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Lettre au chef de l’État Monsieur le Président : la problématique restera entière tant que vous ne changerez pas de paradigmes - le peuple attend justice face aux scandales qui ont ruiné le pays

Tiani Abdourahamane 1Lettre au chef de l’État Monsieur le Président, La problématique restera entière tant que vous ne changerez pas de paradigmes. Notre pays a besoin d’abord de justice. Notre peuple ne vous demande pas autre chose que de lui rendre justice par rapport aux affaires scandaleuses qui ont ruiné ce pays.
Il m’est arrivé de tomber sur des écrits de soutien ferme à votre personne de la part des thuriféraires du régime qu’on dit être victime du coup d’État du 26 juillet 2023 et à chaque fois, j’ai eu un petit sourire narquois. Je me suis souvenu de cette histoire de drôle de guerre et je n’ai pas pu m’empêcher de faire le parallèle avec les évènements du 26 juillet 2023. Aujourd’hui, à l’exception notable de ceux qui ont affiché, de façon ostentatoire, leur attachement et leur fidélité à la personne de Bazoum Mohamed, trouver un seul mécontent des évènements du 26 juillet 2023 dans les rangs du PndsTarayya, c’est chercher une aiguille dans une botte de foin. Je ne retournerai pas le couteau dans la plaie en vous expliquant Pourquoi vos compatriotes dissent avoir tout compris, mais je constate, à mon corps defendant, que vous donnez l’impression d’être un soldat planté dans un parcours de combatant, soit à bout de souffle, soit physiquement éreinté pour poursuivre sa course.J’en ai mal, même si j’ai vu se dessiner les contours d’une telle issue dès le depart. Votre rencontre avec les anciens chefs d’État, Premiers ministres et présidents de l’Assemblée nationale estelle un fait avéré ? J’en ai entendu parler et j’ai déduit que si les choses se sont passées ainsi, c’est que vous devez être confronté à une situation inattendue et corsée. Je sais que le ministre des Finances a effectué plusieurs missions en vue de trouver une solution à l’épineuse question financière, le serpent de mer qui étouffe, que dis-je, qui étrangle la Transition.

Je comprends, en pareilles circonstances puisque seul le résultat compte pour de nombreux compatriotes, qu’un gouvernant se démène comme un beau diable et qu’il n’est pas exclu de courir pour se jeter dans les griffes du prédateur qu’on cherche à fuir. L’intarissable DiadoSékou nous l’a enseigné très tôt dans notre tendre jeunesse. Dans une de ses célèbres légendes, il nous apprend que la faim est un mal redoutable, car c’est bien la faim qui constraint l’incrédule à demander l’aumône et réduit le croyant à voler.

Chacun fait ce qu’il peut pour y échapper. C’est une traduction approximative et j’espèrequ’elle n’est pas très éloignée de ce que pourrait être la traduction idéale. C’est dire que je comprends que vous remuez ciel et terre en vue de dénicher quelque source d’argent, mais de là à aller vers le Fonds monétaire international (Fmi) et la Banque mondiale, j’avoue que j’en suis sonné.

Monsieur le Président,
Malgré ma gene dans ce débat dans lequel je manque cruellement d’arguments pour vous défendre, j’ai essayé, d’expliquer que la souveraineté ne rime à rien lorsqu’on a faim et qu’on est contraint de tendre la main pour obtenir ce dont on a besoin. Vos détracteurs ne manquent toutefois pas d’arguments, soulignant que pour chercher de l’argent auprès du Fmi et de la Banque mnodiale, autant aller d’abord à Paris et à Washington. Ce sont les antichambres des deux institutions financières internationales et je présume que ce sont les instruments privilégiés de l’impérialisme occidental dont ne s’accommode guère le combat pour la souveraineté que nous menons. Ah, la souveraineté! Je me demande bien quell contenu donner à notre lutte si belle de ses idéaux lorsque nous sommes réduits à arpenter les couloirs du Fmi et de la Banque mondiale.

Essayons de récapituler. Il vous reste moins de deux mois pour boucler les deux ans de votre prise du pouvoir et tout, pratiquement, est en grosses diffcultés : les salaires et les incidences financières des fonctionnaires, les bourses des étudiants, les pensions des retraités, le courant électrique, la sécurité, etc. C’est si dur que mes vis à vis disent que nous évoluons de mal en pis. Ce qui est sûr, c’est que les deux problématiques par lesquelles vous avez justifié le coup d’État du 26 juillet 2023 sont plus que jamais préoccupantes. En vérité, vous avez mal exploité, permettez-moi de vous le dire, une situation qui vous était pourtant favorable à plus d’un titre. C’est votre approche et vos démarches tâtillonnes face à une situation des plus claires où ce qu’il y a à faire est aussi simple que facile qui vous ont entraîné dans cette situation delicate où même ceux qui n’ont pas le moindre droit d’élever la voix dans ce pays vous villipendent au quotidien au point de se donner bonne conscience et de s’ériger en moralisateurs. Ironie d’un destin que vous auriez pu mouler autrement.

Monsieur le Président,
Pour servir le Niger et son peuple, serment solennel que vous avez fait à la face du monde, vous n’avez nullement besoin d’emprunter la voie longue, accidentée et sombre que vous avez choisie. Si vous ne vous étiez pas accommodé de ce schéma insolite où celui qui a ruiné ce pays est le plus grand applaudisseur du coup d’État du 26 juillet 2023, vous ne seriez pas condamné à chercher des solutions avec celui qui a ruiné le Niger. Issoufou Mahamadou, pour ne pas le nommer, est le noeud qu’il vous fallait défaire pour pouvoir reconstruire quelque chose. Un ami m’a toujours dit qu’il ne faut pas chercher midi à 14 heures et je le constate encore une fois de plus.

La probématique restera entière tant que vous ne changerez pas de paradigmes. Notre pays a besoin d’abord de justice. Notre peuple ne vous demande pas autre chose que de lui rendre justice par rapport aux affaires scandaleuses qui ont ruiné ce pays. Vous connaissez ces affaires et les auteurs principaux. Laissez la justice faire son boulot ou bien il faut sans doute arrêter de rêver de refondation. À moins que le mot recouvre un tout autre sens que nous ignorons.

Mallami Boucar (Le Monde d’Aujourd’hui)