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Le pillage des ressources extractives et les réalités géopolitiques de la zone sahélienne dite des ‘’trois frontières‘’ (1ère partie) :

NB : Notre article peut paraître rébarbatif parce que comportant beaucoup de termes très scientifiques (et indigestes). Ce sont les noms de minéraux et de métaux (que les puissances étrangères veulent coûte que coûte s’en approprier et qui sont abondamment présents dans notre sous-sol (sans que cela n’éveille notre attention) et qui sont susceptibles de nous être pillés par tous les moyens possibles. L’essentiel est que vous compreniez que ces (nos) matières premières minérales (aux noms compliqués) sont aujourd’hui très indispensables et très recherchées par les occidentaux pour leur développement économique et social. I-De la course aux richesses extractives des pays de la zone sahélienne dite des ‘’trois frontières‘’ La crise actuelle du capitalisme occidental a exacerbé la boulimie et un déferlement vers les ressources extractives stratégiques des pays africains, particulièrement ceux de la zone sahélienne dite des ‘’trois frontières‘’. Parler des ressources extractives (mines, pétrole et gaz) dans le Sahel africain, en relation avec les réalités géopolitiques mondiales, reviendrait d’une part à examiner la place que tiennent ces richesses du sous-sol dans la géographie et l’économie de la sous-région et d’autre part à rendre compte des réalités géopolitiques, avant de rechercher les liens ou corrélations entre les deux. En effet, notre sous-région est en proie depuis un peu plus d’une décennie, à une ruée des puissances étrangères sous diverses formes, en particulier par des interventions militaires dans les zones identifiées riches en ressources minières (métaux rares et stratégiques) et énergétiques (pétrole, gaz, uranium, hydrogène,…), au nom d’objectifs ‘’humanitaires‘’ ou d’une prétendue ‘’lutte contre le terrorisme islamiste‘’. Cette doctrine satanique a été élaborée par l’impérialisme occidental et tragiquement mise en oeuvre en Libye (meurtre de Kadhafi et déchirement du pays) en 2011 par la France sarkozienne sous couvert de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN). Le but exact de l’intervention des avions militaires français n’était nullement la protection de la population libyenne (la France n’affiche d’ailleurs que mépris et dédain vis-à-vis de ce peuple) ou d’une quelconque restauration de la démocratie, mais plutôt un moyen d’assurer la mainmise des entreprises occidentales sur les ressources naturelles extractives et énergétiques du pays et au-delà des pays du Sahel, voire ceux de la côte occidentale africaine. Depuis, la zone ouest-africaine n’a connu aucun moment de stabilité : Coups d’Etat au Mali, en Guinée, au Burkina Faso, insécurité et tentative de balkanisation du Mali, insécurité au Niger, au Burkina Faso, etc… Les poches de conflits se multiplient dans la région et s’étendirent même vers les pays côtiers (Bénin, Côte d’Ivoire, Togo,…) sur fond de menaces d’ingérence étrangère. Ces conflits en Afrique de l’Ouest couplés à la guerre russo-ukrainienne (qui a paralysé l’Europe de l’Ouest de son approvisionnement en hydrocarbures à partir de la Russie) a créé un besoin accru en ressources énergétiques et minières stratégiques notamment les ‘’métaux rares‘’ dans les pays développés. Faut-il le rappeler, en 2010, à la suite d’un différend territorial entre la Chine et le Japon concernant les îles Senkaku, la Chine, gros pourvoyeur de ‘’terres rares‘’ a alors décrété un embargo sur leur exportation vers le Japon, et aussi décliner cet embargo en quotas d’exportation vers les autres pays du monde, notamment l’Europe Occidentale. Cela a fortement pénalisé l’industrie high-tech dans tous ces pays et cette pénurie a entraîné une forte hausse des prix de ces minerais stratégiques et critiques dans le monde. C’est alors que l’Union Européenne a renforcé son plan d’action d’approvisionnement en ces produits avec l’établissement de la première liste européenne des matières premières extractives dites ‘’critiques‘’. L’enjeu était donc de sécuriser les chaînes d’approvisionnement et cela doit passer par la prise de parts dans des mines, la création de stocks stratégiques et aussi l’identification et la sécurisation des gisements se trouvant dans des pays ‘’sous tutelle‘’ et ignorant que de telles richesses sont enfouies dans leurs soussols et qu’elles peuvent leur être stratégiquement et économiquement importantes. En Afrique de l’Ouest en général et dans la zone sahélienne dite des ‘’trois frontières‘’ en particulier, connues pour être l’une des régions les plus pauvres au monde, les richesses du sous-sol, ne manquent pas, et les ressources énergétiques (pétrole, gaz, uranium, hydrogène,…) et ressources minières (minerais stratégiques et critiques,…) présentes sont autant de bonnes raisons qui font de la région ‘’un espace de convoitises‘’ qui ‘’attise les appétits des grands groupes internationaux‘’, comme l’a anticipé le journal ‘’l’Humanité ‘’ du 10 janvier 2011. Au vu du potentiel en ressources extractives exceptionnellement très abondant et diversifié, les experts disent de cette zone un ‘’scandale géologique‘’ ; mais d’aucuns envisageant même de considérer toute la partie subsaharienne du continent africain comme un ‘’scandale géologique‘’. Hier, comme aujourd’hui, l’environnement extractif ouest-africain est envahi, entre autres par les majors français Orano (premier producteur mondial d’uranium, ex-Areva, ex-Cogema), Total Energy (hydrocarbures), les américaines ConocoPhilips (hydrocarbures), Anglo- American,AngloGold Ashanti,BHP Billiton, Rio Tinto (mines), la chinoise CNCP (pétrole) et d’autres juniors canadiennes, américaines, australiennes, anglaises, de très tristes réputations, et/ou engluées dans de nombreux scandales politico-financiers et du reste très peu recommandables (au nombre desquelles, Savannah Energy PLC (pétrole et énergie solaire), Petro- Tim (pétrole), les minières Goviex, Geovic Mining Corp, Rand gold Resources, Resolut Mining, Semafo, Etruscan, l’espagnole Rio Norcea Recursos, qui vient de faire une entrée ‘’triomphale‘’ au Niger,…). Ces juniors minières qui vendent du bluff aux gouvernements africains peu regardants sont pour l’essentiel des ‘’one penny stock‘’ des pays développés (les ‘’one penny stock‘’ sont des actions ordinaires de petites entreprises minières (entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée) peu crédibles qui se négocient à moins d’un dollar par action à la Toronto Stock Exchange. Il faut noter que les bourses de valeurs mobilières de Toronto, Vancouver et Calgary au Canada sont trop complaisantes pour la cotation des petites compagnies minières débutantes et qui font généralement leurs premières expériences dans l’exploration minière en Afrique subsaharienne. Ces juniors minières sans moyens conséquents, parfois sans personnel, ni bureaux, appartenant à des actionnaires anonymes, immatriculées dans des paradis fiscaux, parviennent, avec forces promesses et mises en scène, à convaincre des gouvernements africains de leur confier des concessions minières très stratégiques. Une fois le contrat (attribué en Conseil des ministres) en poche, ces sociétés se précipitent sur les bourses de valeurs susmentionnées, pour valoriser leurs titres africains et en échappant, de plus, à toute obligation fiscale, juridique, environnementale, sociale ou sanitaire et empocher des plus-values confortables avant même qu’un seul coup de pioche ne soit (peutêtre ne le sera jamais) donné dans le pays ainsi arnaqué. Aussi, aucun penny (pour ne pas dire FCFA) ne sera investi en dehors peut-être de quelques 1 ou 2 millions de dollars de ‘’dessous de table‘’, nécessaires pour l’accélération du processus de signature d’octroi de permis. Les places canadiennes (avec les bourses de valeurs de Toronto et de Vancouver) sont pour l’industrie extractive mondiale, exactement ce que sont Genève et Zurich (Suisse) pour l’industrie bancaire et les finances en matière d’évasions fiscales, de blanchiment de capitaux et de secrets bancaires. Au cours de ces trente (30) dernières années, le Canada s’est progressivement révélé un redoutable paradis réglementaire, juridique et fiscal de l’industrie minière mondiale. Nombreuses sont ces sociétés qui écument le continent africain. Nous avons encore en mémoire plus de 150 permis de recherches minières (toutes substances confondues) distribués à la va-vite dans les zones du Liptako-Gourma, Sud Maradi, Air, Djado et dans le bassin de Tim Mersoi, à 42 sociétés (fictives pour certaines) originaires de 12 pays dans les années 1995-96 et qui finalement se sont avérés comme un feu de paille. Que sont devenus les 154 permis de recherches minières gracieusement attribués par le gouvernement du Niger d’alors et où sont passé les sociétés bénéficiaires de ces permis ? C’est le lieu de souligner le cas d’une de ces juniors qui a encore pignon sur rue en Afrique : c’est la sulfureuse Savannah Energy PLC qui était, il y a quelques jours seulement au centre d’une mafia pétrolière qui a mis à mal les relations diplomatiques entre le Cameroun et le Tchad. En effet, dans un communiqué en date du 23 Avril 2023, la présidence de la République du Tchad s’est indignée du différent qui s’est créé entre le Cameroun et le Tchad, autour de la question d’une prétendue acquisition des actifs de l’ex ESSO Tchad par la nébuleuse Savannah Energy PLC ; et N’Djamena d’accuser Yaoundé de soutenir une prise de contrôle illégale de ses actifs pétroliers sur son territoire. Depuis une dizaine d’années, le nombre de compagnies minières nordaméricaines et ouest-européennes (majors et juniors) qui opèrent en Afrique est en très forte hausse. Au plus grand jour de cette situation, est apparue la rivalité franco-étatsunienne qui s’active dans le Sahel en prise avec toutes sortes de fléaux savamment créés et entretenus (trafic de drogue, terrorisme, …) et qui servent d’alibi pour légitimer la stratégie sécuritaire et l’installation de bases militaires. Les citoyens burkinabés, maliens et nigériens doivent se mettre en tête que la persistance de l’insécurité, de la violence et de la présence des forces militaires étrangères sur leurs territoires n’ont d’autres explications que l’appétit dévorant, la sécurisation des approvisionnements en ressources énergétiques et minérales déjà en exploitation (l’uranium du Niger, l’or du Mali et du Burkina Faso,…) et les tentatives des puissances étrangères de mettre la main sur les très stratégiques ressources non encore exploitées (des accords léonins de recherches minières récemment signés dans certains pays). Le niveau de développement de certaines technologies de pointe durant la période coloniale et post-coloniale, n’avait pas alors permis l’exploitation de ces ressources, mais aujourd’hui le contexte international (géostratégique et technologique) l’en exige, et les pays occidentaux font feu de tout bois pour mettre la main sur ces ressources. Le niveau de prise de conscience et la lutte de la jeunesse africaine semblent contrecarrer les velléités de l’impérialisme occidental. Comme le dit ironiquement un dicton bien de chez nous ’’yaw, idon bakawyé sun budé’’ ou encore ’’hunkuna, kawyé izé moo féri’’, (autrement : ’’le nègre a à présent compris ! ; et rien ne sera plus jamais comme avant’’) ; la page du pillage en règle des ressources du sous-sol des pays sahéliens par les puissances prédatrices occidentales semble désormais en voie d’être définitivement fermée (malgré la persistance de signatures de conventions et contrats miniers léonins dans certains pays).

II-Du caractère stratégique des ressources extractives de la zone sahélienne dite des ‘’trois frontières ‘’ Nombre de ressources extractives et énergétiques et de minerais stratégiques utilisés dans la fabrication de milliers de produits dans les pays développés du Nord sont extraits du sous-sol africain. L’Afrique possède à elle seule plus de soixante (60) types de minerais différents, soit 1/3 des réserves mondiales, tous minerais confondus. Selon la Commission Economique des Nations Unies pour l’Afrique (UNECA), le continent détient 78% des réserves mondiales de diamant, 28% de celles de manganèse, et autres abondantes réserves de bauxite, de cuivre, de lithium, d’uranium, etc…. On note également qu’à l’échelle mondiale, il est estimé que le continent africain participe, dans une large proportion, aux réserves et à la production de plusieurs substances minérales, dont entre autres 90% des réserves de platinoïdes, 80% de coltan, 74% de chrome, 70% du tantale, 60% de cobalt, 40% des réserves aurifères et près de 13% des réserves de pétrole (même si les statistiques occidentales tendent à sous-estimer le potentiel en hydrocarbures du continent noir). C’est entre autres le long de l’équateur en RD Congo (où certaines substances minérales n’existent nulle part ailleurs sur terre que là), la zone nord-est de la RD Congo et la zone sahélienne dite des ‘’trois frontières‘’. Du fait de l’étendue de leurs territoires et leur quasi-virginité géologique, ces zones (RD Congo et Sahel) disposent de sous-sols immensément riches, avec une très forte probabilité de détenir qualitativement et quantitativement autant, voire plus de matières premières minérales que toute autre région du monde. Notons que tous les gisements de minerais connus, qu’ils soient d’origines magmatique, sédimentaire et métamorphique sont présents dans le sous-sol des pays africains. Même s’il n’existe pas de classification géologique parfaitement définie des métaux, ces derniers peuvent être regroupés en quatre (4) grandes catégories (et tous, exceptionnellement abondants en Afrique) : 1 - Les métaux de base : aluminium, chrome, cuivre, étain, fer, magnésium, manganèse, plomb, nickel, titane, zinc ; 2 - Les métaux précieux : argent, iridium, or, osmium, palladium, platine, rhodium, ruthénium ; 3 - Les métaux de l’énergie nucléaire que sont les actinides : plutonium, thorium, uranium ; 4 - Les métaux de spécialité : tous les autres métaux (‘’terres rares‘’ entre autres). Outre les trois (3) groupes de métaux ci-dessus énumérés et très présents dans le sous-sol des pays du Sahel, il y a le groupe des très recherchés minéraux dits critiques et/ou stratégiques (‘’terres rares‘’ entre autres) qui sont des matières premières pour lesquelles un risque pèse sur la chaîne d’approvisionnement, soit parce que celles-ci sont concentrées dans un très petit nombre de pays, soit parce que la stabilité politique des pays fournisseurs est limitée, alors qu’elles présentent un intérêt économique ou industriel fort pour les pays demandeurs. Le sous-sol de la zone sahélienne dite des ‘’trois frontières‘’ (particulièrement dans le Liptako-Gourma) regorgerait de ces ‘’terres rares‘’ (qui sont un ensemble de 17 métaux aux propriétés voisines, chimiquement assez réactifs et disposant de propriétés électromagnétiques les rendant indispensables pour la haute technologie : ce sont le scandium, l’yttrium et les 15 métaux de la famille des lanthanides (lanthane, césium, praséodyme, néodyme, prométhium, samarium, europium, gadolinium, terbium, dysprosium, holmium, erbium, thulium, ytterbium, et lutécium). Précisons que les ‘’terres rares‘’ (‘’rare earth‘’) font partie des métaux dits ‘’verts‘’ de la transition énergétique destinés à la fabrication des super-aimants des générateurs des éoliennes et des luminophores (substances qui, lorsqu’elles subissent une excitation, émettent de la lumière).

A suivre

Par M. Mahaman Laouan Gaya,
ancien Ministre,
ancien Secrétaire Général de l’Organisation des Producteurs de pétrole Africains (APPO)