L’AFD réclame le remboursement de son aide au Niger : Une aide au développement remise en question
Agence Française de Développement (AFD) : C’est l’Hôpital qui se moque de la charité !
Le 25 janvier dernier, lors de son passage sur le plateau de Télé Sahel, le ministre d’État, ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique et de l’Administration du Territoire, le général de brigade Mohamed Toumba, a révélé que l’Agence française de développement (AFD) avait demandé à l’État du Niger de rembourser l’ensemble de l’aide financière qu’elle lui avait octroyée. Cette requête fait suite à la décision des autorités nigériennes d’affirmer leur souveraineté en matière de sécurité et de gestion des affaires nationales.
Une telle exigence, émanant d’une puissance comme la France, soulève des interrogations quant à la nature même de l’aide au développement. Une assistance, généralement perçue comme un acte de solidarité internationale, ne saurait être conditionnée à des considérations politiques ou stratégiques. Or, en réclamant un remboursement, l’AFD remet en cause l’esprit même de la coopération internationale et de la diplomatie d’entraide.
Cette situation met en lumière une réalité économique et géopolitique rarement évoquée : la relation entre la France et le Niger n’a jamais été unilatérale. En effet, si l’ancienne puissance coloniale se prévaut d’avoir apporté un soutien financier au Niger, elle a, en retour, largement bénéficié des ressources naturelles du pays, notamment de l’uranium, qui a joué un rôle clé dans son positionnement stratégique sur la scène internationale.
Depuis plus de six décennies, l’exploitation de l’uranium nigérien a consolidé le statut de la France en tant que puissance nucléaire et énergétique. Cette dépendance française vis-à-vis des ressources nigériennes soulève la question des véritables bénéficiaires de la coopération entre les deux pays. Dès lors, exiger un remboursement de l’aide publique semble déplacé, voire paradoxal, au regard des richesses que la France a tirées du sol nigérien
Cette démarche de l’AFD témoigne d’une vision persistante d’une coopération déséquilibrée, où l’aide au développement est perçue non comme un soutien, mais comme un levier d’influence et de dépendance. Ce type de posture ravive les critiques sur la nature de l’Aide publique au développement (APD), qui, sous couvert de solidarité, maintient les pays bénéficiaires dans une situation de subordination économique et politique.
Face à cette situation, certains observateurs estiment que le Niger pourrait, à son tour, exiger des compensations pour les préjudices économiques, environnementaux et sociaux liés à l’exploitation de ses ressources naturelles. Une telle revendication mettrait en perspective l’asymétrie des relations entre les deux États et inviterait à une réflexion plus large sur la redéfinition des partenariats internationaux, dans un cadre de respect mutuel et d’équité.
Si la France souhaite préserver son image de partenaire fiable en Afrique, il lui faudra repenser sa politique d’aide et reconnaître que la souveraineté des nations ne saurait être monnayée ni conditionnée à des intérêts stratégiques.
Halidou Maïga (Le Monde d’Aujourd’hui)