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Gouvernance acte III :  La fin du sursis ?

Bazoum Mohamed, le nouveau président sorti d’élections controversées, dirige le pays depuis quatre mois. Certains de ces gestes, faits d’élégance et de hauteur, avaient charmé au point où, presque de partout dans le pays, l’homme est applaudi mais non sans que cela n’hérisse certains milieux de son parti, agacés par tant de fleurs que des Nigériens, y compris des adversaires, peuvent lui jeter, ne pouvant comprendre que leur champion, appartenant désormais à l’Histoire, n’ait pas eu les mêmes lauriers. On ne récolte que ce qu’on a semé…

Bazoum Mohamed depuis tant de semaines, a fait rêver les Nigériens d’une gouvernance différente et meilleure, mais connaissant l’homme et ses complicités avec celui qui est parti – mais presque sans être parti – certains observateurs doutaient déjà de sa parole. Peut-être, n’ont-ils pas tort. Mais le peuple charmé commence à déchanter.

Sortir de la torpeur…

Depuis des jours que la bourrasque de l’offensive de charme du nouveau magistrat est passée, les Nigériens se froissent les yeux, regardent plus lucidement la conduite des affaires publiques et notamment d’une certaine volonté annoncée de lutter contre l’impunité pour rendre justice au peuple dont les biens, d’une manière jamais égalée dans l’histoire, ont été spoliés par des socialistes pour lesquels le pouvoir, à défaut d’avoir boutique pour faire des affaires, est devenu un raccourcis pour s’enrichir. Ainsi, le Niger devenait une vache laitière aux mains des camarades, avides d’argent et de prestige.

Comment une camarilla voleuse, peut-elle, pour son seul confort et pour celui du clan, faire main basse sur tout un pays géré comme un bien hérité, sur les deniers publics, rentrant au trésor national comme dans la caverne d’Ali Baba, pour puiser à leur guise et remplir leurs gibecières gloutonnes insatiables. Est-il moral que, se servant du pouvoir, l’on veuille arracher tous les domaines, qu’ils soient privés ou du domaine de l’Etat pour étendre l’empire de ceux qui ont pillé le pays dans l’espoir de s’imposer politique par leur puissance économique récente et douteuse. Et les Nigériens se demandent bien à qui peuvent appartenir tant de ces immeubles, de ces espaces vastes clôturés, ces hôtels qui fleurissent dans la capitale. Pour les Nigériens, il est important qu’ils mettent des visages sur tous ces « patrimoines sans visages » qui surprennent et offusquent dans un pays où la pauvreté est endémique, dans un pays classé dernier pendant dix années de gouvernance socialiste. Des socialistes se sont ainsi enrichis en ruinant l’Etat, en appauvrissant le pays. Ce vaste crime, peut-il être protégé pour laisser impunis ceux qui ont joué avec les deniers publics. Peut-on par exemple communier avec une armée sans lui rendre justice  ? Est-il moral que par la politique, des hommes et des femmes s’enrichissent avec tant d’ostentation ? Bazoum Mohamed, peut-il, même après avoir dit au campus devant les étudiants, et pour des raisons électorales afin de plaire au camp qui le soutient, continuer à dire que le crime serait soutenable, et que le MDN-Gate n’aurait pas les proportions qu’on lui prête. Peut-on, même pour l’aspect moral de ce crime, quand des familles, n’ont pas encore fini de pleurer leurs enfants, quand des épouses et des enfants ne voient plus le doux sourire du mari et du père, tenir de tels propos qui blessent les consciences endeuillées ? La réconciliation avec l’armée, se fera avec cette justice attendue de ce dossier emblématique qui a heurté l’ensemble des Nigériens. Peut-il se souvenir que son camarade, le sage Katambé, alors ministre de la Défense, en révélant la monstruosité du crime, a failli avoir des larmes, tant le crime était ignoble, indéfendable ?

Non, c’est trop, c’est exagéré et tous les Nigériens épris de justice ne peuvent accepter que tant de fautes restent impunies. On ne peut que rappeler opportunément, les propos du ministre de l’Enseignement supérieur, Phd. Mamoudou Djibo qui, fier des dispositions prises pour sécuriser la session en cours du baccalauréat, pouvait, non sans orgueil, dire qu’ils veulent mettre fin aux fraudes aux examens pour ne pas produire des « voleurs ». Le problème du Niger du point de vue de la morale sociale et politique est un chantier immense qui requiert de l’abnégation et de la volonté politique réelle.

Une lutte vaste…

Cette lutte, pour ne pas créer des voleurs comme le dit le ministre, va au-delà de l’école même si l’école reste le creuset où doivent être inculquées les valeurs que nous voulons que nos enfants portent. Comment peut-on assainir l’école quand ceux qui gouvernent ne peuvent procéder par la pédagogie de l’exemple en promouvant, sur le champ politique la bonne gouvernance et les valeurs qui nous distinguent ? Ceux qui volent des élections, trafiquent des urnes, volent une victoire, vole l’argent public, peuvent-ils convaincre qu’ils ont conscience du mal de telles pratiques pour le pays et pour sa réputation, et pouvoir pousser à s’en débarrasser ? Lorsque le voleur est vanté, envié et adulé, lorsqu’il fait étalage et ostentation de sa fortune pour s’en flatter, lorsqu’on ne peut plus punir la faute dans un pays, peut-on justifier qu’il est pertinent de combattre ces vices qui s’enracinent dans nos moeurs par la faute d’un socialisme avarié ? Il est franchement temps que nous nous regardions pour voir à quel nous sommes devenus si laids à devenir méconnaissables. Plus aucune valeur, dans le pays, n’est à sa place. Lorsque le voleur est adulé, lorsque le méchant est loué, lorsque tout le monde ne cherche que la facilité pour parvenir, pouvons-nous avoir raison de dire que nous voulons combattre ces maux qui gangrènent notre société ? Aujourd’hui tout le monde veut voler parce qu’on a appris à tous pendant dix années que c’est ça le pouvoir : profiter autant qu’on le peut. Et l’on a créé des envieux. Personne ne peut plus se souvenir que le pouvoir c’est le sacrifice, le don de soi. C’est surtout et plus simplement servir.

Il y a urgence à agir pour arrêter la descente aux enfers. Ce pays mérite mieux que ce que le socialisme lui fait vivre. Tant qu’on ne sanctionnera pas, l’impunité va continuer à prospérer, et les vices avec. Mais alors pourquoi la renaissance acte III qui donnait pourtant des gages, hésite-t-elle à agir ? Faut-il croire qu’en laissant tant ces hommes et femmes qui ont mal gouverné ou qui ont volé, aller devant le juge, le système sur lequel s’est construit son pouvoir pourrait s’effondrer et qu’il n’aurait aucun intérêt à combattre le vol, la concussion, le pillage, les détournements alors même qu’à chaque intervention, il ne cesse de rappeler sa volonté de se dresser contre tant de fléau ? C’est sans doute un chantage auquel il ne pourra pas résista tant la peur de perdre le pouvoir est forte. Le nouveau magistrat veut plaire en même temps à son camp et aux autres Nigériens qui l’appellent à gouverner différemment. Or, ces deux tendances ne sont pas conciliables. Forcément, il n’y a que deux choix à faire : où, ainsi qu’il le prétend, il donne les coudées franches à la Justice du pays pour faire la lumière sur tous les crimes ou il cède aux pressions de son camp et le pays retombe dans les mêmes tensions. Et depuis des jours, l’on se demande si la parole donnée pourrait encore être fiable.

Bluffeur… ?

Certains observateurs l’ont déjà dit : les actes posés par Bazoum Mohamed ne relèvent que d’une offensive de charme pour se faire quelque place au sein d’une opinion nationale qu’un débat a poussé à douter de sa « présidentialité » et peut-être comme le dit l’Opposition dans sa dernière déclaration, pour tenter de légitimer un pouvoir en sursis qui cherche à retrouver le peuple. On comprend que même lorsqu’elle est restée peu bavarde, cette opposition se méfie de ce pouvoir et de ses gestes d’apaisement qui ne l’ont d’ailleurs pas concernée jusqu’ici, toute chose qui laisse croire, que l’homme qui vient et celui qui est parti, ne devraient pas être très différents, en tout selon certains observateurs, dans leur conception du pouvoir et surtout de la relation politique qu’ils doivent avoir avec leurs adversaires politiques ?

Il ne faut pas rêver…

Toutes les transformations que l’on a connues dans l’histoire ne se sont pas faites dans la facilité ; elles se sont faites dans la douleur. Il a fallu aux peuples de consentir le sacrifice, de se débarrasser de leurs peurs pour affronter leur destin. Or, l’on a comme l’impression qu’au Niger, par nos lâchetés, et nos hypocrisies, nous n’avons jamais pu être capables de prendre notre destin en main. Et les Nigériens attendent toujours le messie, si ce n’est le grand justicier qui, par la force de ses bras et par son courage, devrait venir le délivrer. Aussi, tant que nous n’aurons pas le courage d’affronter nos montres qui s’appelle ethnicisme, régionalisme, clanisme, tribalisme, la propension à la facilité, nous ne pourrions jamais conjurer le malheur qui nous frappe, car le messie, comme Godot, ne viendra jamais. Comptons sur nous-mêmes, sur notre capacité à nous battre, à être plus responsables face à l’histoire qui s’écrit plus avec des larmes, de la sueur, du sang, qu’avec de l’encre. Au Niger, nous avons appris à contourner nos problèmes, à manquer de courage pour les affronter et nous nous enlisons par nos hypocrisies pour ne pas reconnaitre la réalité des maux qui nous assaillent. Relevons la tête et soyons dignes de nous-mêmes. Bazoum ne doit pas faire trop attention aux faucons qui l’entourent et qui tentent de le prendre en otage. Son contrat devrait être avec les Nigériens, non avec une clique de bandits d’Etat. S’il tient à réussir…

Toutes les sociétés qui ont avancé ont eu le courage d’affronter leur destin, et de se battre, sacrifiant, leur sang, leur sueur, souvent leur vie. Tôt ou tard, les Nigériens finiront par comprendre qu’ils n’auront pas d’autres choix que la lutte.

Or, un peuple qui refuse de se battre, n’a pas de raison de se plaindre de son sort. Il l’aura mérité. Car parlant de messie, il n’y en a pas et il ne viendra jamais.

Ou le peuple s’assumer. Ou il subit.

Au peuple de choisir

Par Waz-ZA