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Gouvernance économique, sociopolitique et sécuritaire L’obligatoire devoir d’ingratitude du Président Bazoum vis-à-vis d’Issoufou Mahamadou

 Le 2 avril 2021, lorsque Bazoum Mohamed a prêté serment, sur le Saint Coran, de respecter et de faire respecter la Constitution, il était sans doute emporté par l’euphorie pour évaluer la complexité de sa mission. Il venait d’hériter d’un État économiquement exsangue, politiquement étranglé et dynamité au plan sécuritaire. Un pays surtout englué dans une corruption endémique où des individus, parfaitement identifiés, sont impliqués dans des détournements de plusieurs milliards de francs CFA mais qui sont protégés au sommet de l’État si bien que le phénomène est devenu le jeu favori des gouvernants. Les scandales ne se comptent plus et il serait sans doute hasardeux de vouloir évaluer ce que cela a coûté à l’État. Bazoum Mohamed, qui a certainement pris la mesure des enjeux pour le Niger, a bien promis, déjà dans son discours d’investiture, de mener une lutte sans merci contre la corruption, mais a vite abdiqué face à la férocité du combat qui lui a été opposé par les siens.

Aujourd’hui confronté à d’extrêmes difficultés financières, le pays faisant face à une multitude d’échéances de dettes qui plombent ses capacités d’investissement, le Niger de Bazoum Mohamed semble condamné à vivre dans un développement exponentiel de la dette publique. Si elle n’est pas aussi élevée que celle d’autres pays de la sous-région, elle est toutefois assez alarmante au regard des ressources disponibles. Une situation à terme asphyxiante, les secteurs sociaux de base étant en train de péricliter. L’éducation, l’eau et la santé sont devenues problématiques. De récentes images d’une visite du ministre de l’Enseignement professionnel dans un des centres de formation ont été virales sur les réseaux sociaux, les apprenants étant sous un hangar mal famé. L’argent public va ailleurs, dans des comptes bancaires de gouvernants qui ne soucient guère du sort des populations.

Au plan sociopolitique, Bazoum Mohamed a hérité d’un pays profondément divisé entre un peuple qui peut se permettre tous les délits et crimes dans l’impunité totale et un autre, exposé à tous les risques et susceptible de se retrouver en prison pour un oui ou pour un non. En 11 ans, l’opposition n’a jamais gagné le moindre contentieux. Les divergences internes au sein des partis politiques d’opposition finissent inéluctablement par une crise entretenue grâce à des coups de pouce d’une certaine justice dont la mission est de soutenir l’aile qui fait le jeu du pouvoir. La fracture est énorme. Bazoum Mohamed, un acteur-clé du régime, en sait plus que n’importe qui.

Quant à la question sécuritaire, il n’y a pas lieu de faire un grand commentaire. En quelques années, le Niger a perdu des milliers d’enfants, civils et militaires et de larges pans de son territoire sont sous soumis à la loi de la terreur des terroristes. Ils y prennent la dime, tuent les hommes, incendient les greniers et emportent les troupeaux. S’il a visiblement échoué à mener la lutte contre la corruption, le Président Bazoum Mohamed a, en revanche, marqué des points, récemment, sur le registre sécuritaire. Il a décidé de doter les forces armées nationales de moyens de guerre modernes, engagement qu’il a récemment matérialisé au cours d’un séjour en Turquie auprès de qui l’État nigérien a déjà passé commande d’avions et d’hélicoptères de combat, de drones de reconnaissance, de véhicules blindés, etc.

Cette option du Président Bazoum au plan sécuritaire marque-t-elle un tournant décisif dans sa gouvernance ? Certains le pensent, indiquant que si tel est le cas, il doit rapidement passer à la vitesse supérieure en remettant au goût du jour la lutte, entravée, contre la corruption. S’il gagne ce combat, il aura les clés de toutes les autres chapes de plomb, notamment la crise politique qu’il lui faut nécessairement désamorcer. En un mot, indique un observateur averti, le Président Bazoum n’a pas d’autre alternative que de faire preuve d’ingratitude vis-à-vis de son mentor et prédécesseur. L’enjeu, ditil, c’est le Niger. Cependant, le président nigérien, qui revendique sans cesse sa fidélité à Issoufou Mahamadou, serait-il capable d’un tel sursaut ? Rien n’est moins sûr.

Laboukoye