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Levée « avec effet immédiat » des sanctions sur le Niger : quelles perspectives pour le dédommagement « de notre pays et de ses opérateurs économiques ?»- Par Djibrilla Baré Mainassara

Djibrilla Bare Mainassara Un Sommet extraordinaire de la CEDEAO vient de se tenir à Abuja, ce 24 février 2024 et il a décidé de la levée « avec effet immédiat », des sanctions sur le Niger en vigueur depuis le 30 juillet 2023. Ces sanctions inhumaines, illégales et iniques avaient été prises suite au coup d’État intervenu au Niger le 26 juillet 2023 contre le président Mohamed Bazoum du Niger. Il faut se rappeler que seuls, onze (11) pays de la CEDEAO sur les 15 – puisque 4 sur les 15 pays membres, avaient pris part à ce sommet. Quant au sommet de l’UEMOA qui a endossé les sanctions de la CEDEAO, seuls 5 pays y avaient pris part sur les huit membres, puisque trois (3) y étaient suspendus, à savoir le Niger, le Mali et le Burkina Faso ? Ces sanctions qui ont éprouvé les populations nigériennes pendant près de sept (7) mois avec leurs cortèges de morts dans les hôpitaux et centres de santé dans nos contrées, des milliers de déplacés, de faillites de petites, moyennes et grandes entreprises, de foyers détruits, de projets scolaires et professionnels compromis, de biens et services détruits, doivent-elles être passés en pertes et profits et rester ainsi sans conséquences judiciaires ?

Les chefs d’Etat de la CEDEAO, avaient-ils le droit de prendre des mesures aussi inhumaines et illégales, jamais prises auparavant contre un pays au monde, tout juste pour rétablir un chef d’Etat mal élu sur son trône ? Le tout, au nom d’une prétendue convergence constitutionnelle inscrite à l’article 1 du protocole de la CEDEAO sur la démocratie e la bonne gouvernance à laquelle eux-mêmes n’y croient pas ? Il faut tout de même reconnaitre que l’institution a agi de la sorte, avec la complicité active des fils égarés du Niger avec, au premier chef, le chef de l’Etat déchu qui a refusé de démissionner bien se sachant condamné dès les premières 24 heures, puisqu’il ne disposait plus du soutien des Forces Armées Nigériennes qui lui avaient permis de s’installer et de se maintenir au pouvoir ? L’autre fils égaré du pays étant l’ex ministre des Affaires Etrangères qui a fait feu de tout bois pour que le Niger soit bombardé dès les premières heures du coup d’Etat pour rétablir Bazoum, et ensuite plaidé pour le maintien des sanctions sur notre pays aussi longtemps qu’il (Bazoum) ne serait pas libéré et rétabli dans ses charges présidentielles. Les Présidents Ibrahim Boubacar Keita du Mali et Rock Marc Christian Kaboré du Burkina Faso avaient, par le passé, pu éviter à leur pays de lourdes santions en refusant de jouer le jeu de la CEDEAO en démissionnant de leurs charges présidentielle après leur renversement Il faut rappeler que les sanctions prises contre le pays ne visaient rien d’autre que le rétablissement de Bazoum par le fait qu’elles devraient provoquer un soulèvement populaire à même de balayer les nouvelles autorités. Mais malheureusement pour les chefs d’Etat de la CEDEAO et leur mentor connu, c’est l’effet contraire qui s’est produit, obligeant les chefs d’Etat de la CEDEAO, ou ce qu’il en reste, à prendre la mesure de leur égarement et lever, dans la précipitation, unilatéralement leurs sanctions qui étaient en voie de créer la chienlit dans au moins deux pays voisins du Niger, à savoir, le Bénin et le Nigéria. A présent que les sanctions sur le Niger sont levées est-ce l’organisation entend dédommager le Niger ? Selon toute vraisemblance, cette question n’était pas à l’ordre du jour du sommet de la CEDEAO à l’issue duquel il a été évoqué des raisons humanitaires pour justifier la levée des sanctions. Quels dispositions nos autorités doivent elles prendre pour espérer des dédommagements aussi minimes soient-ils ? Est-il nécessaire d’être juriste pour savoir que tout dommage ou préjudice subi doit être juridiquement constaté et quantifié par voie d’huissiers ou d’experts ? Et ensuite soumis à une procédure judiciaire de toute urgence auprès des tribunaux compétents pour ce genre d’affaires ? Nos autorités qui ont jusqu’à présent fait montre d’une perspicacité sans faille en toute discrétion ont dû prendre le devant pour assurer la victoire sur cette ultime bataille. Il n’est un secret pour personne que nos chefs d’Etat ont été vaincus par les chefs d’Etat, stratèges de l’EAES qui ont su quitter le bateau CEDEAO avant le naufrage et asséner ainsi un coup fatal à l’institution, ou du moins ce qu’il en reste, et ses parrains occidentaux qui ne s’en reviennent toujours pas. Pour expliquer que ses sanctions sont illégales, il faut simplement garder à l’esprit que le Traité de la CEDEAO a clairement mentionné que, dans l’application des sanctions, il faut tenir compte des pays sans littoral, ce qui n’a pas été le cas pour le Niger. Quant aux sanctions financières qui ont été les plus douloureuses du fait du gel des avoirs de notre pays, le Traité de l’UEMOA, créée en 1994, En définissant les prérogatives de la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement (Art. 7), n’a prévu nulle part que cet organe souverain a la possibilité de prononcer le type de sanction prises contre le Niger. Il faut également noter que « les décisions de la Conférence, dénommées “actes de la Conférence”, sont prises à l’unanimité » (des membres) (Art. 8). Ce qui n’a pas été le cas pour la décision de suspendre le Niger, prise juste avant le sommet de la CEDEAO, puisqu’aucun représentant de l’État Nigérien n’était présent. En définitive, le gel des avoirs intérieurs du gouvernement nigérien et l’embargo financier à son encontre montrent que les cinq autres pays de l’UEMOA, n’ont pas respecté les traités qui fondent l’union. En principe, tout pays membre qui porte atteinte aux « règles génératrices de l’émission », à « la centralisation des réserves monétaires », à « la libre circulation des signes monétaires et la liberté des transferts entre États de l’Union » encourt une « peine d’exclusion automatique » de l’Union (Art. 113 Traité de l’UEMOA). L’embargo financier vis-à-vis du Niger et le gel des actifs domestiques de son gouvernement s’apparente à la mise entre parenthèses de ces trois principes ? L’illégalité de la suspension de l’énergie électrique à notre pays par le Nigéria est tellement évidente que le débat n’est même pas permis. Que dire, si tous ces mécanismes de destruction de notre pays ont été mis en oeuvre pour instaurer un retour à l’ordre constitutionnel dans un système démocratique en cours dans nos pays francophones surtout, dont l’éminent Philosophe Achille Mbembe, a estimé que « Pour leur part, les intellectuels n’ont pas réussi à dépasser le chaos, se contentant d’un saupoudrage étonnant : la démocratie est mise en pratique sans pensée démocratique. Le vote, souvent acheté en contrepartie de libéralités en argent ou en nature, se révèle comme le moyen efficace pour conquérir une position prébendière, offrant de nouvelles opportunités de pratiques prédatrices, et qui n’aurait pas été automatiquement obtenue par le scrutin aléatoire. » « les simulacres électoraux auxquels on assiste suffisent à relativiser la démocratisation réelle du continent africain...Ni le fichier électoral fantaisiste, ni la Commission électorale prétendument «indépendante» mais gravement vassalisée, ni le recours massif, par le sortant, à l’appareil étatique et à ses instruments, ni le harcèlement policier des opposants, ni la fraude, souvent grossière, ni la violence, parfois meurtrière. Ni bien sûr, les verdicts alambiqués de «missions d’observations» frileuses qui se bornent pour la plupart à observer un silence gêné et complice.». Quel gâchis ! Vivement que nos autorités engagent la bataille du dédommagement de notre pays qui a été retardé d’une décennie. Qu’Allah SWT bénisse le CNSP et les dirigeants de l’AES avec lesquels notre pays envisage un avenir radieux.

Par Djibrilla Baré Mainassara - Economiste, Ancien Conseiller Spécial du président de la République Ancien Auditeur interne au Siège de la BCEAO Candidat à l’élection présidentielle 2020-2021 au titre de l’UDFP SAWABA