Héritage colonial : Que reste-t-il des relations entre le Niger et la France?
A priori rien. La France a dit qu’elle ne veut pas de nous parce qu’elle est allée jusqu’à nous vouloir la guerre, disant sans vergogne qu’elle soutiendra toutes les initiatives de la CEDEAO qui, en vérité, n’en a autres que celles que Paris lui dicte. Depuis les événements du 26 juillet 2023, les relations entre le Niger et la France se sont fortement dégradées jusqu’à atteindre un seuil de non-retour, estiment certains analystes. Emmanuel Macron n’avait pas été capable de lire sereinement le cours des événements pour saisir les contours profonds des mutations de notre société et les malaises qui la traversent. Aussi, a-t-il, face au coup d’Etat, pourtant salué dans le pays, réagi avec un paternalisme de mauvais aloi, donnant inutilement l’impression que c’est la France qui a, sur nous, le droit de la remontrance et de la rééducation politique, oublieux de ce que nous sommes un peuple libre et que la France, si ce n’est la malencontreuse rencontre de l’Histoire, n’a aucun lien avec le Niger qui pourrait justifier un devoir de coopération et, notamment, déséquilibrée entre les deux pays. La France joue, dans le monde ses intérêts et nous les nôtres. Et plus les jours passent, plus les choses vont de mal en pis : le Niger refuse le piètement de la France car, avertissait Tiani : « Nous ne sommes les tapettes de personne ». Et c’est clair. Il faut l’entendre.
Et depuis qu’Emmanuel Macron faisait le coeur pour sortir du Niger, alertant tous ses ressortissants, y compris ceux qui ont des affaires privées dans le pays, pour les convoyer en France. Mais, depuis que les militaires et le peuple refusaient l’intimidation de la France et que l’émotion et la colère se libèrent du président français, choqué de se voir perdre un sous-préfet très serviable alors que sur lui reposaient bien d’espoirs de profits au Niger, il ne put s’en remettre de ses douleurs ressenties par le choc émotionnel du coup d’Etat qui le surprit. Contrainte de partir du Niger malgré ses résistances, la France finit, l’un après l’autre, par fermer tous ses services, espérant étrangler le Niger par pareilles décisions pour lesquelles la lucidité lui manquait à comprendre qu’elles ne sont pas les bonnes même quand un dirigeant européen, lors d’une visioconférence de l’Union Européenne, le lui fait remarquer, rétorquant que le Niger ne regarde personne, et notamment pas un autre pays européen, car le Niger, selon une confidence rapportée par Tiani, c’est la « chose de la France ». Comment, avec de telles idées, en ce 21ème siècle, peuton réussir à se faire comprendre en Afrique avec des générations nouvelles qui ont pris goût à la liberté ? Macron se trompe d’époque et il en paie le prix fort : il perd l’Afrique. N’est-ce pas Poutine ? La France partait donc du Niger. C’était son choix que tous les Nigériens avaient respecté. Mais sans doute qu’après elle se soit rendue compte de ses erreurs pour réaliser qu’elle avait eu tort de prendre trop hâtivement cette décision qui hypothèque ses intérêts dans le pays, disons son avenir. Il y a quelques jours, l’on apprenait que la SOGEASATOM, installée au Niger depuis près de soixante (60) ans partaient du Niger. Le marché nigérien, notamment dans le domaine de la construction des routes, ainsi échappe aux entreprises françaises. Il ne reste plus qu’une seule entreprise dont le sort n’a pas encore été tiré au clair. Il s’agit d’Orano, ex-AREVA. Pour les Nigériens, cette société ne peut plus exploiter l’uranium dans les mêmes conditions. Et pour cause, ainsi que cela est unanimement reconnu, le domaine de l’exploitation de l’uranium est celui qui explique à suffisance et symbolise l’exploitation dont nos pays sont objet de la part de la France qui s’en sert à bâtir sa puissance et son influence dans le monde, ne laissant pour nos Etats que des miettes et de la pollution. Alors que le Niger manque cruellement d’électricité pour une meilleure qualité de vie de ses populations, la France, elle, se sert de son uranium, pour s’éclairer et vendre même à travers le monde, l’électricité issue du minerai vendant ses turbines et le Yellow Cake à travers l’Europe.
Fil fragile…
Il ne reste plus que ce fil fragile qui nous lie à la France. On sait qu’il ne tient à rien surtout quand on sait le contrat déséquilibré dans le domaine et qui aura permis à la France de se servir de l’uranium nigérien comme de sa ressource propre, prenant la part du lion, lésant un pays à qui elle ne laisse que de la poussière et un environnement dégradé. Etant donné que le CNSP a dénoncé beaucoup d’accords avec la France, c’est tout à fait logiquement que les Nigériens attendent de voir dénoncer les accords dans le cadre de l’exploitation et de la vente de l’uranium. Ce n’est, du reste, que faire juste au Niger pour que ses ressources puissent véritablement profiter à son peuple longtemps maintenu dans la misère, avec des enfants dont l’école bat de l’aile depuis des décennies de crises et de contre- performances. En venant dans nos pays, la France doit savoir qu’elle vient pour travailler avec un peuple, avec un Etat, non avec des individus. C’est pourquoi certains estiment que quiconque devrait aller ailleurs, notamment en France, pour chercher un soutien politique pour se faire élire, ne doit pas être un président pour le pays. La confiance est à chercher auprès du peuple souverain, non auprès d’un président français.
Mais la France, peut-elle accepter de perdre sur toute la ligne ?
Sans doute qu’avec le temps, les Français lui en voudraient d’avoir pris certaines décisions qui ne laissent aucune place à la souveraineté des Etats, la France nouvelle ne pouvant continuer à se draper de ses mêmes costumes de colon qu’elle fut. Forcément, si tant est qu’elle voudrait continuer à avoir des relations privilégiées avec les pays, la France doit changer de regard sur l’Afrique et sur les Africains afin que leurs relations soient revêtues d’une certaine humanité car le sauvage qu’elle avait cru voir en nous n’est pas. Et c’est pour cela que cette même France sait désormais apprécier et aimer un Mbappé et d’autres universitaires émérites noirs par-delà la couleur de leur peau. Un Etat n’a pas d’état d’âme chaque fois qu’il doit jouer ses intérêts, et l’on ne peut être surpris de voir la même France revenir avec un nouveau narratif comme on l’a vu avec Patrice Talon qui, à la suite du bilan de ce que les sanctions contre le Niger auront causé pour son pays, revenait à de meilleurs sentiments, se faisant même un grand défenseur de la paix et de la réconciliation avec le Niger mais aussi avec les autres Etats, ex-membres de la CEDEAO, qui décidaient il y quelques semaines d’en sortir pour mieux se concentrer sur la consolidation de l’AES, l’Alliance des Etats du Sahel. On a beau dire que l’uranium nigérien ne représente rien dans le commerce mondial et notamment dans ce que la France réussit dans le domaine pour s’imposer comme un partenaire incontournable et même leader, il reste que les sanctions dictées contre le Niger qui ne peuvent permettre que le minerai sorte du pays ont fini par révéler les vulnérabilités de la France, et par affecter le marché de l’uranium dont les prix ont connu des hausses spectaculaires, et pour cause, l’uranium nigérien ne sortait pas. On aura compris qu’on nous mentait et que notre uranium avait bien plus que la place qu’on lui donnait officiellement et que le Philosophe déchu, jouant certainement pour la France, pouvait défendre pour prétendre, devant des étudiants de Zinder qu’il croyait crédules, que plus que l’uranium, c’est Google qui ferait aujourd’hui dans le monde la force des économies. Personne n’avait cru à cette révélation tonitruante.
Mais, revenant, la France ne peut plus avoir la même place. Pour certains extrémistes, elle ne pourrait même pas venir, car elle ne peut jamais accepter de revenir dans le pays sous des conditions humiliantes, elle qui avait l’habitude de tout dicter aux dirigeants qu’elle croit être ses valets.
Mairiga (Le Courrier)