La police nigérienne face au chaos de la circulation à Niamey : Un hommage nuancé
Amères vérités En un mot comme en mille, il faut rendre hommage à la police nigérienne sans toutefois s’empêcher de dire là où c’est penché
Tout le Niger sait que ce sont ceux qui votent ou adoptent les lois et ceux qui sont chargés de veiller à leur application qui sont les premiers à les violer et à les piétiner. La circulation routière offre dans ce registre un exemple patent où la loi n’est presque plus la référence. Sous les yeux d’une police routière dont on s’interroge sur les missions, des automobilistes et autres conducteurs de tricycles brûlent les feux optiques, roulent en sens interdit, sans feux, etc. Le soir en particulier, sur des routes comme celle allant de l’avenue Mali Béro à la Francophonie ou celle menant de Katako au rond-point Baré, c’est l’anarchie totale. Les conducteurs de tricycles jouent aux petits princes gâtés. Parfois sans aucun feu — Ni fard ni clignotant, rien ! — ils roulent comme ils veulent, n’hésitant pas à prendre le sens interdit pour aboutir au rond-point Baré et passer directement sur le tronçon allant vers Lazaret. Les risques d’accidents ? Ce n’est pas leur souci, pas plus d’ailleurs que les agents de police. C’est un miracle qu’il n’y ait pas d’accident à chaque minute, tant la scène est surréaliste. Des policiers sont pourtant là, faisant semblant de ne rien remarquer, comme si les dangereux contrevenants ont obtenu d’eux un saufconduit pour se livrer à ces acrobaties qui mettent la vie des usagers en danger.
En plus de ces permissions qu’ils se donnent, les conducteurs de tricycle, au départ de Katako comme au niveau de l’échangeur Diori Hamani, ont fait de la chaussée leur autogare. Ils se rangent en plusieurs lignes et attendent là, tranquillement, leurs passagers. Gare à celui qui ose les interpeller. La police routière ? Elle évite soigneusement ces lieux où elle est plus utile. Quand elle est là, elle joue aux abonnés absents. Quelques fois, on remarque bien un ou deux, voire trois policiers sur place à la tombée du soleil, mais mettre de l’ordre n’est nullement leur préoccupation. Embusqués dans le méli-mélo, ils sont plutôt là pour prendre en défaut quelques conducteurs et motocyclistes négligents. Ce n’est pas d’ailleurs évident que ce soit pour leur coller une contravention. Être noyés dans ce flot de tricycles, tel dans une exposition de ces engins qui se sont finalement imposés comme moyens de transport humain dans la capitale, les policiers offrent ici les pires images de la loi qu’ils représentent. L’impuissance ! S’il ne s’agit pas encore de démission.
À Katako, il n’y a pas d’ailleurs pas que les tricycles qui font dans le désordre et la défiance. Des véhicules de transport de brousse ont occupé une bonne partie de la chaussée dont ils ont fait leur gare. Les conducteurs qui empruntent cette voie sont exposés à des risques d’accident 10 fois plus élevés, dans l’insouciance des autorités municipales qui disposent pourtant d’une police. À quelle fin si elle n’est pas mise à contribution pour imposer le respect des règles d’occupation de la voie publique ? Devant des feux optiques, des agents de police sous prétexte de contrôle de pièces, n’hésitent pas à créer un inconfort total en arrêtant le véhicule de tête d’une longue file indienne, bloquant ainsi tous ceux qui suivent. Les infortunés n’ont nulle part où se plaindre ; ils doivent avaler la couleuvre et attendre tranquillement que le feu vert revienne ou que l’agent de police consciencieux finisse son job. Les contrôles, oui ! L’agent de police est autorisé à le faire quand et où il le juge nécessaire, mais est-ce une raison de faire gêner la circulation des autres usagers condamnés à attendre deux fois le feu vert ?
Sur un tout autre plan, des conducteurs de camions gros porteurs se promènent – c’est le mot – en toute heure et en pleine ville, gênant considérablement la circulation routière. Lorsqu’ils ne se promènent pas, ils garent leurs camions où ils veulent, quand ils veulent, le nom du propriétaire suffisant comme carte de visite pour se permettre tout.Il n’y a qu’à Niamey où l’on voit des scènes pareilles. Dans les autres capitales de la sousrégion, le déplacement des gros porteurs est strictement encadré.
Et les mesures édictées sont rigoureusement observées. Ils disposent d’une heure, dans la soirée, à partir de laquelle ils se déplacent d’un point à un autre convenu pour leur stationnement. Aucune contravention possible à cette mesure.
À Niamey, les autorités municipales sont incapables de faire respecter une telle mesure. Pourquoi ? Certains vont se précipiter pour évoquer la politique et la démocratie comme explication à cette défaillance. Ils doivent se raviser en constatant qu’actuellement, sous la gouvernance du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (Cnsp), c’est le même spectacle. Ils doivent surtout comprendre qu’à Lomé, à Cotonou, à Bamako, à Dakar, les propriétaires de camions gros porteurs sont tout autant, sinon plus riches que chez nous et ils entretiennent des relations privilégiées avec les autorités. Peut-être qu’ils ont même, comme chez nous, des intérêts liés avec les hommes politiques. Pourtant, le minimum est respecté chez eux. La police nigérienne a toutefois de grandes qualités. Dans la lutte contre le trafic de drogue et la criminalité, y a pas son deux, comme diraient nos frères ivoiriens. Elle est particulièrement efficace, étalant, chaque jour que Dieu fait, ses talents infinis en mettant hors d’état de nuire des criminels et trafiquants de tous acabits. Pas plus tard que la semaine qui s’est achevée hier, dimanche 20 octobre, la police judiciaire a encore une fois fait les preuves de ses immenses talents, en mettant la main sur les meurtriers de la jeune dame égorgée le 2 octobre, au quartier Madina. C’est pareil au niveau de l’Octris [Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants] qui défait toutes les astuces des trafiquants de drogue qu’elle appréhende sans difficultés. N’est-ce pas grâce à la dextérité de l’Octris que de grands réseaux de trafiquants de drogue ont été démantelés en 2018 et 2021 ?
Il serait injuste d’oublier les prouesses de la Dgdse [Direction générale de la documentation et de la sécurité extérieure] à qui on doit le démantèlement du réseau terroriste qui s’apprêtait à s’attaquer au Burkina Faso et dans lequel sont impliqués le commandant Ahmed Kinda et le journaliste Serge Mathurin. Des prouesses qui rendent fiers et rassurent les Nigériens.
En un mot comme en mille, il faut rendre hommage à la police nigérienne sans toutefois s’empêcher de dire là où c’est penché. C’est cela qui permet de corriger, de s’améliorer et d’avancer vers de meilleurs résultats.
BONKANO (Le Canard en Furie)