Interview exclusive accordée par le Président du Conseil National pour la Sauvegarde de la Patrie à la RTN
Nous nous rendrons là où les intérêts de notre pays nous conduiront (…) personne ne nous dictera vers qui nous devons aller ou pas », déclare le Général de Brigade Abdourahamane Tiani.
Monsieur le président, le Burkina Faso, le Mali et le Niger ont pris, le 28 janvier 2024, la décision historique de quitter la CEDEAO. Comment en sommes-nous arrivés à cette rupture avec notre désormais ancienne communauté ?
Merci de l’opportunité, une fois de plus, de nous adresser au peuple non seulement nigérien, mais également au peuple de l’Alliance des Etats du Sahel et aux Africains de façon générale. Je profiterai de cette interview pour avoir une pensée pieuse envers nos martyrs. Les martyrs du terrorisme, le terrorisme qui n’est pas seulement celui que nous connaissons avec des armes sur le terrain, qui tue des militaires comme des civils, mais le terrorisme des organisations également et des Etats étrangers. Nous avons une pensée pieuse pour ces martyrs, qu’ils soient civils ou militaires. Les martyrs du Niger, les martyrs de l’Alliance des Etats du Sahel. Qu’Allah SWT les accueille dans son paradis ‘’Firdaws’’ et qu’il leur accorde sa ‘’Rahama’’.
Pour répondre à votre question, il est important de rappeler, car comme dit le Coran, le rappel sauve l’âme, c’est quoi la CEDEAO ? Où c’était quoi la CEDEAO ? Parce que pour nous, à partir d’une certaine date, la CEDEAO avait cessé d’exister malheureusement. C’est peut-être la prise de conscience qui avait manqué pour faire face à l’évidence et prendre les décisions qui s’imposaient. Nous avons quitté la CEDEAO parce que la CEDEAO n’était plus celle des pères fondateurs. Je profiterai d’abord pour faire un rappel historique. Créée le 28 mai 1975, la CEDEAO avait des objectifs purement économiques et pour la prospérité des peuples. Elle avait des principes fondamentaux dont je citerai quelques-uns, notamment l’égalité et l’indépendance des Etats membres, la solidarité et l’autosuffisance collective, la non-agression, les droits de l’homme, entre autres. Cette organisation a été créée en 1975 avec comme pères fondateurs le Niger, le Mali, le Burkina Faso, le Togo, le Benin, le Nigeria, entre autres. J’ai fait exprès de finir par le Nigéria. Si vous voulez que je les cite, les Chefs d’Etat à l’époque, du Niger c’était Seini Kountché, du Mali c’était Moussa Traoré, du Burkina faso c’était Aboubacar Sangoulé Lamizana, du Togo c’était Gnassingbé Eyadéma, du Bénin c’était Mathieu Kérékou et du Nigéria c’était Yakubu Gowon. Le Nigéria sortait d’une guerre civile dévastatrice qui avait fait plus de deux millions de morts, trois millions de réfugiés, cinq millions de déplacés. Et c’est dans ce contexte que, pour aider le Nigéria à se relever, à se réorganiser, à retrouver son unité entre la république Biafraise et la république du Nigeria, ces frères Chefs d’État que j’avais cités tantôt ont eu l’idée de créer la CEDEAO avec comme principes ce que je venais de citer et avec comme objectif également fondamental l’économie et la prospérité des peuples. Les gens disent que le Nigeria était la locomotive. Le Nigeria n’était pas la locomotive de la CEDEAO à la création, puisque je viens de vous faire un peu le point de ce qu’était le Nigeria à la sortie de la guerre civile, quatre ans après la fin de la guerre civile catastrophique. Et qui était derrière cette guerre civile qui avait failli séparer le Nigeria en deux républiques ? C’était la France. Si les gens ont la mémoire courte, au Niger nous n’avons pas cette mémoire courte. Il faut faire ce rappel, c’est très important. La CEDEAO était pour les peuples à but purement économique.
Il faut faire également un rappel pour que les gens comprennent ce qui se passe. Le 9 novembre 1989 le mur de Berlin tombait, c’était la fin, ou la fin supposée, de la guerre froide entre les deux blocs que vous connaissez. Sept ou huit mois après la chute du mur de Berlin, rappelez-vous de la rencontre de la Baule, ce qu’on a appelé le fameux discours de la Baule. C’était du 19 au 21 juin 1990, où Mitterrand rappelait aux africains, 35 Chefs d’Etat réunis, que ce n’est plus le fameux slogan amitié-coopération, c’est désormais la démocratie qui est source de développement pour vous les pays africains, qui est source de prospérité. Mais, si Mitterrand avait fait cette annonce c’est parce qu’à l’époque il avait cru avoir trouvé de nouveaux partenaires à travers les pays de l’Est libérés ou supposés être libérés. Le discours de La Baule nous le connaissons, mais peut être beaucoup ne connaissent pas ce qui se cachait derrière. Le discours de La Baule n’avait nullement l’objectif de faire le bonheur ou la prospérité des africains. Le discours de La Baule avait pour objectif inavoué la balkanisation de nos maigres Etats. Il avait pour objectif de ressusciter les instincts que les supposées dictatures ont su contenir, bon gré malgré. Et c’était l’objectif, amener les Etats africains à ce qu’on avait appelé le multipartisme. Vous vous rappelez la succession de 1990 à 1991 des conférences nationales qui avaient cours dans tous les Etats pratiquement francophones. Nous nous sommes retrouvés avec des pays à moins de dix millions d’habitants, mais avec plus de 200 partis politiques. C’était l’objectif inavoué, fragiliser nos Etats. Cet objectif, Dieu merci, n’a pas été atteint. Les Etats, c’est vrai, malgré le multipartisme ont su garder un certain équilibre mais dans la misère et la paupérisation la plus totale. Nous étions dans ce contexte, quand l’objectif non atteint, rappelez-vous en 1994, tous les pays utilisateurs du francs CFA se sont retrouvés avec 100 % de dévaluation. C’est des événements, des faits, qu’il faut mettre en commun pour comprendre l’évolution de ce que nous vivons aujourd’hui.
Pour revenir à notre question, qu’est ce qui a pu pousser nos 3 pays à quitter la CEDEAO ?
J’ai pensé faire le rappel, pour remettre les choses dans leurs contextes. Pour revenir à votre question, le 26 Juillet 2023 nous avons mis fin au régime qui exécutait à la lettre les vœux du ‘‘maître’’. Nous avons dit que nous avons suffisamment fait pour le maitre, il est tant que nous fassions pour le bien de nos peuples. La France, toujours à son habitude, avait utilisé des pays africains, précisément certains pays de la CEDEAO, pour initier une agression, une guerre pour soit disant rétablir Bazoum au pouvoir. Les conséquences de ces actions sont connues, c’était le 30 Juillet, la rencontre d’Abuja où il a été décidé, quatre jours après le coup d’état, sans consultation aucune et contrairement aux règles de la CEDEAO, il était question de mettre un embargo total au peuple nigérien. L’embargo nous le connaissons, nous connaissons les conséquences non pas pour le peuple nigérien, mais pour l’ensemble des peuples de la CEDEAO même si les gens ne veulent pas reconnaitre cette évidence. Nous avons passé par toutes les phases pour que l’embargo soit levé pour renouer le dialogue qui devrait être la première étape qui correspond à l’un des principes de la CEDEAO. Vous avez vu les va-et-vients des délégations de la CEDEAO, des chefs traditionnels et de toutes les autres autorités pour renouer le dialogue. Le sacrifice que nous avons consenti non seulement en terme de la durée de la transition, en terme du chronogramme de la transition même si certains l’ignorent mais eux qui étaient venus vers nous au nom de la CEDEAO ou au nom de leurs propres pays ou à leur propre initiative savaient le sacrifice que nous avons consenti pour que cette souffrance à laquelle le peuple nigérien ou les peuples de l’AES ont été soumis, soit levée. Malheureusement, d’une condition à une autre ; au début vous vous rappelez l’exigence était de libérer la famille de Bazoum comme si nous avons gardé la famille de Bazoum. Je l’avais dit et je le répète aujourd’hui, le 28 Juillet, deux jours après le coup d’état, j’avais ordonné de libérer la famille Bazoum. C’est lui-même qui a demandé que sa famille reste avec lui et je l’ai dit lors de notre dernière rencontre. Nous avons accepté la durée de la transition et vous vous rappelez le 8 décembre, soit deux jours avant la rencontre du 10 décembre à Abuja, j’étais à Lomé au Togo. Au cours de l’entretien avec SE Faure, j’avais dit que le Niger est disposé à toute durée qu’il juge être la durée qui permettra de lever l’embargo sur notre pays. Et vous vous rappelez qu’avant cette rencontre, le Président Macron était sorti, trois semaines avant, pour dire que l’embargo contre le Niger ne sera pas levé tant que Bazoum sera otage de la junte. Pour nous, dès lors que, et je l’ai dit lors de notre entretien, le dé a été jeté parce que nous savons pertinemment que les Chefs d’Etats de la CEDEAO n’avaient pas la décision. La décision appartient toujours à Paris. Et ceci, c’est revélé exactement puisque à l’issue de la rencontre, c’était la principale condition des Etats marionnettes de la CEDEAO. Libérer Bazoum ou rien. Vous vous rappelez, le ministre des Affaires étrangères du Nigeria était parti à Londres pour le dire sur les ondes de la BBC que s’ils veulent qu’on lève l’embargo, ils n’ont qu’à libérer Bazoum. Ils n’ont pas d’autres choix que de libérer Bazoum. Mais, je rappelle que Yusuf Tugar ne décide pas de la politique ou de la diplomatie du Niger. Il est ministre des affaires étagères du Nigéria et non du Niger. Il n’est pas également ministre des affaires étrangères de la CEDEAO et il ne peut, avec le sens de la modestie, de la courtoisie, décider de ce qui doit être appliqué au peuple nigérien.
Pour répondre exactement à votre question, trois raisons nous ont amené à quitter la CEDEAO. La première raison est sécuritaire. La CEDEAO a menacé le Niger d’une agression militaire armée. Nous ne pouvons pas permettre, nous ne pouvons pas porter sur notre conscience le poids des massacres des Nigériens. La deuxième raison est morale/éthique. Le peuple nigérien a été dépourvu de tout, les produits pharmaceutiques, le minimum vital, l’énergie éclectique. Saurions-nous continuer à accepter que les Nigériens meurent parce que nous sommes dans une organisation qui ne correspond plus à la réalité depuis 1991 quand on avait introduit un chapitre le 6 juillet exactement, qu’ils ont appelé la déclaration des principes politiques, devons-nous permettre que des Nigériens continuent à mourir pour permettre à certains individus d’assouvir leur volonté, leurs calculs ou leurs desseins politiques ? Non ! C’est cette deuxième raison éthique et morale qui nous a conduits à ce que nous avons fait dans le cadre de l’AES. La troisième et dernière raison est d’ordre économique, puisque c’était la volonté des pères fondateurs. Qu’aurions-nous à gagner dans une CEDEAO où nous sommes sous embargo total, un embargo économique qui est contraire à l’objectif initial de la CEDEAO, un embargo monétaire où nos dépôts à la BECEAO sont confisqués en 2023 ? Pourrions-nous continuer à rester dans cette organisation ? Nous avons décidé, et il est temps de sortir de cette organisation de laquelle les Etats auraient dus sortir dès 1991 au lendemain du discours de La Baule parce que c’est à partir de là que la France avait pris le contrôle de notre organisation et que cette dernière ne répondait plus à l’esprit initial ayant conduit à sa création, le 28 mai 1975. Voilà les trois raisons fondamentales qui nous ont conduits, les pays membres de l’AES, le Niger, le Burkina-Faso et le Mali à sortir de cette organisation pour tracer notre voix et tracer notre destin ensemble nos peuples et les africains et partenaires sincères.
Monsieur le Président en quittant la CEDEAO nos pays ont certainement anticipé les conséquences de cette décision, conséquences en terme de libre circulation des biens et des personnes, en terme de séjour de nos compatriotes dans l’espace CEDEAO, en terme politique et économique, que pouvons-nous retenir ?
Je l’ai dit, lorsque la CEDEAO a été créé le 28 mai 1975, nos Etats étaient-ils indépendants ou non ? nos peuples existaient-ils ou avaient-ils commencé à exister après 1975 ?
En terme de circulation des personnes, rappelez-vous que la majorité des Etats de la CEDEAO ont acquis leur indépendance en 1960. Mais de 1960 à 1975, ces populations-là cohabitaient 15ans déjà avant la création de la CEDEAO. Et avant la colonisation même, les peuples africains vivaient ensemble. Pour prendre l’exemple du Nigeria, de Bornou jusqu’à Kebi c’était les mêmes familles. Même ceux qui sont du sud qui pensent être venus d›ailleurs étaient au Niger il y a plus de 2000 ans, il y a des traces. Donc ce sont des peuples qui ont toujours évolué sans tenir compte des frontières puisqu’ils n’y avaient pas de frontières. Sachez qu’avant la pénétration coloniale nous avons cessé même le mode de gestion des Etats sous forme de royaumes d’abord, ensuite de regroupements pour constituer de grands empires. Nous étions pour le cas du Niger particulièrement dans la gestion des Etats en tant que Sultanat. Rappelez-vous qu’on parlait du sultanat de Bornou, du Sultanat de Katsina, du sultanat du Gobir et de l’empire peuhl de Sokoto qui était un sultanat également puisque Ousmane Dan Fodio était une figure de la religion islamique. C’est cela que les gens ignorent, nos peuples étaient brassés. Prenez le nord Bénin c’était l’ancien empire Songhay. Nous ne sommes pas ignorants ou analphabètes de l’histoire, ces peuples-là ont cohabité.
La CEDEAO compte 15 Etats à l’heure actuelle, l’Afrique en compte 54 Etats. N’y a-t-il pas de Nigériens dans les autres pays d’Afrique ? Comment est-ce qu’ils vivent ? Ne se déplacent-ils pas ? Ne trouvent-ils pas leur subsistance dans ces autres pays qui ne sont pas des pays de la CEDEAO ? Bien sûr que oui. Et même parmi les pays de la CEDEAO, quels sont ces pays les plus ‘’illustres’’ pour faire la guerre au Niger ? Qui sont-ils ? C’est Tinubu du Nigéria, Talon du Bénin, Ouattara de la Côte d’ivoire et Macky Sall du Sénégal jusqu’à un certain moment.
Pour ce qui est de la libre circulation des personnes et des biens n’ayez aucun souci. Les africains ont circulé, cela fait partie de la partie humaine. Aucune frontière coloniale ne saurait arrêter les êtres humains dans leur instinct migratoire, dans leur mobilité. Les peuples vont continuer parce qu’ils sont au-dessus des chefs d’État égoïstes et individualistes. Les peuples sont des peuples matures qui comprennent le sens de l’histoire parce qu’ils ont l’histoire en eux. Ils connaissent les relations qui avaient existé et qui existent entre eux et leurs frères de l’Alliance des Etats du Sahel.
Sur le plan économique, quel était le taux d’échange entre les Etats de la CEDEAO ? Vous me direz qu’il est marginal, inférieur à 4 %, les plus optimistes ont dit 5 à 6%. Dites-moi un seul pays de la CEDEAO qui n’importe pas le minimum qui est l’alimentation. Il suffit que l’Inde décide de ne plus permettre l’exportation du riz pour que tous ces Etats de la CEDEAO se retrouvent à terre en train de chercher comment, par quelle voie passer pour nourrir leur peuple. Ce n’est pas une caractéristique propre aux Etats de l’AES. Prenez un à un tous ces Etats zélés qui veulent nous faire la guerre et étudiez leurs économies pour voir la dépendance. Nous importons tous de l’Inde, de la Chine, des États Unis, du Pakistan, de la Turquie. Tous les biens importants nous les importons au sein de ces pays et non pas de la CEDEAO puisque le monde est un village planétaire. Ceci est une évidence, que les pays de la CEDEAO le reconnaissent ou non.
Pour ce qui est du domaine politique, rassurez-vous qu’à travers l’AES, que les gens semblent mépriser et ridiculiser jusqu’à considérer que c’est une alliance fantôme, personne n’utilisera le Niger ou l’AES pour assouvir ses dessins personnels. Tinubu veut avoir une assise populaire à travers la martyrisation du peuple nigérien, mais martyriser le peuple nigérien c’est martyriser le peuple frère du Nigéria et je reste convaincu que le peuple frère du Nigéria ne laissera pas passer. Talon veut avoir un deuxième ou troisième mandat à travers sa rigueur ou son zèle vis à vis de l’AES ou du Niger, particulièrement en fermant la frontière sous l’injonction du maître. Qu’il se détrompe s’il doit servir le peuple du Bénin, qu’il le serve et c’est à travers cela que le peuple béninois décidera de lui accorder un troisième mandat s’il juge que ce qu’il a fait jusqu’ici mérite un troisième mandat. Ouattara veut aussi faire un quatrième mandat. Pour cela, il faut qu’il prouve au maître qu’il est digne de confiance. Mais, le Niger est un pays indépendant. Le Niger est un pays de royaumes, d’empires et de sultanats il y a des milliers d’années. Ce n’est pas aujourd’hui, à travers le Niger, que les gens vont assouvir leur destin politique.
Macky Sall voulait un troisième mandat, le peuple sénégalais avait montré une fois de plus sa maturité politique pour dire qu’il n’y aura pas de troisième mandat. Nous n’avons pas la mémoire courte. Même si nous ne sommes pas au Sénégal, nous suivons l’évolution. Face à l’évidence, Macky Sall a abandonné cette velléité de s’octroyer un troisième mandat, et à contre cœur, a permis que les listes soient ouvertes, que des candidats soient retenus et que les élections soient fixées pour le 25 février. Mais entre-temps, il avait adouci ses positions quand les perspectives pouvant conduire au troisième mandat se sont évanouies à travers la mobilisation du peuple sénégalais.
Rassurez-vous, les pays de l’AES savent quelles sont leurs priorités et ce sont des priorités pour le bien de leur peuple, sans calcul, sans velléité quelconque d’abuser ou de profiter de l’adhésion des peuples.
Maintenant que nous avons quitté cette organisation, quelles perspectives s’offrent vraiment à nous ?
Les perspectives ne peuvent être que meilleures. Qu’aurions-nous gagné en restant dans la CEDEAO ? J’ai fait le rappel. Les causes profondes inavouées qui ont conduit nos Etats dans la situation où nous nous sommes retrouvés avec un terrorisme d’abord importé, activé, manipulant et manipulé. Nous connaissons qui et qui sont derrière ces mouvements terroristes. Que ce soit les terroristes qui sont sur le terrain avec des armes, que ce soit les Etats terroristes qui veulent atteindre des objectifs à travers ce qu’ils ont fait aux pays de l’Alliance des Etats du Sahel. Nous sommes une alliance qui a une vision claire. Nous avons quitté la CEDEAO et ce n’est pas sous un coup de tête, pour renforcer cette alliance parce que nous avons une vision claire de ce qui peut conduire nos peuples vers la prospérité à laquelle ils ont toujours espéré que les leaders les conduisent. L’AES avait pour objectif initial, et elle l’a toujours, et elle est en train d’engranger des succès ; de ramener la paix dans notre espace troublé pour que nos richesses soient spoliées. In Chaa Allah, nous allons réussir cette première phase. Et nous sommes sur le point de la réussir. Chacun peut apprécier les résultats obtenus.
Le deuxième point, nous sommes là-dessus, c’est la bonne gouvernance. A travers tous nos Etats vous avez constaté que le cheval de bataille que nous avons enfourché, c’est celui de la bonne gouvernance. Les ressources des pays de l’AES profiteront aux peuples de l’AES. C’est un serment qui se traduit dans les faits. Et si vous avez constaté, au Niger, c’est physique, c’est réel. Au Burkina comme au Mali ; c’est également physique et réel. Après cette prospérité économique, nous devons chercher ensemble quels sont les mécanismes qui nous permettent de renforcer les échanges au sein de notre alliance, que ce soit des échanges monétaires ou tout autre type d’échanges pour que cette zone de l’AES soit effectivement, comme nous l’avons souhaité, une zone de prospérité et non une zone d’insécurité. Ce sont des étapes qui conduiront à une véritable intégration politique, débarrassée de toute menace d’un Etat envers un autre. Voilà en quelques mots ce que nous pensons mettre en place pour palier notre sortie de la CEDEAO et les conséquences que certains peuvent penser dramatiques ou chaotiques. Il n’y aura pas de chaos. Les pays de l’AES seront prospères in Chaa Allah. Et, ceci est inévitable.
M le Président, après la CEDEAO, les Nigériens s’interrogent de plus en plus sur l’intérêt de notre maintien au sein de l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), organisation qui a durement sanctionné notre pays. Allons-nous bientôt sortir de cette organisation également, allons-nous enfin avoir notre propre monnaie, ce qui est tant attendu par nos peuples ?
Chaque chose a son temps. Je l’ai dit, nos Etats auraient dû sortir de ce qu’était la CEDEAO depuis 1990. Pourtant jusqu’aujourd’hui, la majorité numérique des Etats continuent à être membres de la communauté. Nous sommes sortis. Avant nous, la Mauritanie était sortie, même si ce n’est pas dans les mêmes conditions. La monnaie, c’est un signe de souveraineté. Nous sommes engagés dans un processus de recouvrement de notre souveraineté totale. Nous l’avons dit, il faut ouvrir l’armoire de l’histoire récente des Etats africains, sortir tous les dossiers, les dépoussiérer, les analyser, les évaluer et décider pour l’intérêt, et l’intérêt de nos peuples. Il n’est plus question que nos Etats soient la vache à lait de la France. La France nous a spolié plus de 107 ans. La France doit payer cash les dettes de 65 ans de pillage systématique de nos ressources. Et, pour les 42 ans, nous trouverons un échéancier pour qu’on soit quitte avec la France. La monnaie est une étape de sortie de cette colonisation. Les Etats de l’AES ont des experts. Et au moment opportun, comme je l’ai dit, In Chaa Allah nous déciderons. Nous allons décider In Chaa Allah.
Monsieur le Président, deux sujets intéressent particulièrement les Nigériens. A la mi-janvier, le Premier ministre a effectué une série de missions qui l’ont conduit en Russie, en Iran et tout dernièrement en Türkiye, quels sont le sens et les retombées de ces missions ?
Vous m’aviez posé une question à savoir quel devenir pour l’AES ? quel devenir particulièrement pour le Niger ? Eh bien, ça fait partie des solutions pour le devenir de l’AES. Nous avons compris où se trouve le problème et comment résoudre le problème. On nous avait toujours fait croire que certains Etats sont barbares, arriérés et attardés et que de ces Etats nous ne devons rien attendre. Mais nous, nous ne sommes pas des analphabètes de l’histoire. Nous connaissons notre histoire, nous connaissons l’histoire des autres. La France avait cessé d’être royaume en 1789. En ce temps, le dernier sultanat était en déclin. Nous avons passé par d’autres étapes et nous étions dans la phase des sultanats au moment où les français faisaient leur révolution. L’empire du Songhaï connu à travers la dynastie des Dia, des Soni, des Askia avait cessé d’exister en tant qu’empire prospère en 1591. Le sultanat du Bornou avait cessé d’exister en tant que sultanat influant qui couvrait la presque totalité du territoire qu’on appelle aujourd’hui le Niger vers 1774. Ce n’est pas encore la révolution française. Donc, nous connaissons l’histoire, nous ne sommes pas analphabètes de l’histoire. Le Niger décidera, en toute souveraineté, de lier des alliances en fonction de ses intérêts et des intérêts du peuple nigérien, des peuples de l’AES de façon globale. Et pour cela, personne ne nous dira vers qui nous devons ou non aller. Nos orientations ne respecteront que l’intérêt national, l’intérêt des peuples et non la volonté d’un maitre ou d’un supposé maitre. Le Niger rétablira ses relations qui sont anciennes avec la Russie, avec l’Iran, avec la Türkiye, avec tous les Etats qui respectent notre dignité et notre souveraineté. Nous ne sommes et nous ne serons les ‘‘tapettes’’ de personne. Personne ne nous dictera vers qui nous devons aller ou pas. Nos intérêts font partie de la solution à notre sortie de la CEDEAO. Parce que, nos intérêts ont cessé d’être pris en compte au sein de la CEDEAO, nous avons quitté la CEDEAO. Nous serons prêts à nouer des relations avec tout pays qui respecte notre souveraineté, notre indépendance qui n’est plus théorique, qui n’est plus que sur papier, une relation d’intérêt entre les Etats, mais dans le respect mutuel ; contrairement à ce que les français veulent nous imposer.
En août 2023, pour vous donner une idée du mépris que les autorités françaises ont pour le Niger, lorsque nous étions dans les moments les plus tendus, un pays de l’Union Européenne avait proposé, par visioconférence des pays membres de cette union, une sortie de crise, un apaisement avec le Niger et proposé d’aller vers les autorités du Niger pour essayer de négocier. Vous savez ce que le président Macron avait répondu à ce pays ? Le Niger ne vous appartient pas, le Niger appartient à la France et ce n’est pas à vous de proposer quelque solution que ce soit. Ça s’est passé en août 2023 en visioconférence. ‘’Le Niger n’appartient pas à ce pays, le Niger appartient à la France’’ et ça, c’est Macron qui le dit. Macron, l’ignorant de l’histoire, parce qu’il ne savait pas qu’au moment où ils faisaient leur révolution, nous, nous avons fini le tour du monde. Le territoire qu’on appelle le Niger avait fini d’expérimenter toutes les organisations sociales, en termes de politique. Et c’est ce pays-là que Macron réclame comme la propriété exclusive de la France. C’est dans ce cadre que s’inscrit le déplacement du Premier ministre : montrer que le Niger n’est la propriété de personne. Celui qui pense qu’il a des intérêts à défendre au Niger, qu’il vienne négocier avec nous d’égal à égal, dans la dignité. Nous nous rendrons là où les intérêts de notre pays nous conduiront. Ce que les gens ont pensé ou pensent du Niger est révolu à jamais. C’est un Niger nouveau et une Alliance des Etats du Sahel qui a compris les enjeux et qui a compris la voie à suivre, avec le soutien du Peuple. Et In Chaa Allah, avec ce soutien, nous ne faillirons pas, nous ne trahirons pas.
Ces derniers temps, on a parlé de quantités d’or qui sortent illégalement du Niger. Certains médias ont rapporté que 1400 kg auraient été saisis en Ethiopie. Quand est-il exactement de cette affaire ?
Vous me faites sourire. Le Niger a commencé à exploiter l’or depuis 1984. Vous vous rappelez de la ruée vers l’or de Komabangou et plus récemment vers le Djado à Tchibarkaten, Abazaguer, puis dans l’Anzourou, dans le Yaga et le Diamaré (partie sud de la Sirba). Presque chaque semaine, c’est une mine qui est découverte dans ces zones- là. Mais, un dicton aussi bien en Hausa qu’en Zarma dit, littéralement traduit, que «le bon sens est comme les intestins. Quelle qu’en soit sa taille, il reste dans l’abdomen». Les Nigériens doivent méditer sur la sagesse de ce dicton populaire. Il y ‘a des gens qui ont été modestes en annonçant un peu plus de 1500 kg saisis en Ethiopie, d’autres ont avancé 23 tonnes, vous imaginez 23 tonnes d’or et que c’est le CNSP qui aurait remis toutes ces quantités d’or aux Russes. Nous devons réfléchir avant de donner écho à certains propos.
Jusqu’au 26 juillet 2023, le Niger exportait l’or de façon anarchique. Allez-y au Ministère des Mines voir les misères que l’Etat avait récoltées comme retombées. Mais, c’était fait sciemment puisque ces détenteurs de mines d’or n’étaient autres que les ténors du régime que nous avons renversé. Allez-y au Ministère des Mines, demandez les permis de recherche que le président du CNSP ou tout autre membre du CNSP ou du gouvernement a déposé. Vous ne trouverez rien. Mais, ce n’est pas le cas avec les ténors du régime renversé, nous le savons. Dans le diamaré, nous savons qui a les Mines d’or, dans la zone de Tchibarkaten, de Amazaguer et au Djado, nous savons qui a des mines d’or. Il faut que, face à tout écrit, face à toute tentative de diversion, les gens prennent le temps de réfléchir. Nous nous sommes inscrits dans un sens de la marche de l’histoire de notre pays qui ne plaît pas à tout le monde et les gens sont prêts à tout pour nous divertir. Dieu merci, ils ne sont pas parvenus mais, ça ne veut pas dire qu’ils vont arrêter. Tous les moyens seront utilisés pour essayer de casser notre marche vers l’affirmation de notre souveraineté et de notre indépendance. C’est dans ce sens que s’inscrit cette affaire de saisie d’or en Ethiopie et dont les autorités éthiopiennes elles-mêmes n’ont pas vu la couleur. Le Niger a certes exporté de l’or à un moment bien précis de son histoire, depuis 1984 et jusqu’au 26 juillet 2023. A notre arrivée, nous avons dit que trop de permis ont été octroyés. Certains permis appartenaient même à des ténors du régime déchu qui se les ont octroyés souvent en expropriant d’autres personnes. De ce fait, ils ont abusivement utilisé le pouvoir pour s’enrichir personnellement. Nous le savons à travers des compagnies comme ECOMINE, AFRI OR, COMINI, RADIX et tant d’autres. Nous avons mis fin à ça et cela ne plaît pas à tout le monde, ça ne plaît surtout pas à ceux qui se sont enrichis de façon honteuse sur la misère des Nigériens. Ces gens sont prêts à tout et feront tout pour nous déstabiliser, mais incha Allah, ils ne parviendront pas parce que nous avons les faits avec nous.
Les gens ont parlé, toujours dans le cadre de ce trafic d’or, du changement de personnel de sécurité à l’aéroport. Mais, ils ne se sont jamais posé la question de savoir que parmi ces personnes que nous avons changé à l’aéroport, certaines ont plus de 20 ans, d’autres plus de 10 ans, d’autres encore plus de cinq. Certes il y en a qui ont un an, deux. Mais, le déploiement des forces de sécurité n’est pas du domaine des rumeurs. C’est du domaine de l’efficacité et de l’objectif du contexte du moment. Remplacer quelqu’un qui a 20 ans à l’aéroport n’a aucun lien avec ‘’la saisie d’une tonne et demi d’or ou 23 tonnes d’or en Ethiopie’’ comme ils le disent. Cela s’inscrit dans le cadre normal de remplacement des personnels qui ont servi un certain temps dans ces infrastructures aéroportuaires et qui sont des forces de défense et de sécurité notamment la Gendarmerie Nationale, la Police Nationale, les Douanes et d’autres services que je ne citerai pas qui devaient être remplacés. Vous avez constaté qu’à l’Aéroport international Diori Hamani, même si c’est deux grammes d’or, ils sont détectés et saisis si la procédure d’exportation n’est pas, respectée. La procédure d’exportation de l’or qui avait cours jusqu’au 26 juillet 2023 était encadrée, mais encadrée de façon partisane. Nous avons l’Association nigérienne des agréés de l’exploitation et de la commercialisation de l’or qui régit ce domaine, qui était même partie en procès avec l’Agence nationale de l’aviation civile (ANAC) parce que justement cette dernière avait dit qu’il n’est pas normal qu’on transporte l’or en cabine ou en soute. L’or doit être transporté par cargo. Au moment où l’or sortait par l’Aéroport Diori Hamani de Niamey, il l’était sous encadrement. Donc, il y avait des règles, même s’il y avait certains qui ont le monopole total de cette activité. Ce qui fait que tout celui qui va exporter l’or passe par ces personnes-là qui sont nommées par le régime déchu et que tous ceux qui sont dans le domaine de l’or connaissaient et connaissent encore. Mais, que les gens se rassurent. L’or était encadré certes, même si c’était de façon partisane. Il y avait l’ANAC qui avait toutes les activités aéroportuaires, il y avait SUMMA qui gère les activités au niveau de l’aéroport, il y avait la Douane qui faisait son travail, il y avait la cellule aérienne anti-trafic de la Police nationale qui faisait son travail, il y a la Gendarmerie nationale qui encadrait le transport de cet or-là du magasin à l’avion et c’était sous forme de cargo. Deux compagnies ont été retenues, il s’agit de Turkish Airlines et Air France qui, depuis le 26 juillet a suspendu ses vols. Certes, Ethiopian Airlines a repris ses vols cargo mais, elle ne fait pas partie des compagnies retenues pour le transport de l’or.
Donc, la quantité d’or en question, n’est pas sortie avec une quelconque bénédiction du Président du CNSP ou de tout autre membre du CNSP. Que les Nigériens se rassurent : la voie que nous avons choisie, c’est celle de la loyauté et du respect envers notre peuple. Nous ne sommes pas là pour trahir les aspirations d’un peuple qui nous a fait confiance et qui nous a soutenu malgré les adversités. C’est pourquoi, quand les populations entendent certaines choses, elles doivent se référer à la sagesse que j’avais tantôt évoquée pour poser les bonnes questions : Qui se cache derrière ce masque apparent ?
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