Levée de l’immunité Bazoum : A quand le tour de Mahamadou Issoufou ?
Le vendredi 10 mai 2024,au moment où l’opinion nationale, et aussi internationale, attendait, impatiente de connaitre le contenu du délibéré sur la demande de levée de l’immunité du président déchu, Bazoum Mohamed, l’on apprend que le Cour d’Etat, a rabattu au 07 juin le délibéré, sur requête de ses avocats. En termes juridiques, le délibéré rabattu, différent de délibéré reporté, signifie qu’il n’y aura pas de délibéré le 07 juin, mais les débats sur la levée de l’immunité seront tout simplement repris.
Ainsi donc, le 07 juin 2024, les débats seront repris et la date du délibéré fixée ultérieurement. Si, à l’issue des débats, le Conseil d’Etat lève l’immunité de Bazoum, celui-ci répondra devant la juridiction compétente des faits qui lui sont reprochés et pour lesquels il y eut besoin de lever son immunité. Ce sera une première dans l’histoire de la République, la première fois qu’un président de la République sera jugé. Pour bien de nigériens, le président de la République est un citoyen comme les autres, soumis aux mêmes lois dont il est lui-même le garant. Il ne doit donc pas bénéficier d’une absolution totale et se placer au-dessus de la loi. Mais, plus que la levée de l’immunité de Bazoum, c’est plutôt celle de Mahamadou Issoufou qui est plutôt attendue. Tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays où le monsieur s’est débrouillé, après avoir été présenté pendant longtemps par ses parrains français, puis occidentaux, comme un démocrate modèle -entendre qu’il faisait leur jeu et jouait leurs intérêts contre ceux de son pays - pour se créer assez d’ennemis politiques. Certains de ses anciens soutiens, parmi ces mêmes occidentaux soutiennent d’ailleurs qu’il serait le commanditaire du coup d’Etat du 26 juillet 2024 pour préserver ses propres intérêts, en trahissant son ami, son parti, la démocratie et son pays. A l’intérieur, l’homme est soupçonné d’ être le point de départ et le point d’arrivée de tous les dossiers de scandales politico financiers qui ont jalonné la gestion du PNDS depuis 2011. Alors, pourquoi l’homme ne serait- il pas inquiété et ‘’tarde à s’expliquer dans plusieurs affaires de détournement et de corruption présumés’’ ? C’est la question que se pose aussi Nicolas Beau, dans un article intitulé ‘’L’ancien président nigérien Mahamadou Issoufou cerné par les affaires’’, paru le 10 avril 2024, dans MondAfrique.
On y lit que Mahamadou Issoufou aurait ‘’joué un rôle important dans la destitution de son prédécesseur, Mohamed Bazoum’’. Et l’homme, par lequel une ‘’junte militaire’’ est arrivée au pouvoir souffre du mépris affiché à son égard par Emmanuel Macron, il souffre que le président de la République française ne ‘’le prend plus au téléphone’’, apprend-on. Mahamadou Issoufou, l’homme qui faisait tout pour s’afficher avec les grands de ce monde par fanfaronnade, était réputé pourtant être très proche de Macron. Toujours selon MondAfrique, en plus des accusations de la fille de Bazoum contre Mahamadou Issoufou, ce dernier serait dans le viseur ‘’des enquêteurs américains et français dans l’affaire uraniumgate’’.Cette affaire, qualifiée de ‘’thriller politico-financier’’, porte sur la vente dans ‘’des conditions très obscures de près de 3 000 tonnes d’uranium par Areva’’, en utilisant la Société de patrimoine des mines du Niger (SOPAMIN). Le protagoniste principal de cette vente circulaire est Hassoumi Massoudou, à l’époque, directeur de cabinet de Mahamadou Issoufou. Dans cette affaire, note le journal, ce n’est pas tant ‘’les conditions obscures’’ dans lesquelles la vente a eu lieu que ‘’l’existence de retro commissions’’ qu’auraient perçues l’ancien président auquel s’intéressent les limiers français et américains Environ 23 millions de dollars auraient été redistribués par Helin International qui aurait aidé à vendre l’uranium à un groupe d’agents étrangers dont des officiels nigériens. Et justement, Beau ajoute, en citant Africa Intelligence,que ‘’Dans des documents internes de comptabilité Helin International est mentionné un certain T3. Un nom de code que les éléments de l’enquête américaine tendent à attribuer à l’ancien président Mahamadou Issoufou’’ qui est se ‘’trouve suspecté d’avoir perçu 2,6 millions de dollars versés par Energy Standard Trading FZE sur un compte de la Standard Chartered Bank de Dubaï, appartenant à OKI International Trading LLC, le 14 mars 2012’’.
Cette vente d’uranium a également intéressé le parquet national financier français. Celuici a d’ailleurs ‘’amené la Brigade financière à saisir des documents internes de Helin International’’, indique le journal. L’ancien président Mahamadou Issoufou a, bien entendu, rejeté ces accusations et a même menacé par la voix de son avocat qu’il porterait plainte ‘’sans préciser vers quelle juridiction il se tournerait pour obtenir réparation’’. Une plainte qu’il n’a évidemment déposée nulle part, nous apprend MondAfrique. Il a d’ailleurs repris la même esbroufe, menace de porter plainte, lorsque l’ancien clivant ambassadeur de France au Niger, Silvain Itté, l’a ‘’mis en cause dans la conspiration contre son prédécesseur’’, entendre le coup d’Etat du 26 juillet 2023, contre Bazoum Mohamed. Là aussi ce n’est qu’un simple ‘’acte de communication envers sa clientèle politique qu’à une vraie défense’’, avance MondAfrique.
A ces motifs de vives préoccupations venues de l’extérieur, notamment les justices américaine et française, s’ajoutent plusieurs dossiers internes où il aurait joué un rôle central. Il s’agit, en substance, du prêt Exim Bank dont le montant même a été caché aux nigériens, et le dossier du ministère de la défense connu sous le nom de MDN-gate. Près de 78 milliards auraient été détournés dans le domaine ultra-sensible de la défense de l’intégrité du territoire. Commandes fictives, marchés publics attribués mais non exécutés, surfacturations, rétro commissions, et autres frasques ont constitué ce que le journaliste appelle ‘’une vraie ingénierie de la fraude’’.
Formellement identifiés, les fournisseurs n’ont été nullement inquiétés, ils n’ont jamais eu à répondre devant la justice. Malgré tous ces dossiers Mahamadou Issoufou, en raison de ‘’sérieuses protections’’ dont il jouirait, ne semble pas trop s’inquiéter En tout cas pas du fait des dossiers internes qui sont pourtant, tous, pris un à un, des crimes économiques. Mais ‘’reste à savoir jusqu’à quand cette mansuétude pourrait durer’’, s’interroge en filigrane MondAfrique. Chacun rendra ses comptes un jour à l’autre. Ce n’est qu’une question de temps.
Bisso (Le Courrier)