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Lettre au président de la République (BM) : Monsieur le Président, on ne tire pas sur des amis

J’ai suivi, réécouté et lu intégralement votre message à la nation et je suis scandalisé de vous entendre dire que vous allez faire faire une enquête en vue de déterminer l’identité de ceux qui ont organisé la manifestation de Téra. Je suis scandalisé d’autant plus que vous semblez souffler le chaud et le froid sur une question qui n’admet aucune tergiversation, aucun atermoiement. En votre âme et conscience, vous savez de toute évidence qu’il n’y a aucun doute possible sur la responsabilité de l’armée française dans la tuerie de Téra. Comment pouvez-vous demander des comptes à la France et chercher en même temps des responsabilités parmi les vôtres ? Soit, ce sont les soldats qui ont tiré à balles réelles et tué nos compatriotes, de jeunes enfants, et vous vous en tenez à cela ; soit, ce ne sont pas eux et vous cherchez les coupables ailleurs. Mais, don Allah da Annabi, quittez cette posture d’équilibrisme mal inspiré qui ne vous honore pas et qui n’honore pas le Niger et son peuple.

Vous avez bien vu avec quel mépris la ministre française des Armées, Françoise Parly, vous a répondu. « Il y a eu déjà une enquête interne qui a montré que face à des manifestations d’une grande violence, les soldats ont fait preuve de la maîtrise nécessaire et ont eu la réaction adéquate ». Auparavant, la même dame a indiqué que n’eut été le professionnalisme des militaires français, ça aurait été le drame. Ah, c’est vraiment dommage d’avoir un ami qui n’a aucune espèce de considération et de respect pour vous, y compris après avoir tiré et tué certains des vôtres.

Face à ce qui s’est passé à Téra le 27 novembre 2021, le moins pour vous, c’était d’exiger de la France des excuses publiques et réparations à l’endroit des victimes. Cela, bien évidemment, ne compensera jamais la perte du Niger et des parents directs des victimes, mais ça permettra, non seulement d’atténuer la douleur, mais aussi de remplir vos compatriotes de fierté ; celle d’avoir, en fin de compte, un chef d’Etat qui ne tremble pas devant la France pour défendre son pays et son peuple.

Vous le savez sans doute pour avoir été, dans le passé, un inspirateur de première classe de ces idées contre l’Occident et l’impérialisme qui va avec, souvent, les chefs d’Etat africains, du moins ceux de ce qu’on appelle le précarré français, sont surnommés « sous-préfets locaux de la France ». Eh bien, ne soyez pas un sous-préfet local de la France, soyez pour le Niger ce que vous avez solennellement promis d’être le 2 avril 2021.

Monsieur le Président,

Je vous ai également entendu reprendre ; à quelque détail près, les propos de l’autre à propos la lecture que l’on pourrait avoir de la présence militaire étrangère au Niger en affirmant que ceux qui sont contre la coopération militaire avec des pays étrangers sont des alliés objectifs des terroristes qui ; eux, ont intérêt à ce que notre armée soit faible. C’est bien dommage pour le Niger. Personne ; à ma connaissance, ne s’est manifestée contre la coopération militaire avec, notamment, les pays occidentaux. Ce que vos compatriotes fustigent et condamnent, c’est, d’une part l’illégalité dans laquelle vous avez fait installer ces forces militaires étrangères et l’inutilité de cette présence alors qu’elles ne nous servent pas à grand-chose.

Personne, du moins, parmi vos compatriotes, n’a soutenu que, dans cette guerre dont nous ne connaissons pas nos véritables ennemis, le Niger se suffit. Nous avons besoin des autres, mais pas dans ce format inopérant où notre unique bilan, c’est des morts, des blessés et des enlevés à n’en plus finir. Est-ce que, pour former nos soldats à des méthodes de guérilla qui n’ont d‘ailleurs pas rendu les puissances occidentales plus efficientes sur les nombreux théâtres de guerre où ils se sont déployés, a-t-on besoin de l’armada militaire qu’un pays comme la France fait venir dans nos pays ?

La vérité, c’est que ces armées étrangères doivent se remettre en cause ou quitter notre pays. Le drame de Téra prouve, au besoin, que l’armée française en l’occurrence, est prête à tout pour poursuivre et atteindre ses objectifs. On ne tire pas sur des amis.

Monsieur le Président,

Nous venons, par une superbe fête à Diffa, le 18 décembre 2021, de célébrer le 63 anniversaire de la République. Je voudrais à ce propos vous rappeler que la République, c’est un comportement, ce ne sont pas de vains discours d’idéalisme et de promesses éloignés de la réalité. Vous avez, malheureusement, des prisonniers politiques et d’opinion, vous avez la rupture d’égalité des citoyens devant la loi et vous avez surtout, véritable serpent de mer qui ruine tout, une corruption endémique dont vous connaissez parfaitement les grands maîtres puisqu’ils sont parvenus à se construire une fortune immense en quelques années. Ces compatriotes, vous les connaissez puisque certains vous côtoient. D’autres sont éloignés de vous mais vous les connaissez tout de même puisqu’ils sont épinglés dans des rapports de l’Inspection générale d’Etat et la Haute autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (Halcia).

Je vous ai bien entendu parler de quelques 11 milliards qui auraient été recouvrés grâce à la collaboration entre la Halcia et les services des impôts au titre du rétablissement des irrégularités pour l’année 2021. C’est bien, mais c’est pas arrivé, comme diraient nos frères togolais. Vous parklez également d’enquêtes non encore achevées et je me suis demandé s’il ne s’agit pas plutôt pour vous de ruser. La ruse n’est point indiquée en pareilles circonstances. Il s’agit de faire ce que vous vous êtes engagé à faire ou de ne plus parler de corruption et d’impunité, car ça devient déjà lassa nt et ennuyant de vous entendre parler de ces fléaux sans même un début d’actions.

Entre nous, monsieur le Président, on ne conseille pas sans mettre l’autre en position d’apprentissage, soit par rapport à quelque chose qu’il ignore ou ne maîtrise pas ; soit sur des questions dont il n’est pas suffisamment informé. C’est dans cette logique que je voudrais vous rapporter ce que vos compatriotes disent et soutiennent par ailleurs avec force arguments. Est-ce vrai, monsieur le Président, que votre tendance est de passer l’éponge sur les actes de corruption avérés au cours des 10 années de pouvoir de l’autre ? Si, telle est votre intention, et tout tend à le soutenir puisque même l’affaire Ibou Karadjé a fait flop, c’est que vous avez décidé d‘amuser la galerie, pas plus. En huit mois d’exercice du pouvoir, vous n’avez toujours pas la moindre affaire à votre compteur alors qu’il s’agit bien de votre …principal.

Monsieur le Président,

Est-vrai aussi que certaines personnalités de l’Etat, et pas des moindres, ont refusé toute idée d’audit d’entités qui sont sous leur responsabilité et se sont même payé le luxe de chasser manu militari les inspecteurs chargés de cette mission ? J’ai eu l’information et je puis vous dire que si c’est avéré, c’est très grave pour l’autorité que vous représentez. Quelle lutte contre la corruption vous entendez mener si certains de vos collaborateurs peuvent remettre en cause ce que vous avez décidé ? Vous êtes un philosophe de formation, je vous invite à cogiter sur la question. Cela vous permettra de vous remettre en cause ou, au moins, de savoir qui vous êtes réellement et quelles sont vos limites, je veux dire dans le système qui gouverne le Niger depuis près de 11 ans, aujourd’hui. Posez-vous surtout la question de savoir si vos compatriotes sont satisfaits de votre façon de gouverner, cela vous permettra de faire progresser le Niger, pas de le faire stagner ou pire, de le faire reculer comme l’autre pendant 10 ans.

Mallami Boucar