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Le foncier et l’immobilier, loge de la corruption au Niger : La HALCIA face à l’Histoire

J'ai nommé à la tête de la Haute autorité de lutte contre la corruption et les infractions assimilées (Halcia) un magistrat connu pour son intégrité et je lui ai donné carte blanche pour mener son action partout où cela est nécessaire… », a déclaré le Président Bazoum Mohamed dans son adresse à la nation, au soir du 17 décembre 2021. Autant dire que la Halcia n’a plus d’excuses pour justifier son inefficience. Le Président Bazoum, qui n’a pas sa langue dans la poche, lui a pratiquement enlevé tout argument pour expliquer les limites objectives de son action. Selon Bazoum Mohamed, il n’y en a plus. Outre que la Halcia a son onction pour fouiner partout où cela est nécessaire, il dit y avoir placé à la tête un magistrat dont l’intégrité n’est pas discutable. Dans un pays ruiné par la corruption, mais aussi par l’impunité garantie à ses auteurs, toutes choses que Bazoum luimême reconnaît, la Halcia et son président ont du pain sur la planche. Le Président Bazoum ne leur laisse aucune autre issue honorable de sortie que d’apporter des résultats tangibles dans la lutte contre la corruption et les infractions assimilées.

Renouvelée avec la force que représente le message à la nation, la mission confiée à la Halcia devient doublement lourde pour les épaules, bien que larges, de Maï Moussa Elhadji Bashir, le président. Il lui faut, certes, peu de choses, pour craner et emporter l’adhésion des Nigériens, pour la plupart, très sceptiques sur la capacité de son institution à remplir son cahier des charges. Il suffirait, comme le relève cet ancien gendarme, que la Halcia enquête sur le foncier et l’immobilier à Niamey et dans les grands centres urbains du pays. À Niamey, en particulier, les terrains de superficies interminables et immeubles féériques sont aussi nombreux que têtards dans un étang. Si l’on veut réellement s’attaquer à la corruption et aux infractions assimilées, il n’y a pas domaine plus porteur pour la Halcia, indique l’ancien gendarme, plein d’amertume sur ce qu’il dit avoir vu comme signes extérieurs manifestes de la corruption.

Les immeubles, de grand standing et d’une modernité frappantes, sont à chaque détour, notamment dans les nouveaux quartiers où les propriétaires des immeubles, des fonctionnaires de l’Etat, paraît-il, se font une rude concurrence quant à celui qui dressera le plus bel immeuble. La clientèle est surtout politique. Mais, dans la majorité des cas, les intéressés ne peuvent pas justifier la saine provenance des fonds ayant servi à construire ces châteaux de rêve. Le budget moyen investi dans ces immeubles dépasse la centaine de millions. Or, des immeubles de ce standing, il y en a, selon des sources policières crédibles, qui en ont trois, cinq, voire une dizaine.

Que dire de ces immeubles haut de gamme à usage administratif qui sont dressés un peu partout dans la ville de Niamey et dont on attribue la paternité à des hommes politiques ou à des hommes d’affaires dont les noms sont cités dans certains dossiers sulfureux. Par-delà, donc, des chiffres mirobolants dont l’opinion publique a eu connaissance consécutivement à la révélation d’innombrables scandales financiers, la manifestation première de la corruption, pratiquement endémique sous Issoufou Mahamadou, se trouve probablement dans le foncier et l’immobilier. Toujours selon nos sources policières, les propriétaires de tous ces immeubles à usage d’habitation comme à usage administratif, sont connus au sommet de l’Etat et pour commencer, il va falloir d’abord s’attaquer aux dossiers connus. Tant que ces dossiers, de plusieurs milliards de francs CFA détournés, ne sont pas jugés et vidés, de façon équitable et transparente, sans a priori et sans interventionnisme quelconque, il sera difficile de convaincre les Nigériens sur l’existence d’une volonté politique de lutter contre la corruption et les infractions assimilées.

Le Président Bazoum essaierait- il d’amuser la galerie, de divertir ses compatriotes sur un sujet qui leur tient particulièrement à coeur ?

Selon les témoignages des sentinelles sur la question, le niveau de corruption est tel que l’on n’a pas besoin d’un temps fou pour mettre en épingle des affaires judiciaires. Les dossiers sales, il y en a plein et la justice serait sans doute débordée si elle devait s’occuper de juger les scandales financiers qui ont jalonné les 10 ans de pouvoir d’Issoufou Mahamadou. Et à moins de vouloir octroyer une immunité pour une catégorie de citoyens cités dans des dossiers de détournements de fonds publics connus ou de leur accorder une «grâce» présidentielle de fait, la Halcia et la justice ne chômeront pas. Le président de la Halcia n’a pas d’autre choix que de faire preuve d’ingratitude vis-à-vis de celui qui l’a nommé et qui, de toute façon, l’a mis publiquement face à ses responsabilités. S’il échoue dans sa mission, il n’aura qu’à s’en prendre à lui-même. Maï Moussa Elhadj Bashir va, donc, devoir secouer le cocotier, ne serait-ce que pour préserver son intégrité et mettre le Président Bazoum à l’épreuve.

Laboukoye

 

Le bien-fondé des propos du Président Bazoum à propos de la Halcia

La mission de la Halcia, du point de vue légal, est loin d’être difficile. Au contraire, l’institution que dirige un magistrat reconnu pour son intégrité, dispose pratiquement de tous les moyens et ressources pour mener à bien sa mission. Voici un florilège des pouvoirs légaux de la Halcia. Il n’y a rien à dire, le Président Bazoum a raison de mettre Maï Moussa Elhadji Bashir et ses collègues face à leurs responsabilités et face à l’Histoire.

La Halcia peut mener des investigations sur tous les faits de corruption et d’infractions assimilées sur l’ensemble du territoire national. Elle n’a pas, cependant, de mission de recouvrement des sommes dues à l’État ou à ses démembrements.

En cas de besoin, le président de la Halcia peut requérir directement le concours de la force publique autre que celle placée sous son autorité.

Dans le cadre de ses investigations, la Halcia peut identifier et localiser, afin d’engager la procédure de leur mise sous mains de justice, les biens suivants :

Le produit provenant de la corruption et des infractions assimilées ; Les biens acquis par les produits de la corruption et des infractions assimilées ;

Les biens matériels ou autres instruments utilisés ou destinés à être utilisés pour commettre lesdites infractions. Le produit de l’infraction mêlé à des biens acquis légitimement, à concurrence de la valeur estimée du produit mêlé ;

Les revenus ou autres avantages tirés du produit de l’infraction, ceux tirés du produit transformé ou converti et ceux tirés du produit mêlé.

La Halcia peut même requérir la production des documents bancaires, financiers ou commerciaux ayant servi ou destinés à commettre les faits, objet de ses investigations.

Le principe du secret bancaire ne peut lui être opposé.

La Halcia peut procéder à une perquisition conformément aux dispositions du Code de procédure pénale. Dans ce cadre, tous papiers, documents, objets ou substances pouvant servir les pièces à conviction, ainsi que tous objets, valeurs ou marchandises liés aux actes de corruption et infractions assimilées peuvent être saisis et placés sous scellés.

Elle peut faire relever des empreintes digitales, prendre toutes photos, et généralement faire effectuer tout procédé qu’elle estime utile à la constatation de l’infraction. À cet effet, elle peut requérir l’assistance de tout expert.

La Halcia peut, au cours de ses investigations, requérir de l’autorité compétente une interdiction de sortie du territoire de tout suspect et le retrait provisoire de tout ou partie de ses documents de voyage.

Outre le président de la République auquel il transmet le rapport d’enquête avec précision de l’identité des personnes mises en cause ou organismes mis en cause, la Halcia le transmet également au Parquet.