Lettre au chef de l’État Mon Général, votre peuple réclame justice et vérité
Lettre au chef de l’État Mon Général, Votre peuple n’attend qu’une chose : la justice. Le destin vous a placé là où il faut et Dieu vous a gratifié du soutien populaire nécessaire et des moyens légaux pour agir.
Vous n’avez aucune excuse pour ne pas le faire. Je voudrais d’abord Les immenses privilèges dont jouissent Issoufou Mahamadou et tous les membres de sa galaxie corrompue et corruptive ont fait couler suffisamment d’encre et de salive et c’est précisément parce que vous opté de ne pas suivre les voies édictées par le Code pénal et le Code de procédure pénal nigérien. J’ai eu l’occasion de vous rappeler que selon la loi pénale nigérienne, tout individu coupable de détournement de 500 millions et plus ne mérite pas autre chose que la peine de mort. Bie entendu, si vous vous étiez strictement plié aux exigences de la loi pénale, Issoufou Mahamadou et de nombreux autres acteurs qui tournent autour de lui, seraient, même avec la plus grande clémence de la Cour, en train de croupir en prison pour de longues années. Vos compatriotes ne comprennent pas pourquoi vous vous refusez à suivre la voie de la justice, seul et unique moyen de déterminer qui est coupable et qui ne l’est pas dans les dossiers incriminés ; le seul et unique moyen surtout pour que l’Etat rentre dans ses droits et que la corruption et les infractions assimilées que vous dites combattre soient frappées en plein coeur. La bonne gouvernance, ce n’est pas que des discours, c’est des actes et la coercition n’est ni la moindre ni l’ultime recours.
Certains de nos compatriotes avancent votre humanisme, caractère qui vous aurait conduit à refuser la prison pour les auteurs de crimes et délits en échange d’un remboursement de ce qu’ils ont pris à l’Etat ; un remboursement que vous savez pourtant au rabais, le rapport d’audit du ministère de la Défense nationale ayant formellement établi ce que les mis en cause dans ce dossier ont pris l’engagement de payer sur les montants surfacturés. Des miettes dans beaucoup de cas ! Tous les autres crimes et délits dans ce dossier qui n’est pas fait que de surfacturations ? Issoufou Mahamadou, puis Bazoum Mohamed, les ont fait passer à la trappe avant que vous ne signiez cette surprenante ordonnance sur la Coldeff avec l’article 22.
Si tant il est vrai que c’est par humanisme que vous refusez la prison à des auteurs de crimes et délits ayant porté un grave préjudice à l’État, au Niger et à son peuple, vos compatriotes ne se retrouvent pas cette logique qui veut que vous soyez si indulgent à l’endroit de criminels alors que vous restez si intransigeant à l’égard de prisonniers politiques dont le tort, parfois, est d’avoir manifesté contre l’injustice dans le cas des civils ou d’avoir tenté de renverser le régime que vous, vous avez renversé en fin de compte.
Mon Général,
J’ignore s’il s’agit de naïveté ou de folie collective, mais vos compatriotes avaient pensé qu’un militaire ne pouvait laisser passer les crimes commis dans le cadre de ce dossier du ministère de la Défense en particulier et que vous alliez nécessairement le rouvrir, ce dossier ayant coûté au Niger bien plus que des centaines de milliards détournés. Car vous le savez, le rapport d’audit connu de nos compatriotes, aussi explosif soit-il, ne couvre que la période 2017-2019. Pourtant, son contenu est insupportable pour que les auteurs bénéficient de la moindre indulgence. Je vous rappelle que c’est sous Bazoum Mohamed, celui sur lequel on rejette tout aujourd’hui, que le processus d’absolution au bénéfice des mis en cause a été bouclé avec la lettre du gouvernement déclarant que l’État renonce à se porter partie civile dans cette affaire, accordant ainsi l’impunité aux auteurs, co-auteurs et complices du MDNgate.
En toute logique prévalant depuis le 26 juillet 2023, vos compatriotes s’étaient attendus à vous voir remettre en cause ce processus tronqué d’autant plus que ça vient de Bazoum Mohamed, mais vous ne l’avez pas fait. Je ne vous demanderais pas pourquoi pour ne pas vous embarrasser. Cependant, j’ai estimé utile de rappeler à votre bon souvenir la gravité des crimes commis dans le cadre du MDNgate afin que nul n’ignore une des raisons pour lesquelles vos compatriotes tiennent mordicus à voir Issoufou Mahamadou et tous les membres de sa galaxie rendre des comptes à la justice.
Mon Général,
Permettez que je vous replonge dans les méandres de ce dossier sulfureux, le comble du crime organisé. Peut-être que ça vous atteindra là où il faut pour déclencher en vous l’unique réaction que vos compatriotes attendent de vous. Oui, peutêtre qu’enfin, vous allez jouer votre partition de premier garant des intérêts de l’État en prenant l’initiative des poursuites attendues, permettre à la justice de situer les responsabilités et de sanctionner les auteurs à la hauteur des crimes et délits commis. Je sais que c’est un fol espoir car je garde en mémoire cette vieille sagesse populaire qui dit que le bon jour se reconnaît dès la veille. Cependant, l’espoir fait vivre et la répétition est pédagogique. C’est pourquoi je me plie volontiers à l’exercice alors qu’un ami qui se dit déçu et désabusé depuis si longtemps, m’a ri au nez en prétendant qu’autant gratter de la guitare pour un âne.
Mon Général,
Le rapport d’audit du ministère de la Défense nationale est accablant pour ses auteurs, co-auteurs et complices. Les enquêteurs ont notamment relevé qu’au-delà des irrégularités relevées dans ledit rapport, la surfacturation pour l’ensemble des dossiers étudiés est de 48 333 755 014 FCFA et que le matériel, soit payé partiellement ou même totalement, mais n’ayant pas fait l’objet de livraison, correspond à la somme de 27 801 628 459 FCFA. Le manque à gagner est donc au total de 76 135 383 473 FCFA. Pendant ce temps, des hommes, hommes d’affaires, politiciens, officiers supérieurs de l’armée et grands commis de l’État se sont partagés des centaines de milliards.
Dans l’affaire de la maintenance des hélicoptères MI-35, ce n’est pas moins de 3 296 000 000 FCFA qui ont été surfacturés, avec une fausse concurrence et un contrat basé sur du faux puisque le ministère de la Défense n’a pas contracté directement avec le prestataire, RUSSIAN HELICOPTERS, mais avec des intermédiaires tchèques.
Pour mieux essorer le Trésor public, les auteurs, co-auteurs et complices dans ce dossier ont créé des entreprises fictives à l’image de Aerodynes Technologies créée en 2016 par Aboubacar Hima Massi dit Petit Boubé, qui a grugé l’État nigérien à hauteur de 18,3 milliards de francs CFA, ou encore Est Ukraine avec 2,5 milliards de francs CFA au cours de la même année. Toutes ces sociétés- écrans ont été créées pour empêcher de connaître les véritables bénéficiaires des montants soutirés.
Les acteurs du MDNgate n’ont rien laissé au hasard car il n’y a pas que les entreprises fictives. Il y a aussi les faux bons de livraison, les faux procès- verbaux de réception utilisés pour des paiements indus. La somme de 2,8 milliards, objet d’un marché attribué à la société BRID A DEFCON de Petit Boubé pour l’installation d’un système anti-missile sur l’avion présidentiel est ainsi payée par l’État par mandatement le 14 décembre 2014, c’est-à-dire avant même l’approbation du marché le 6 août 2015 et en l’absence du service fait. C’est le cas aussi d’un marché attribué en 2012 à la société russe, MOTOR SICH, pour plus de 3,7 milliards de francs CFA ; ce que la société a formellement démenti par une correspondance du 14 février 2020. C’est également le cas d’une prétendue livraison d’armements et de munitions dans le cadre du marché N°26/14/MF/DGCMP/ EF accordé à Aboubacar Hima pour un montant de 6,7 milliards en 2014 et qui a été aussi démenti par MOTOR SICH, le fournisseur indiqué.
Le trafic d’armes ? Le gouvernement de Issoufou Mahamadou y était impliqué puisque l’enquête a relevé l’existence de End-User (Certificats de l’utilisateur final) sans parvenir à cerner l’identité exacte des bénéficiaires. Ainsi, le 19 février 2018, un End-User N°0032/EMAA/CAB pour l’acquisition de canons d’aviation, d’armes collectives et calibres 12,7mm et de 916 missiles S8 non guidés a été octroyé au profit de la société ARMEXIM TECHNOLOGIES LIMITED, Limassol Chypre, une société en zone franche n’ayant jamais contracté avec l’État du Niger. Un premier, sous le N°0159/EMAA/CAB, a déjà été attribué le 19 décembre 2017, confirmant l’implication des autorités de la 7e République dans un trafic d’armes qui pourraient bien avoir profité aux groupes terroristes qui écument le Sahel.
Mallami Boucar (Le Monde d'Aujourd'hui)