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Les dessous du contrat ORANO-Etat du Niger : Sacrifice de la nappe phréatique pour des gains insignifiants !

Alors que le patron de Orano avait peiné à obtenir un rendez-vous avec Bazoum Mohamed, rendez-vous finalement obtenu pour hier après-midi [Ndlr : jeudi 4 mai], Bazoum a préféré prendre l’avion pour Londres pour assister au couronnement de Charles 2 d’Angleterre. Le patron de Orano est finalement reçu par le Premier ministre et non moins représentant en chef de l’autre aile du pouvoir, Ouhoumoudou Mahamadou, avec qui il a signé l’accord Imouraren. Selon une source ministérielle qui a requis l’anonymat, Bazoum Mohamed y était formellement réticent. Il n’était pas notamment d’accord avec les conditions et le mode d’exploitation. Dans cet accord, Orano a donc obtenu ce qui faisait la réticence du Président Bazoum, bien conseillé par des cadres du ministère des Mines. La société française a obtenu, contre toute logique de la partie nigérienne, qu’il exploite Imouraren par lixiviation in situ, c’est à dire, exécuter un forage et injecter de l’acide dans le sol pour faire fondre le minerai et le pomper. Une pratique assassine que le gouvernement nigérien a acceptée, les yeux fermés, au mépris des vies humaines que cela anéantirait pour l’éternité.

Les réticences de Bazoum et des Cadres du Ministère des Mines sont à la fois légitimes et justifiées. Elles sont liées à la certitude que cette méthode va inévitablement polluer la nappe phréatique si vitale pour aujourd’hui mais surtout pour les décennies à venir. Des décennies qui seront celles de la raréfaction de l’eau. La pollution redoutée à juste titre ne sera pas une pollution ordinaire car elle rendra radioactive les eaux fossiles et la nappe phréatique. Et on connaît la nocivité de la pollution par l’uranium.

L’accord conclu, il se pose la question de savoir ce qui a pu motiver le revirement de Bazoum. Qu’est-ce qui explique, se demande notre source gouvernementale, que le Président Bazoum qui a tenu jusqu’au 4 mai, a pu céder face à de gros enjeux pour le Niger ? Si une autre de nos sources au ministère des Mines a rapporté toute sa fureur, il reste que son départ pour Londres, alors que l’avenir du peuple nigérien se jouait à Niamey face à l’hydre français, n’a pas servi le Niger. Au contraire ! En laissant à l’autre tête du pouvoir le soin d’agir à sa guise, Bazoum Mohamed donne l’impression que sa réticence de départ n’était que simulation et ruse.

Comment peut-on, se demande notre source du ministère des Mines, accepter d’empoisonner littéralement les Nigériens d’aujourd’hui et les générations futures en cédant à Orano? Comment une ligne de défense des intérêts du Niger tenue par Bazoum face à Orano a-t-elle subitement cédé ? Nos sources sont formelles : vaincu par Orano, héritier de la Cogema et d’Areva, Bazoum Mohamed, en vérité, a subi d’énormes pressions venues de toutes parts. Des autorités françaises bien sûr qui ont défilé à Niamey durant d’interminables séjours et appelé au quotidien, mais également par les ténors de la Françafrique au Niger. Sans tomber dans le complotisme, l’ancien Président Issoufou Mahamadou aurait-il aidé Orano à faire plier Bazoum Mohamed ? Ancien employé d’Areva, Issoufou Mahamadou fut celui qui a permis à Orano, mutant sémantique d’Areva, de garder en «jachère» la mine d’Imouraren alors que le Niger aurait pu retirer le permis octroyé et l’attribuer à une entreprise. On sait aussi que, empêtré aujourd’hui dans l’uranium Gate, Issoufou Mahamadou est l’artisan de la modification de la loi minière adoptée sous Mamadou de Tanja et dont se plaignait Areva/ Orano qui la trouvait contraignante et attentatoire à ses intérêts.

Déjà, après la fermeture de la mine Cominak, Orano a légué au Niger une montagne de 20 000 tonnes de déchets radioactifs, à l’air libre, seulement couvertes d’une mince couche de latérite (matériau pulvérulent par excellence) que le vent saharien disperse aux quatre coins sans compter la contamination des eaux souterraines. Les Nigériens sont en face d’un autre scandale lié à l’exploitation de l’uranium par la France. Une exploitation qui a considérablement enrichi la France et appauvri le Niger, grugé sur toute la ligne. Mais au sein de l’opinion nationale nigérienne, les avis sont partagés quant au responsable de la réédition, en 2023, de cette arnaque. Faut-il encore continuer à indexer la France, détentrice d’Orano/ Areva, sous une république dirigée par une classe politique qui se targuait d’être l’incarnation du savoir ? Ou faut-il plutôt accuser les autorités actuelles du Niger qui sont parfaitement édifiées sur les conséquences désastreuses de la technique d’exploitation par lixiviation in situ ? Un ingénieur des mines a laissé tomber ce soupir: « avec l’uranium du Niger, la France a l’électricité, les business des centrales nucléaires et le Niger a la pollution à la radioactivité ». Déjà, après la fermeture de la mine Cominak, Orano a légué au Niger une montagne de 20 mille tonnes de déchets radioactifs, à l’air libre, seulement couvert d’une mince de latérite (matériau pulvérulent par excellence) que le vent saharien disperse aux quatre coins sans compter la contamination des eaux souterraines dont vivent les hommes, les animaux et l’agriculture de la région. Ce scandale écologique aux conséquences sanitaires à moyen et long termes incalculables n’a pas suffisamment soulevé l’indignation des Nigériens pour contraindre Orano à assumer ses responsabilités de pollueur-payeur. Autrement, Orano fera au Niger ce qu’il a fait en Centrafrique et au Gabon: empoisonner impunément les Nigériens après avoir retiré tous les bénéfices économiques et politiques de l’exploitation de l’uranium.

Mais si pour la mine de Cominak, il suffit d’assurer «un service après-vente» pour la restauration écologique et contenir les risques sanitaires, pour Imouraren il n’y a guère d’alternative crédible avec la technique acceptée par le gouvernement. Il fallait s’imposer la prévention desdits risques. Cela aurait dû dissuader Bazoum et son gouvernement d’accepter qu’Orano exploite la mine par lixiviation in situ .Les autorités nigériennes auraient dû s’en tenir au permis délivré à Orano qui était un permis d’exploitation à ciel ouvert plus pourvoyeuse d’emplois et présentant moins de risque de pollution des eaux de la nappe phréatique. Sans doute le Gouvernement Ouhoumoudou, déjà très enclin à ne pas communiquer sur certaines délibérations du conseil des ministres, modifiera en catimini, dans les prochains jours le permis d’Imouraren afin que Orano s’adonne à la pollution des rares eaux du Niger. Orano est en pays conquis au Niger dans lequel l’élite politicoadministrative actuelle est totalement acquise. Cette élite politico-administrative se félicite sans doute de ce qui est une capitulation face aux intérêts du Niger et de son peuple. On aura même droit à l’expression de gratitude du gouvernement pour la promesse d’Orano d’investir un total d’une vingtaine de milliards sur les années d’exploitation d’Imouraren. Une broutille pour le Niger exploité par la France, et quelques miettes inavouables sans doute pour l’élite politico-administrative.

Laboukoye