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Levée du Préavis de Grève du Syndicat Autonome des Magistrats du Niger (SAMAN) : Indécision et Discrédit

Saman NigerLevée du préavis de grève du SAMAN : Entre indécision et discrédit Le 26 juin 2024, le Syndicat Autonome des Magistrats du Niger (SAMAN) avait déposé, au niveau du Ministère de la Justice, un préavis de grève de trois jours, sans service minimum, pour les 1ers, 2 et 3 juillet 2024, sur l’ensemble du territoire national. En cause, d’après la déclaration rendue publique à cet effet, certaines interférences dans le fonctionnement de la Justice. D’abord, il y avait lieu de relever une contradiction flagrante dans la déclaration du SAMAN qui commençait par un éloge au Cnsp, en rappelant l’attachement de celui-ci aux principes de l’Etat de droit. Dans ces conditions, pourquoi aller en grève contre un organe respectueux de tels principes fondamentaux, serait-on en droit de se poser la question ? Peut-être qu’il eût fallu de la part du SAMAN d’évoquer plutôt l’attachement de l’Etat du Niger à ces principes, pour ne pas être en porte-à-faux des motifs pour lesquels il envisageait de se mettre en grève. Ensuite, l’on avait été surpris, de la part des connaisseurs attitrés de la loi, de la mention de ‘’grève sans service minimum’’, une notion qui n’existe plus dans la loi régissant le droit de grève au sein de la Fonction publique nigérienne. En effet, aux termes de l’ordonnance n°96-009 du 31 mars 1996, portant règlementation du droit de grève au sein de la Fonction publique nigérienne, en son article 9, dispose que « Dans les services et/ou stratégiques de l’Etat, un service minimum doit être établi d’un commun accord entre les autorités et les organisations syndicales… ». Or, à ce que l’on sache, la Justice, à défaut de faire partie des services vitaux de l’Etat, n’en est pas moins un service stratégique ! Comment, alors, des magistrats de carrière ont-ils pu aller à une telle extrémité, auraiton envie de se demander ? Ou bien, parce qu’ils sont régis par un statut autonome, se seraientils cru autorisés dispensés de l’observation de ce service minimum. Mais, auraient-ils oublié qu’ils sont, avant tout, des fonctionnaires de l’Etat, en dépit de leur statut autonome ?

En voilà pour la forme de ce préavis de grève du SAMAN ! Quant au fond, les magistrats du Niger invoquaient des interférences dans l’administration de la justice qui porteraient atteinte à l’indépendance de la magistrature, selon eux. Quelles immixtions politiques n’avait-on pas observées sous le régime de la 7ème République sans que le SAMAN puisse protester pour menacer de se mettre en grève pour cela ? Où était, en effet, le SAMAN, lorsque la Justice était instrumentalisée par le régime de la renaissance contre des adversaires politiques ou autres citoyens jugés mal-pensants ? Or, s’il y a aujourd’hui un Corps de l’Etat au Niger qui aura démissionné pour permettre au régime déchu de se livrer à sa politique de bâillonnement des libertés publiques fondamentales, c’est bien l’institution judiciaire qui emprisonnait systématiquement opposants politiques, acteurs sociaux et journalistes indépendants qui refusaient la gestion autocratique de ce régime antidémocratique et profondément liberticide ! Où était-il, quand la Cour Constitutionnelle invalidait injustement la candidature à l’élection présidentielle de 2021 d’une personnalité nigérienne, tout en validant celle d’un autre candidat à la citoyenneté douteuse ? Pourtant, en 2009, la même Cour Constitutionnelle, présidée par une femme d’exception, en l’occurrence Madame Bazèye Salifou, avait montré que cette juridiction pouvait être indépendante et républicaine pour censurer le projet de référendum constitutionnel d’un certain Mamadou Tandja en vue de se maintenir au pouvoir audelà de son second et dernier mandant autorisé par la loi fondamentale du pays. Or, la Justice doit être le dernier rempart contre les velléités dictatoriales des princes autocratiques dans un pays, mais non de servir de bras séculiers pour assouvir les penchants de pouvoir personnel de ces autocrates va-nu-pieds et surtout arrivistes. Comment, alors expliquer que le leader du Mouvement M62, arrêté et emprisonné par le régime déchu pour des faits qui n’étaient même pas constitués, ait été mis en liberté aussitôt le régime renversé, alors qu’à plusieurs reprises, ses demandes de liberté provisoire étaient systématiquement rejetées par cette même Justice ? Idem pour le cas de l’ex-DG de la SOPAMIN et exministre de la Communication, Hama Zada qui a bénéficié d’un non-lieu surprenant, après avoir passé plus de deux années derrière les barreaux, en dépit des garanties de représentation qu’il offrait pour bénéficier d’une liberté conditionnée en attendant le procès !

Voilà, en réalité, les raisons principales pour lesquelles les Nigériens n’auront pas été convaincus par les arguments du SAMAN dans son préavis de grève qu’il s’est ensuite empressé de suspendre pour des raisons de ‘’contexte d’insécurité’’ qui ne tiennent guère la route, manifestement. Où se trouverait le lien entre la Justice et le contexte sécuritaire, s’il vous plaît ? Le SAMAN ne connaissait- il pas le contexte sécuritaire particulier du pays au moment où il déposait son préavis de grève ? En réalité, le malaise actuel du SAMAN qui le fait courir dans tous les sens et lui fait perdre la tête se trouve, sans doute, ailleurs, en tous cas pas dans les soi-disant interférences dans l’administration de la justice, comme il le prétendait dans son préavis de grève. A l’heure de la refondation nationale, on ne peut plus faire du neuf avec du vieux. Plus que jamais donc, les états généraux de la Justice nigérienne s’avèrent nécessaires afin de réformer en profondeur notre système judiciaire dans lequel, de plus en plus, les justiciables nigériens croient peu !

Ali Koma (Le Canard en furie)