Skip to main content

Médias publics à l’ère de la refondation de la gouvernance : l’exemple de Télé Sahel

Dans les sociétés modernes, les médias, en général, la télévision, en particulier, constituent un enjeu politique, qui ne laisse pas les gouvernants indifférents. Institution indispensable et redoutable, les dirigeants font tout pour avoir leur mainmise sur les médias en les utilisant à des fins de propagande, l’une des raisons pour lesquelles au Niger, avec la diversité du paysage audiovisuel, les citoyens affichent leur préférence pour les médias privés au détriment de la presse publique surtout en ce qui concerne la consommation des débats et des informations.  

D’après une enquête d’Afro baromètre en 2019, les sources d’information des Nigériens proviennent de la télévision avec une audience de 13%. Auparavant en 2017, l’institut de sondage Danni a conduit un sondage sur l’audience des éditions d’information, toutes langues comprises dans la ville de Niamey dont les résultats montrent que Télé Sahel avec 17.26% d’audience n’arrive qu’en deuxième position, très loin, derrière Bonferey TV et ses 32.81%.  .
Si un sondage similaire était réalisé par ces temps qui courent, il est fort à parier que la première place reviendrait à Télé Sahel dont les émissions captivent et émerveillent de plus en plus l’écrasante majorité des citoyens. Cette mue qualitative est incontestablement liée au nouvel environnement politique qui prévaut. L’on se rappelle que dans un proche passé, ce média était décrié à cause de ses prestations insipides (I) sans commune mesure avec son ouverture actuelle à tous les courants d’expression (II).

  1. De Télé Sahel, instrument exclusif au service des tenants du pouvoir…

En dépit de son slogan : « Télé Sahel pour tous et partout », les antennes de la télévision nationale étaient presque exclusivement dédiées aux activités officielles et administratives, magnifiées et glorifiées à longueur de journaux télévisés dont l’ennui se le dispute à la platitude. On assistait à quelques rares débats monotones mais non contradictoires, pensée unique oblige. La faute sûrement aux pressions politiques pour traiter l’information dans le sens souhaité. La seule ingérence des tenants du pouvoir n’expliquait pas tout, les journalistes eux-mêmes avaient leur part de responsabilité, de peur de déplaire à la hiérarchie ; aussi l’autocensure était-elle pratiquée à leur niveau. Tel l’enseignement de Pangloss à Candide, et à qui veut bien l'entendre, les choses étaient présentées sous l’angle : « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. »

Dans le contexte ci-dessus décrit, l’opposition, sauf en période électorale, était absente, la société civile frondeuse et d’autres acteurs "mal pensants" n’avaient pas de place à l’antenne ; comme si tout ce beau monde ne payait pas la redevance RTN via les factures de la NIGELEC. Au soir du 26 juillet 2023, au journal télévisé de 20 heures 30, pendant que les téléspectateurs avaient les yeux rivés sur leurs petits écrans afin de s’enquérir de la situation sociopolitique qui prévalait et couper court à toutes sortes de rumeurs et supputations, le présentateur du JT annonçait : "circulez, il n’y a rien à voir." Et pourtant, un peu plus tard dans la nuit, le fameux communiqué tomba, point de départ de la refondation de ce média.

  1. … A Télé sahel, au service du peuple et de la refondation.

“L’intelligence c’est la capacité de s’adapter au changement ” nous apprend De Stephen Hawking. Oui, en un laps de temps très court, Télé Sahel se transforma en Télé de la refondation. Dès le lendemain du 26 juillet 2023, libérée des pressions politiques, Télé Sahel se mettait au diapason des attentes du peuple souverain, en dépit d’un contexte marqué par le défi des coupures d’électricité. Devenue le porte-voix du peuple dans le nouvel environnement sociopolitique, Télé Sahel se retrouve dans sa nouvelle fonction de « chien de garde » de la refondation. Le réceptacle de tous les courants d’opinions et d’idées qui s’affrontent et s’entrechoquent, des plus lumineuses, au plus fantaisistes, voire irréalistes, émises toutes avec passion par le citoyen lambda, l’acteur de la société civile ou l’expert  avec le souci de faire bouger les lignes et d’aboutir à des lendemains meilleurs. Dieu sait que certaines idées constituent des contributions pertinentes, des mines d’or susceptibles d’inspirer les gouvernants. Également, sont régulièrement diffusés sur les antennes, des débats de citoyens organisés sur les places publiques et les quartiers populaires où les populations expriment leurs préoccupations et leurs attentes, sans langue de bois et en toute liberté. Dans ce sens, Tocqueville relève que « la souveraineté du peuple et la liberté de la presse sont […] deux choses corrélatives. »

Des émissions comme "Appel de la patrie" ou "Grand débat” ainsi que les causeries en langues nationales portant sur des sujets riches et variés, ont vite gagné en popularité parmi les fidèles téléspectateurs, qui attendent impatiemment leurs diffusions. Leurs animateurs infatigables, M. Addine Al Algalass et M. Abdoulaye Tiémogo, font preuve de dévouement et de brio. Sans oublier M. Kader Yayé et Elh. Bizo qui sortent des prestations XXL en langues, avec des records d’audience inégalés, à chaque fois qu’ils ont l’occasion d’interviewer le Général Abdourahamane Tiani.

L’impact est déjà ressenti sur la construction de la refondation, qui débouchera sur un nouvel ordre de gouvernance différent des échecs cuisants passés. Cette métamorphose doit être renforcée et pérennisée. Reste à assurer plus de productions dans toutes les langues nationales et maintenir le cap au plus près du citoyen. Par exemple, plus d’émissions sur la citoyenneté qui cadrent avec l’éveil patriotique, de faits divers instructifs, des comptes rendus d’audiences des juridictions ( en préservant l’anonymat des parties) , sur la brave ménagère qui quitte la maison après la prière de Fajr pour aller se procurer des fruits au marché et retourner les revendre au quartier pour subvenir aux besoins de sa famille, le paysan en silence qui trime dans son champ du matin au soir en scrutant le moindre nuage, l’ouvrier qui marne au chantier sous le soleil de plomb moyennant une modique rémunération journalière, l’élève qui effectue des kilomètres à pied pour se rendre dans son établissement à la recherche du savoir. Bref, porter l’image du Niger qui se bat et avance contre vents et marées.

D’ores et déjà, si la palme de la refondation devait être attribuée pour bons et loyaux services, il n’y a pas photo : the winner is…Télé Sahel.

Abdourahamane Oumarou LY

Juriste/Analyste politique

Arusha/Tanzanie.

  •