Message à la Nation du Chef de l’État : L’urgence de changer de paradigme discursif
Au lieu de ressasser les mêmes sujets qui sont aujourd’hui devenus des lieux communs de ses speechs, le Président, pour intéresser mieux les Nigériens dans ses discours, doit, avec les spécialistes de la communication, repenser la parole politique qu’il produit pour animer son régime et servir les Nigériens. Pire, certains passages de son discours à l’occasion de l’An 2 du CNSP, par exemple, semblent valoriser, de par la formulation maladroite de la tournure stylistique, les actions des ennemis de la nation. Sinon, comment comprendre autrement le chef de l’Etat lorsqu’il parle d’eux en ces termes : ‘’Les résultats auxquels ils parviennent sont souvent spectaculairement importants’’. Comme si les nigériens devaient tomber, béatement, d’admiration devant les actions macabres de ces forces du mal. Le contexte et ses urgences appellent donc à un recentrage de la parole présidentielle. Se peut-il que la transition soit tombée dans les mêmes autosatisfactions qui ont fini par ruiner la Renaissance qui, au lieu de laisser le peuple juger, se faisait son propre laudateur pour crier qu’elle était la meilleure chose qui puisse arriver au Niger, faisant, sans modestie, à travers des vanités outrageantes, l’étalage de ce qu’elle aurait réussi et qui, à l’entendre, la distinguerait de tous les régimes que le pays a connus ? Une histoire de « Promesses tenues », peut-on s’en souvenir.La transition, elle, a fait beaucoup de choses ; de la dénonciation des accords militaires, économiques et miniers, au refus d’accepter des injonctions impérialistes, l’on peut surtout ajouter l’intransigeance politique qui a permis de chasser du pays les troupes étrangères stationnées dans le pays. Mais, ce n’est pas tant cela qui revient de manière rébarbative dans les discours présidentiels qu’il faudrait se plaindre surtout quand les Nigériens ont l’impression d’entendre le même refrain, les mêmes choses, les mêmes ronronnements comme si la transition ne bougeait pas,alors même que des choses énormes sont en train d’être réalisées, autour notamment d’alliances transformatrices, mais bien de ce que les discours du Président ne tracent pas toujours des horizons, n’annoncent pas des destinations. C’est pourquoi, depuis quelques mois, l’on peut entendre chez certains analystes qu’à force de vouloir aborder de manière aussi obsessionnelle la relation avec la France, le courage du Général pourrait ne plus avoir le même retentissement. A un moment où tout doit s’apaiser comme on le voit chez les voisins et partenaires pour qui le discours qui serait l’expression d’un certain sentiment anti-français n’est plus de mode, au Niger, on aurait dû aussi passer à autre chose et notamment à ce que les peuples attendent depuis des mois : le courage de ce qui peut transformer le pays et rassurer chaque Nigérien qu’on est de plain-pied dans une refondation irrévocable. Il faut donc aller au-delà des discours victimaires à un discours qui fait des enjeux de la refondation le maître-mot de son ancrage pour ne pas dévier du cap qu’indiquait le CNSP au lendemain de la date historique du 26 juillet 2023. Alors que l’on pourrait, et à juste titre, déplorer que le discours de l’an II réchauffait les mêmes thèmes, l’on peut quand même apprécier sur le ton de ce discours, une volonté politique chez le Général de maintenir le cap, de tenir à la refondation, non sans saisir ses enjeux et les impatiences qui l’entourent aujourd’hui.En vérité, la transition a trop parlé. Si à l’extérieur, elle a eu le courage des décisions qu’il fallait prendre pour l’avènement de rapports nouveaux plus sains, il reste qu’au niveau interne, l’on ne peut que plaindre un certain surplace dans le domaine économique, quelques atermoiements qui ont souvent justifié les scepticismes que l’on a souvent exprimés, ici et là, à travers le pays. C’est à juste titre, souvent, que l’on se demande si le CNSP mesure toute la portée de la popularité qu’il a auprès des Nigériens pour ne pas laisser ce captal on ne peut plus essentiel s’effondrer ? Il y a donc urgence à revoir les conversations avec le peuple pour renforcer les confiances et maintenir les ferveurs populaires qui s’étaient exprimées autour de la transition. Les Nigériens ne peuvent pas en vouloir à un homme rien que pour son nom. Si l’on entend tant de rancoeurs s’exprimer à son propos, c’est que le personnage ne rassure pas parce qu’il a gouverné pour le mal, par le mal, dans la division. Pourquoi d’autres, sans avoir besoin de gardes, peuvent aujourd’hui se balader dans le peuple et que lui ne le puisse pas, condamné à vivre encore, même hors du pouvoir, au milieu des armes qui, seules, peuvent le rassurer, comme s’il devrait avoir conscience de quelques rancunes qui pourraient le viser pour le mal qu’il fit ? Les Nigériens sont un peuple de paix. Ils n’aiment pas d’histoire ; ils sont sans histoires et sont d’autant capables de pardon que face à celui qui peut reconnaitre ses torts et qui peut promettre de s’en éloigner, ils peuvent avoir le coeur large pour ne pas garder rancune. Les malaises nigériens depuis que venait le PNDS au pouvoir sont assez profonds. On ne peut pas, d’un revers de main, les expier et croire que des coeurs qui ont tant souffert des extrémismes d’un pouvoir, puissent se libérer de leurs douleurs, de leurs blessures. Il y a donc à analyser cette situation qu’on n’a jamais connue auparavant dans le pays.
Changer de discours
Le Général Tiani a de grosses chances de réussir et de marquer l’Histoire de son pays, et peut-être de toute l’Afrique. Quand on entend aujourd’hui certains échos qui viennent du monde, célébrant tous le courage de l’homme, l’intelligence politique dont il fait montre pour évoquer le monde et ses relations, ses conflits et ses espoirs, l’on peut croire que Tiani ne peut qu’être une chance pour le Niger, un symbole de l’émancipation des peuples, des peuples d’Afrique. Pour aller dans cette option souverainiste vivement accueillie au Sahel et saluée à travers toute l’Afrique et sa diaspora mais aussi à travers tous les pays épris de pays qui supportent mal, en cette époque, certains comportements d’anciens colonisateurs à l’égard des pays africains, notamment francophones, il est urgent, de récupérer les ardeurs et de réveiller les ferveurs autour d’une transition que certains esprits malins s’évertuent à discréditer par différents moyens pour l’éloigner d’un peuple qui reste, quoiqu’on dise, la grande force de cette révolution. Le discours doit donc changer, car les Nigériens ont besoin d’entendre un autre discours, mieux, ils veulent des actes, de nouvelles promesses, les discours, après deux ans, ne pouvant rien changer.
Il est donc aujourd’hui temps de faire la part des choses pour aller à l’essentiel ; et notamment à ce que les Nigériens attendent et pour lequel, au-delà du Nigérien lambda, certains acteurs et non des moindres, du nouveau pouvoir, s’étaient hasardés à s’exprimer, convaincus à l’époque qu’en les embarquant dans le train du CNSP, c’était véritablement pour changer et refonder le pays. Ceux-là peuvent-ils aujourd’hui vivre le remords de leurs discours assez osés ? Cela remet au goût du jour la lutte implacable contre l’impunité qu’on ne saurait occulter si tant est que l’on voudrait véritablement et sincèrement refonder et faire en sorte que, dans ce pays, désormais, chacun sache qu’il ne peut être au-dessus des lois de la République.La justice est un pilier essentiel des révolutions, de toute société qui aura fait le choix d’aller sur de nouvelles bases qui mettent, au centre de toutes les actions les vraies valeurs de la démocratie authentique que des hommes politiques vicieux ont contrefaites, imposée, et promues dans les comportements des citoyens.Les Nigériens attendent donc de nouveaux courages.
Mairiga (Le Courrier)