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Message à la nation du 18 décembre 2023 : Un discours de vérité et de responsabilité pour rassurer le peuple nigérien

C’était le 18 décembre 2023 que le Niger célébrait le 65ème anniversaire de la Proclamation de la République. Ne dérogeant pas à la tradition, le Général de Brigade Abdourahamane Tiani s’est adressé à la nation à travers un discours qui était attendu quand on sait les enjeux du moment. Ce discours intervenait à un moment où le pays traverse une crise qui lui fait prendre des décisions majeures sous la houlette d’une nouvelle transition militaire qui ouvre de nouvelles perspectives au pays. Dans ce discours, le Général de Brigade Abdourahamane Tiani abordait différentes préoccupations de l’heure pour toucher du doigt les sujets brûlants du pays. On n’est plus à l’époque des discours-fleuve pour aborder des thématiques qui servent plus l’agenda de l’impérialisme et la géopolitique internationale et où on nous abreuvait de sujets comme le dividende démographique, la migration, etc. Mais, ce discours, avant toute chose, est d’abord un procès, un réquisitoire contre l’élite nigérienne qui, par la démocratie qu’elle prétend mieux gérer, a fini par trahir ses principes et dégoûter les Nigériens de cette démocratie importée, souvent inconvenante aux réalités et aux besoins du peuple nigérien.

Mettre au pilori la gestion désastreuse des dernières décennies

Voici au moins quatre coups d’Etat que le Niger a connus depuis qu’il entrait en démocratie : ce qui témoigne du manque de culture démocratique chez les hommes politiques nigériens , un manque de fair-play et la preuve des égoïsmes qui les poussent à ne vouloir tout que pour eux seuls, ne pouvant venir en politique pour l’intérêt général et pour la construction nationale. Notre démocratie a échoué, ses acteurs surtout. C’est pourquoi, dira-t-il, « Sans vouloir verser dans un bilan rétrospectif, force est de reconnaitre que les dernières décennies, en raison d’une mauvaise gouvernance, n’ont pas permis à notre peuple d’asseoir son légitime espoir d’un développement durable dans un espace de paix et de sécurité pour TOUS ». La démocratie a d’autant déçu que les règles sont dévoyées, personne ne veut perdre une élection quand il les gère ; et surtout quand, pour éteindre toute adversité dans la démocratie, l’on ne trouve de place à ses concurrents politiques que dans la prison ou l’exil. Comment ne pas s’en indigner quand « […] alors que le système démocratique doit rimer avec la bonne gouvernance et la justice, notre pays a été malheureusement otage des tenants politiques qui ont fait de la politique un fonds de commerce, piétinant allègrement les règles minimales d’éthique et de déontologie consacrées pourtant par les textes de la République » ? Comment ces gens peuvent-ils reconnaitre que le Niger a besoin d’institutions fortes, non d’hommes forts, et faire tout le contraire d’une telle vision pour vouloir s’imposer faisant la culture de la personnalité ?

On ne peut donc pas gouverner sans écouter tout le monde dans le pays, y compris ceux qui, pensant d’opinions différentes, ont refusé de voter en votre faveur dans une élection. Mais, il n’en est rien ; depuis quelques années, l’on vient au pouvoir pour écraser d’autres, pour les empêcher de se sentir chez eux, pour les anéantir, pour les empêcher d’émerger même avec leurs atouts, leurs compétences avérées, les rangeant au statut de parias. Le Niger, surtout depuis la dernière décennie, est méconnaissable. Au lieu de nous pousser à nous aimer davantage, l’on nous a poussés, au nom d’une adversité frelatée, à nous détester, à nous vouer des haines inextinguibles. Il y a un Niger pour les Nigériens de première classe et un autre pour les Nigériens de seconde zone. Ces derniers ne méritent que la prison et l’exclusion jusqu’au poste de planton. C’est à juste titre que le Général de Brigade Abdourahamane Tiani plaint « La justice sélective faite de népotisme, de corruption, d’impunité et d’opportunisme érigée en mode de gestion par excellence, choses, somme toute, qui ont favorisé le détournement des deniers publics, le bradage de notre souveraineté et l’effondrement du service public ». On ne travaille plus pour l’Etat, mais pour soi-même. Cette situation nous a amenés à ne plus croire en nousmêmes pour penser, non sans complexe, que pour nous sortir de ces situations complexes, forcément, il faut l’assistance de l’autre. Pourtant, depuis que le CNSP faisait partir les bases militaires françaises, contrairement à ce que certains médias étrangers s’évertuent à propager, la situation sécuritaire, depuis que les trois armées mettaient leurs forces en synergie, est sous contrôle.

Succès au front contre le terrorisme La reprise en main de la situation sécuritaire par l’armée nationale à la suite du retrait des militaires français, en alliance avec les armées du Mali et du Burkina Faso, a permis d’engranger de nombreuses victoires, de neutraliser des hordes de terroristes, des les acculer avec comme grandes victoires la prise de Kidal au Mali et de Djibo au Burkina Faso. Il y a donc de grandes mutations dans le pays avec des populations qui redécouvrent la vie paisible qu’elles ont connues en d’autres temps. Le Président du CNSP, Chef de l’Etat, souligne d’ailleurs « […] que grâce aux multiples succès remportés par nos vaillantes Forces de Défense et de Sécurité (FDS), nous assistons à la normalisation progressive de la situation sécuritaire ». Et comme preuves l’on a, au-delà du retour de certains déplacés, « La réouverture de près de deux cents (200) écoles restées fermées pendant plus de deux ans du fait de l’insécurité dans la région de Tillabéri » et, ce, même si une telle décision qui peut paraitre hâtive, commande encore, de la part des pouvoirs publics, plus de vigilance. Il y a surtout, note-t-il, « La sécurisation du corridor de ravitaillement en produits alimentaires et pharmaceutiques » et « La reprise des activités socio-économiques dans plusieurs régions du pays au grand bonheur des populations ». Quand on sait combien les populations ont souffert d’être isolées et gênées dans leur mobilité pour ne plus avoir à mener des activités et à certains moments de manquer d’approvisionnement, l’on ne peut que saluer l’action conjuguée des armées qui aura rendu possible la libération de certains zones et l’ouverture d’un corridor stratégique que des pays amis ont rendu possible et ont sécurisé. C’est à juste titre que le Président nigérien « […] loue […] l’engagement, l’abnégation et le professionnalisme de nos FDS qui ont permis ces succès éclatants. Je tiens donc [souligne Tiani] à leur rendre un vibrant hommage pour tous les sacrifices consentis pour la défense de l’intégrité du territoire national et la quiétude sociale ».

Refondation de la République

Le pays est dans une marche historique où rien et personne ne peuvent le dévier de sa trajectoire, décidé à aller jusqu’au bout de ses choix. Le contexte mondial donne au continent noir l’occasion rêvée de se libérer totalement de l’emprise néocoloniale. C’est pourquoi, dès l’entame de son propos, le Général de Brigade Abdourahamane Tiani a souligné que « La célébration du 65ème anniversaire de la proclamation de la République intervient dans un contexte de bouleversements géopolitiques profonds en Afrique de l’Ouest, consécutifs aux changements de régimes intervenus dans les pays du Sahel. Cette nouvelle donne, accompagnée d’un fort soutien populaire, a entrainé non seulement une remise en cause de la gouvernance économique et financière à l’interne mais aussi une remise en cause de notre relation avec l’ancien pays colonisateur, la France ». Mais, au lieu de lire le cours de l’histoire à travers des faits qui ne sont que les conséquences pour attaquer le mal à la racine, l’on est allé très vite à s’attaquer à ces conséquences. Les peuples, qui ont enfin mûri, ont décidé de prendre leur destin en mains, refusant les solutions prêt-à-porter importées de l’extérieur par des gens qui, en vérité, ne veulent pas que nous puissions aller dans le progrès. Au Niger, l’on a vu cet éveil des consciences de la part de populations qui ne sont plus prêtes à se faire dicter ce qu’elles doivent faire. Il faut un Niger nouveau où les populations décideront de leur destin pour vivre libres et dignes. Aussi dira-t-il, « Au plan National, le changement de régime opéré par le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie (CNSP) a engendré un élan patriotique sans précèdent, expression des aspirations profondes de nos populations à la dignité et à la souveraineté nationale. Jamais, dans l’histoire récente de notre pays, un évènement n’aura reçu une telle adhésion populaire spontanée et massive comme celui du 26 juillet 2023 ». Ce qui ne peut se faire sans une rupture totale avec l’ordre ancien pour ne plus compter sur un autre, mais sur nousmêmes. Il faut donc, ainsi qu’il le relève, « […] une rupture définitive avec l’ordre ancien et le début de l’émergence d’un Niger nouveau fait de justice, de fraternité, de solidarité, d’amour pour la défense de la patrie, de la bonne gouvernance et de la préservation de nos richesses. Ce désir ardent, les populations l’ont traduit dans nos langues nationales en des termes clairs : ZANCEN KASA NE, LAABOU SANNI NO ». On n’acceptera plus de complots ourdis de l’intérieur ou de l’extérieur contre le pays. Il dira d’ailleurs que « L’heure des tractations et des combines dans les officines est révolue. […le] peuple […] a pris son destin en mains. Nous n’acceptons aucun chantage, aucune intimidation, aucun préalable. TOUS UNIS POUR LA SAUVEGARDE DE NOTRE PATRIE ! ». De tels propos, pour bien d’analystes, s’adressent surtout à la CEDEAO, à l’UEMOA et la France qui peuvent croire que des sanctions du genre qu’elles prenaient contre le Niger pourraient conduire le Niger à s’effondrer pour espérer, dans le chaos, ramener le président déchu au pouvoir dont le sort est désormais scellé depuis que des pays et des organisations mondiales décidaient, par pragmatisme et sagesse, de reconnaitre les nouvelles autorités du pays. Pour mieux baliser les chemins, apprend-on que « Le Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie s’est engagé à convoquer un Forum National Inclusif pour faire le diagnostic de la situation du pays née de la mal gouvernance des régimes passés. Il proposera des réformes nécessaires pour le futur avec une feuille de route pour la transition et un programme stratégique d’actions pour la refondation de l’Etat. Ces assises seront bientôt convoquées ». Ce sont donc les Nigériens, à travers le Forum, qui dévideront de ce que devront devenir leur pays et leur démocratie. Afin de mieux réussir la transition, dès cette semaine, « […] des missions précises pour les membres du Gouvernement » seront rendues public. On salue d’ailleurs le fait que le CNSP soit de corps avec son peuple depuis qu’il initiait le Fonds de solidarité national qui a vu les Nigériens de toutes les conditions et de tous les coins du pays et de la diaspora se mobiliser pour participer son renflouement. Le Général de Brigade Abdourahamane Tiani précisera d’ailleurs qu’ « Au plan de la mobilisation sociale et de la sécurité, un compte dénommé Fonds de Solidarité pour la Sauvegarde de la Patrie « FSSP » a été créé pour la mobilisation des ressources, le financement des appuis au renforcement des capacités des Forces de Défense et de Sécurité engagées dans la lutte contre le terrorisme et l’insécurité ainsi que la prise en charge des victimes de ce fléau ».

En prenant les leçons des échecs passés, il faut aujourd’hui repenser notre démocratie en prenant tous les garde-fous qui peuvent empêcher de tomber dans les mêmes travers. Cela est d’autant possible que le Niger, même isolé de la CEDEAO, ne marche plus seul. Il retrouvait de nouvelles amitiés au sein de l’AES qui, par les projets qu’elle poursuit, risque de conduire à l’implosion des organisations sous-régionales décadentes et démodées.

L’AES au coeur de la géopolitique Le Niger, depuis que la CEDEAO décidait de le mettre en quarantaine, évolue dans un cadre de solidarité agissante. En effet, l’Alliance des Etats du Sahel est un cadre géostratégique qui en fait un espace économique à la démographie dynamique où devront se jouer des enjeux importants des progrès du monde. Pour le Président nigérien « La création de l’Alliance des Etats du Sahel est assurément l’aboutissement de cette démarche dont l’objectif est de faire du Sahel un espace de paix et de prospérité. Notre nouvelle organisation travaillera dans le seul intérêt des Sahéliens et pour une Afrique libre et décomplexée ». Autant elle libèrera le Sahel et fera le progrès de cet espace riche qu’on a voulu maintenir dans la misère et dans l’assistance, autant, par ses résultats, elle parviendra à fédérer d’autres Etats qui finiront par abandonner des organisations moribondes encore coachées par la France. La vision partagée des trois dirigeants de l’espace permet de croire que l’Afrique est désormais debout, prête pour toutes les épopées. Il le dira d’ailleurs dans son discours : « Aujourd’hui avec mes frères Ibrahim Traoré, Assimi Goita, nous sommes déterminés à écrire l’histoire, l’histoire d’une Afrique libre où les Africains vivront une vraie indépendance ». Le temps n’est donc plus à l’hésitation, au doute.

Combattre sans faiblesse les maux qui minent notre société

Mais, rien de tout cela ne peut être réussi tant qu’on ne réussira pas à débarrasser la pratique politique de certaines habitudes nocives qui ont porté préjudice au progrès du pays. Il faut donc combattre sans faiblesse les tares de notre administration, les nouvelles attitudes de Nigériens plus enclins à la facilité. Rien, désormais, ne sera plus comme avant, avertit-il. C’est pourquoi, dira-t-il, « Au plan de la justice sociale et de la restauration de l’Etat et du peuple dans ses droits, la Commission de Lutte contre la Délinquance Economique, Financière et Fiscale (COLDEFF) est à pied d’oeuvre pour instruire tous les dossiers relevant de sa compétence. J’engage ses membres, au demeurant sous serment, à tout mettre en oeuvre pour mériter la confiance placée en eux par la Nation ». Il sait, du reste, qu’il est très attendu sur un tel sujet par ses compatriotes, et alors qu’il le faisait il y a quelques jours, il ne peut rater cette autre occasion pour donner de nouvelles assurances aux Nigériens. Ainsi, dira-t-il, « Pour ma part, je réitère mon engagement, celui du CNSP et du gouvernement, de ne couvrir personne et de prêter mains fortes à cette institution pour surmonter toute entrave, car le fléau généralisé de la corruption est l’une des causes qui nous ont conduits à prendre nos responsabilités pour mettre fin au régime que vous connaissez ». Sur ce point, il est d’ailleurs ferme : « Nous avons fait le serment de mettre l’Etat dans ses droits. Pas de répit ni de pitié pour ceux qui ont spolié les biens de l’Etat. Nous avons instruit la COLDEFF à travailler en toute transparence, tout en respectant le droit des uns et des autres ». Les Nigériens ne demandent pas mieux, même si, pour le moment, l’on ne sait pas si l’on s’en tient à faire rentrer l’Etat dans ses droits tout en oubliant l’aspect pénal des crimes découverts.

Répondre aux attentes du monde paysan

Pour finir, ce discours s’est également intéressé au bilan de la dernière campagne agricole qui n’a pas souvent répondu aux attentes des populations. En effet, dira-t-il, « La campagne agricole et pastorale de cette année n’a pas répondu totalement aux attentes de nos laborieuses populations. En pareilles circonstances, l’Etat prend toutes les dispositions pour non seulement entreprendre des activités compensatrices pour les agriculteurs et les éleveurs, mais aussi assurer la disponibilité des produits alimentaires sur l’ensemble du territoire national. Grâce à la coopération multiforme avec certains pays amis, notre pays dispose suffisamment de produits alimentaires accessibles sur le marché et cela en dépit du blocus barbare de la CEDEAO et de l’UEMOA ». Et, le peuple a courageusement résisté, refusant de courber l’échine, décidé à emprunté, malgré tout, les voies difficiles de la liberté. Comment peut-il d’ailleurs oublier ceux qui, amis de notre peuple, ont décidé malgré les sanctions, de rester solidaires avec le Niger, l’aidant à traverser les moments difficiles qu’il connut ? Il va ainsi saluer « […] cette marque de solidarité des gouvernements de la Guinée, du Tchad, de l’Algérie, du Maroc, de la Guinée Equatoriale et tous les autres pays amis qui nous ont apportés leur soutien. [Faisant en même temps] Une mention spéciale pour la République soeur du Togo qui n’a ménagé aucun effort pour nous soutenir avec engagement et constante disponibilité ainsi que tous les peuples frères qui nous accompagnent en ces moments difficiles ».

Le Niger est donc sur le bon chemin. Il revient. Il n’entend pas baisser la garde.

Par Maïriga