ni la famille, ni même l’ethnie et la religion» ne peuvent aider un autre à ne pas faire face à sa gestion lorsque celleci contrevient aux normes, aux règles. Le discours avait fait rêver les Nigériens mais au même moment l’on savait qu’il dérangeait d’autres de son camp qui n’allaient certainement pas le laisser agir à sa guise pour mettre en oeuvre une telle politique dont ils pourraient être les premières victimes, se disant certainement que s’il avait été choisi, c’est sans doute pour jouer le jeu. Mais depuis que l’on avait entendu ce discours de la rupture, l’on a rien vu venir, et les Nigériens las d’attendre vainement, commencent à douter du régime, de la capacité de l’homme qui est aux commandes à prendre en charge le désir de justice des Nigériens. Ils commençaient à râler, piaffant d’impatience à voir venir le temps du changement escompté mais que ne put Bazoum Mohamed, otage d’un système qui l’a généré.

Des fouilles sans suites ?

Bazoum Mohamed, a dès son accession à la magistrature suprême, comme pour faire croire à sa volonté de combattre les pratiques malsaines dans l’administration nigérienne, commandé des inspections d’Etat dans l’administration nigérienne notamment dans les ministères mais, l’on ne peut rien entendre des résultats de ces investigations qui peuvent étaler au grand jour, et en face d’un homme qui a peut-être sous-estimé les crimes du système dont il hérite, en grandeur nature, toute l’immensité du désastre de la gestion de ses amis et de son parti. Les crimes, on le sait, sont énormes et il va sans dire qu’en découvrant le sommet ahurissant des crimes commis, Bazoum Mohamed ne peut qu’être désemparé à ne plus savoir sur quel levier agir pour faire face à la casse. On sait qu’il n’a pas oublié ses promesses pour mettre au coeur de son action, la lutte contre les grands maux qui ont avili le socialisme et donné une mauvaise image de ceux qui servent dans le pays le socialisme dont ils se réclamaient depuis des années mais qui ne peuvent hélas, dans les faits, donner sens à leurs convictions idéologiques. Leur foi est en l’argent.

Si l’on n’a pas jusqu’ici eu écho de ce que ces inspections ont découvert dans la gestion précédente, c’est que, pour beaucoup d’analystes, Bazoum pourrait être dépassé par ce qu’il découvre pour comprendre qu’en combattant le mal qu’il voit, il ne peut que saper les fondations fragiles d’un pouvoir déjà contesté et peu légitime ainsi que le lui reprochent ses adversaires politiques qui disent toujours, presque un an après, qu’ils ne reconnaissent pas son pouvoir. On se rappelle que sous Issoufou, le même travail avait été mené, et à l’époque, l’on peut se souvenir de l’intervention du parquet qui avait en face de lui une pile de dossiers compromettants dont il disait que s’il fallait tout traiter, il aurait fallu que l’Etat consente à construire de nouvelles prisons tant le nombre de ceux qui ont mal géré est de l’ordre de la démesure. Un tel prétexte peut-il d’ailleurs justifier qu’on promeuve l’injustice pour laisser de grands délinquants économiques se la couler douce quand pour un cabri, si ce n’est pour une parole qui fâche, des Nigériens sont jetés en prison ?

Les crimes économiques qu’on a vus sous la gestion du Pnds- Tarayya, on ne les a jamais connus dans le pays depuis plus de soixante années d’indépendance. Ceux qui avaient fait croire qu’ils sont les plus vertueux, aux affaires n’ont fait que des affaires et on les découvre si vils qu’on ne peut croire qu’à de tels hommes l’on puisse confier la gestion d’un Etat.

Faut-il ainsi croire que Bazoum Mohamed a fini par comprendre qu’il ne peut que compter sur la «racaille» qui lui a donné le pouvoir pour s’accommoder de ses crimes qu’il pourrait à ses risques et périls protéger, contre le Niger et contre la justice ? Un choix bien risqué dans un pays où, plus que tout, c’est le sentiment d’injustice qui risque de pousser à des explosions ingérables, et il y a des signes qui ne trompent pas : dans le peuple ça grouille et ça s’entend. Le nouveau pouvoir, ne peut-il plus dépendre que ceux-là qui ne peuvent, en temps normal, qu’avoir à répondre de leurs actes et de leur gestion, pour croire que sa survie politique dépendrait plus de la vilénie que de la vertu politique qui commande de faire face aux défis, sans parti pris, sans faiblesse, pour le seul besoin de vérité et laisser ainsi à la postérité le bon souvenir d’une gouvernance de laquelle un peuple pourrait demeurer nostalgique. Dès lors, et après un an, les Nigériens se demandent quelle orientation éthique pourrait avoir le pouvoir de Bazoum, aujourd’hui en sursis dans un pays où plus personne ne sait écouter personne.

L’impossible courage…

Pour beaucoup d’observateurs avisés, Bazoum n’aurait plus la maîtrise de son pouvoir et il pourrait avoir compris qu’il ne serait qu’une marionnette dont se sert un autre pour avoir à gérer autrement, sous un modèle de troisième mandat déguisé, un pays devenu la vache à lait de socialistes prédateurs qui n’ont jamais aimé le pouvoir pour l’homme et son bonheur mais pour leur seul confort et pour l’argent. Il sait les fragilités sur lesquelles fonctionne son pouvoir et ne peut avoir le courage nécessaire pour prendre en main son destin de président, obligé de s’en remettre à un autre devenu son guide et son maître à penser, n’ayant plus aucune autorité sur son pouvoir pour lui donner l’orientation souhaitée.

En vérité, l’on ne peut rien attendre de la renaissance acte III pour apporter des changements, pour répondre aux attentes des Nigériens, pour satisfaire les besoins de justice d’un pays qui a fini de croire au socialisme. C’est d’autant terrible qu’aujourd’hui, au sein même du pouvoir, les déceptions sont visibles car ses nombreux manquements et ses incompétences avérées, des espoirs sont ravagés.

Le socialisme tropical nigérien, à force de fonctionner pour un clan, pour une camarilla, a montré ses limites : et les Nigériens ont de nouveaux rêves : rêves de liberté et de grandeur.

AI