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La société civile aux trousses de Issoufou Mahamadou pour haute trahison :Après tant d’affaires, le retour de la manivelle

Moins d’un an après avoir quitté les affaires, l’ancien président nigérien, Issoufou Mahamadou, va devoir faire face à son passif. Un passif fait de scandales financiers, mais également de faits constitutifs de haute trahison. C’est du moins ce que des organisations de la société civile envisagent d’exiger dans le cadre d’une manifestation populaire, initialement prévue le 5 décembre passé, mais finalement interdite par décision judiciaire. Pour l’ancien président du Niger, c’est un retour de manivelle attendu selon des observateurs avisés, ses 10 ans de gouvernance ayant été truffés d’affaires scabreuses dans lesquelles les intérêts du Niger et de son peuple ont été, sinon compromis au profit de puissances étrangères, du moins, mis à rude épreuve. Les affaires foisonnent comme têtards dans un étang, les unes plus graves que les autres. En voici quelques-unes.

Affaire des fonds de l’armée

Les détournements des fonds destinés à l’armée pour son armement ont fait couler beaucoup d’encre et de salive et la grosse interrogation a été de savoir si l’ancien président, qui ne s’est pas particulièrement investi pour que justice soit faite, est édifié sur la gravité des faits survenus au ministère de la Défense. Il le sait parfaitement. Par le rapport d’audit, certes, mais également par des rapports circonstanciés que la loi impose de lui soumettre régulièrement. L’examen des modalités particulières de passation de marchés pour les besoins de défense et de sécurité, communément appelé code militaire, dont Le Courrier a reçu copie, indiquent que l’audit réalisé par le ministre Katambé n’apporte rien de nouveau au président de la République et à son Premier ministre qui sont parfaitement tenus au courant de tout. L’un et l’autre reçoivent régulièrement, chaque semestre, un rapport détaillé confidentiel sur les marchés passés, les fournisseurs, les matériels commandés, les montants mis en cause, etc. L’article 71 du décret 2013-570 du 20 décembre 2013 indique que, « sans préjudice des contrôles qui peuvent être effectués par l’inspection générale d’État, les marchés objets du présent décret, donnent lieu à un contrôle à posteriori semestriel de la part de l’inspecteur général des armées ou son équivalent pour les autres corps. Ce contrôle est assorti d’un rapport confidentiel qui est adressé au président de la République et au Premier ministre ».

La loi pénale nigérienne prévoit la peine de mort lorsque les sommes dissipées ou soustraites sont égales ou supérieures à 500 000 000 FCFA

Ce décret n’informe pas simplement sur l’information que les deux premiers responsables de l’État ont régulièrement reçue, de droit, sur les marchés du ministère de la Défense. Il souligne les infractions ou manquements qui sont formellement interdits. Il épingle, entre autres, en son article 72, les actes de corruption, les fausses mises en concurrence, les mises en concurrence fictives, les fausses factures et fausses attestations de services faits ainsi que les ordres de paiement, après délivrance d’attestation de service fait qui ne correspond pas aux biens ou services effectivement fournis ou alors que les travaux ne sont pas terminés ou l’ont été de manière non satisfaisante. C’est, bien entendu, sans préjudice des poursuites et sanctions pénales. La loi pénale nigérienne prévoit la peine de mort lorsque les sommes dissipées ou soustraites sont égales ou supérieures à 500 000 000 FCFA, ou si les biens dissipés ou soustraits sont d’une valeur équivalente. Dans le cas de l’audit des fonds de l’armée, on parle, officiellement, de 78 milliards de francs CFA.

Le chemin de fer d’Issoufou, un imbroglio judiciaire pour le Niger

Le 2 août 2016, Issoufou Mahamadou indiquait, dans un message à la nation, que « le chemin de fer, projet vieux de 78 ans, est enfin une réalité ». La conclusion coule de source, avaient estimé des observateurs avertis : soit l’homme n’est pas conscient des réalités objectives dans lesquelles végète le Niger ; soit, il s’en fiche comme de sa première chemise. Outre que les rails posés par Bolloré sont impraticables pour non-conformité aux normes internationales, ils sont au centre d’un contentieux judiciaire extrêmement complexe qui va faire mal au Niger. Bien que les techniciens nigériens aient attiré son attention sur le décalage entre son projet, envisagé avec un écartement d’un mètre datant des années 50 et celui du Bénin qui vise à reprendre le tronçon existant en le conformant aux normes internationales actuelles, c’est-à-dire avec un écartement de 1, 435m, Issoufou Mahamadou a refusé d’arrêter son ami Bolloré. L’intérêt du projet pour le Bénin était, donc, la modernisation du chemin de fer alors que le Niger, sous l’instigation d’Issoufou Mahamadou, s’incrustait dans une période qu’on peut considérer comme préhistorique dans le domaine des rails.

Outre qu’il a engagé le Niger dans un énorme projet financier sans avenir, l’ancien président a également précipité son pays dans un imbroglio judiciaire dont on est loin de l’épilogue. C’est d’abord à la société Africarail que le Niger a concédé le droit de la construction du chemin de fer. Face au fait accompli devant lequel l’ancien président nigérien l’a placée, Africarail a entrepris, en novembre 2015, une procédure judiciaire devant la Cour internationale d’arbitrage de Paris. Coincé et sous pression, Issoufou Mahamadou négocie et obtient un règlement à l’amiable. Dans une déclaration commune signée le 30 mai 2016, le Niger reconnaît les droits d’Africarail sur la construction et l’exploitation des ouvrages d’arts et des infrastructures ferroviaires comme convenu dans les accords de 1999 et de 2000. « L’Etat du Niger réaffirme que Africarail est toujours concessionnaire du droit de construire et d’exploiter les ouvrages d’art et les infrastructures ferroviaires sur l’axe Kaya– Niamey– Parakou-Aného–Ouidah, ainsi que sur l’axe Blitta–Ouagadougou constituant la grande boucle ferroviaire de l’Afrique de l’Ouest, conformément au Protocole du 15 janvier 1999 et au Protocole additionnel du 31 août 2000 ». Avec cette déclaration commune, le Niger se met sur le dos, et le groupe Bolloré et les groupes Africarail et Getfarail. Ces derniers ont d’ailleurs indiqué clairement à qui veut le savoir que « la procédure d’arbitrage ne concerne pas le groupe Bolloré mais seulement le Niger et le Bénin. Quant à Bolloré, il estime ne pas être concerné par ces contestations, rejetant vers les États la responsabilité “des droits antérieurs qu’ils auraient pu accorder à des tiers”. Affaire, donc, à suivre. Dossier à suivre.

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