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Lettre au président de la République : Monsieur le Président, Demandez à l’armée française de partir, elle ne sert à rien pour le Niger

Les massacres de nos compatriotes survenus à Banibangou, où 69 d’entre eux ont été tués dans des conditions qui vous interpellent plus que jamais, et dans l’Anzourou où les positions des forces de défense et de sécurité (Fds) ont été attaquées, occasionnant 14 morts, sont, certes, révoltants, mais surtout accablants pour vous. Vous avez fait, encore une fois, le déplacement de l’Anzourou, et je vous en félicite sincèrement en tant que citoyen de ce pays. Un citoyen qui a été témoin de la gouvernance exécrable de l’autre et qui sait que, en pareilles circonstances, il aurait affiché une indifférence totale à ce double drame, sinon du mépris, en prenant l’avion pour d’autres horizons. Bref, vous voir retourner dans l’Anzourou et partager la peine et le deuil de vos compatriotes est réconfortant à plus d’un titre. Cependant, il faut admettre que si le soutien moral aux populations est important, il ne saurait être apprécié que si l’État assume pleinement sa mission de sécurité des personnes et de leurs biens sur toute l’étendue du territoire national. Vous êtes déjà allé dans l’Anzourou et vous y avez invité les populations ayant déserté leurs localités à retourner chez eux, avec la promesse ferme qu’elles seraient désormais en sécurité. Ce qui s’est passé le …2021 est un cinglant démenti à votre discours et cela, bien évidemment, écorne votre image. Ce n’est sans doute pas encore le discrédit, mais il vous faudra faire attention car c’est déjà la pente raide. Pour ne pas dégringoler, vous devez rapidement prendre le taureau par les cornes, étant entendu qu’un troisième séjour pour des discours similaires, me paraîtrait particulièrement décevant ; pour ne pas dire insultant.

Monsieur le Président,

Autant j’ai apprécié votre second déplacement dans l’Anzourou, autant je me sens en devoir de vous dire que, comme un compatriote a su bien le dire, la guerre ne se gagne pas avec des discours. La guerre se gagne avec les moyens de guerre et la détermination de ne pas courber l’échine. Votre discours, autant que vos actes, doit être désormais centré sur l’armement des Forces armées nigériennes. La carte du discours, vous l’avez suffisamment jouée pour ne pas perdre en la rabattant. Vous devez particulièrement vous rendre à l’évidence qu’il ne s’agit plus de terrorisme, mais d’actes de guerre portés contre le Niger et que la guerre est un défi qu’un peuple digne relève, quitte à périr. Et sauf votre respect, je dois aussi relever qu’il ne s’agit pas en priorité de doubler, de tripler ou même de quintupler les effectifs de l’armée, de la Gendarmerie, de la Police et de la Garde, mais bien d’équiper adéquatement et de former rapidement les effectifs actuels.

Si, pour des raisons qui vous sont propres, vous privilégiez l’accroissement des effectifs des Forces de défense et de sécurité, sachez que vous ne faites pas autre chose que de fournir de la chair à canon à ceux qui nous tuent. Pour faire face à un ennemi, il faut s’armer comme il faut. Vous ne pouvez pas continuer à envoyer des soldats au sol sans aucune protection aérienne. Les missions de reconnaissance et d’éclairage, autant que celles dévolues à la surveillance et au ratissage, sont certainement assimilées à un sacrifice de soldats dès lors qu’ils sont appelés à le faire sans une couverture aérienne.

Monsieur le Président,

Je ne suis pas un soldat de métier et ignore ce que les officiers avec lesquels vous discutez tout le temps vous disent, notamment dans le cadre du conseil de sécurité que vous avez, mille fois, convoqué et dirigé, sans résultat probant sur le terrain. Soi, ils vous mentent, soit ils n’ont pas le courage de vous dire ce qu’il faut réellement faire, de peur de finir comme tant d’autres officiers de valeur écartés de leur mission régalienne de défense du pays. Une autre hypothèse existe et elle est sans doute la plus probable dans la mesure où mes oreilles de maure ont capté quelques confidences affligeantes pour notre. J’ai ainsi appris que des chefs militaires qui sont les plus proches des théâtres d’opération, qui doivent piloter, organiser et coordonner les activités sur le terrain du combat, seraient dépouillés de leurs pleines prérogatives. Les instructions ne proviennent plus du pôle de commandement immédiat, même en cas de situation urgente, mais plutôt de personnalités militaires éloignées de la zone pour appréhender correctement les mesures à prendre. Lorsque des civils s’y mêlent, bonjour les dégâts. Souvenez-vous d’une de ces attaques contre l’Anzourou où les populations ont regardé des hommes armés, une poignée, partir avec leurs troupeaux, sous les yeux des soldats arrivés sur les lieux mais interdits, sur instruction de la hiérarchie militaire, de dépasser les confins de la localité. C’est quelle drôle de guerre, ça ? Je suis à peu près certain que vous avez eu connaissance de situations dans lesquelles des personnalités civiles se sont autorisées à donner des instructions à des officiers sur le terrain, au nom de prétendues attributions. Vous êtes le chef suprême des armées, mais est-ce que cela vous autorise à jouer au chef militaire, sur le terrain ? N’assumez-vous pas vos fonctions de chef suprême des armées par dérogation ? Le maniement des armes, la gestion de la guerre et de tout conflit similaire, restent l’affaire de l’armée. Mais, l’armée n’existe pas seulement par les effectifs, elle existe et s’affirme surtout par l’armement.

Monsieur le Président,

Dans cette guerre qui nous a été imposée et que nous n’avons d’autre choix que de la mener, vous n’avez pas une minute à perdre. L’acquisition rapide de moyens aériens, notamment des hélicoptères de combat et des drones de reconnaissance et de surveillance, s’impose. La guerre n’attend pas et celui qui vous fait la guerre n’attend pas. Au contraire, il vous tue, vous massacre, brûle et saccage vos maisons, exactement comme l’Allemagne l’a fait de la France en 1940. Certains de vos compatriotes vous ont interpellé pour un discours à la nation et je crois, en toute honnêteté, que vous devez le faire. Pas pour ressasser les vieilles promesses, mais pour informer que dans tel délai, relativement court, sinon immédiat, l’armée sera dotée de moyens aériens, en quantité et en qualité, pour assurer, non seulement le contrôle et la surveillance du territoire, notamment dans les zones à risques, mais également la sécurité des personnes et de leurs biens.

L’armée française, je le répète après vous, n’a pas été efficace. Je n’irais pas jusqu’à l’accabler de connivence, mais vos compatriotes le pensent sérieusement. Je ne franchirais pas le rubicond, quoi qu’un ami officier de politique m’a dit que tant que l’armée française est au Niger, la paix dans la région de Tillabéry sera hypothéquée. Vous comprenez sans doute le message. Essayez de vous départir de votre discours habituel et procédez à une analyse lucide et objective de la présence militaire française au Niger, vous trouverez alors d’excellentes raisons de mettre un terme à cette coopération militaire parfaitement inutile. Les missions de reconnaissance et de surveillance aérienne ne sont pas hors de portée de l’armée nigérienne si tant est qu’elle dispose des moyens nécessaires. Il n’y a rien de sorcier dans ce que vous prétendez être du mérite de l’armée française. Equipez l’armée nigérienne de drones et autres hélicoptères de combat et vous verrez que vous nous avez fait perdre du temps, mais surtout des hommes pour quelque chose que nous pouvons faire par nous-mêmes. À toutes fins utiles, je voudrais vous informer qu’un jeune Nigérien fabrique des drones de reconnaissance. Il peut être utile pour l’armée.

Monsieur le Président,

Demandez à l’armée française de partir. Elle ne sert à rien pour le Niger.

Mallami Boucar