Gestion pétrolière au Niger : Une Guerre de Clans entre Issoufou Mahamadou et Mohamed Bazoum
Gestion pétrolière au Niger La ‘’guerre des bandes’’ fait rage !
Depuis le 26 juillet 2023, l’on assiste, en permanence, à une sorte de ‘’guerre de bandes’’, comme on en voit dans certaines sociétés minées par la grande criminalité urbaine, entre, d’une part, l’entourage de Mohamed Bazoum, et d’autre part, ceux qui sont proches d’Issoufou Mahamadou. Les premières semaines de la chute du régime de Bazoum, l’on avait assisté à toutes sortes de déballages exécrables entre les deux milieux qui étaient devenus d’irréductibles ennemis l’un de l’autre. En effet, les partisans du président déchu, Mohamed Bazoum, demeurent convaincus qu’Issoufou Mahamadou n’est pas étranger aux événements du 26 juillet 2023, ou tout au moins, il n’y est pas, non plus, indifférent. Mais, dans le camp d’Issoufou Mahamadou, la riposte n’est pas d’affirmer le contraire, mais plutôt de présenter Mohamed Bazoum comme ‘’un traître’’, qui n’a fait que favoriser ses proches, lorsqu’il était à la tête de l’Etat.
Aujourd’hui, onze mois après les événements du 26 juillet 2023, les choses commencent à s’éclaircir, à se préciser nettement dans les causes de la tragédie survenue au régime de la 7ème République.
‘’Le syndrome du pétrole’’ dans la tragédie Issoufou/ Bazoum
Selon une légende courante répandue, la découverte et l’exploitation des ressources minières du sous/sol seraient frappées d’une malédiction originelle. En effet, on attribue ces richesses du sous/sol à un certain personnage biblique et coranique, appelé Nemrouz, dans l’Egypte antique, qui fut maudit par le Dieu monothéiste avec toute son incroyable fortune engloutie par la Terre ! C’est pourquoi, souvent, l’exploitation de ces ressources minières dans certains pays ont conduit à des drames humains, comme les guerres civiles. Au Niger, l’exploitation de l’or noir, ces douze dernières années, a radicalement changé les rapports sociopolitiques nationaux, du fait sans doute des convoitises aiguës inhérentes à cette activité.
C’est le régime de la renaissance d’Issoufou Mahamadou qui a eu le privilège et l’occasion de lancer cette activité hautement lucrative. C’est ainsi , que le pétrole nigérien va se trouver aux mains du clan d’Issoufou Mahamadou qui plaçait ses proches aux postes-clé du secteur pétrolier national (Ministère du pétrole, SONIDEP, SORAZ, CNPC). Personne, au Niger, ne savait, en dehors d’Issoufou Mahamadou et son clan, où allaient véritablement les retombées pétrolières nationales, car, en dépit des ressources financières importantes générées par l’exploitation pétrolière dans le pays, le Niger avait continué à occuper la queue de peloton de dernier pays de la planète. Bien au contraire, dans cette période, l’Etat du Niger s’était même lourdement endetté en hypothéquant une bonne partie des productions pétrolières futures. Le pétrole du Niger semblait être la propriété exclusive d’Issoufou Mahamadou et de son clan. Cependant, avec l’arrivée de Mohamed Bazoum au pouvoir, en avril 2021, la situation va changer fondamentalement. Peu à peu, Bazoum va essayer de desserrer l’étreinte du clan Issoufou Mahamadou autour de l’exploitation pétrolière.
La SONIDEP tomba ainsi dans l’escarcelle de Bazoum avec la nomination au poste de DG d’Ibrahim Mamane, un ami d’enfance de Bazoum, ce qui n’avait pas été du goût du stratège de Dandadji qui vouait une rancune mortelle au nouveau patron de la SONIDEP pour des antécédents remontant à la gestion du projet électrique de Sakadamna, lorsque ce projet avait comme coordonnateur Ibrahim Mamane. Le crime de lèse-majesté d’Ibrahim Mamane aurait été, semble-t-il, d’avoir dit non au Président Issoufou pour l’attribution de certains marchés publics lancés par le Projet et remportés par des entreprises chinoises qui n’auraient pas les faveurs du pouvoir de l’époque. Depuis lors, Ibrahim Mamane était mis au banc par Issoufou Mahamadou. Il serait même sur la première liste de projet de gouvernement de Bazoum, au poste de Ministre du pétrole, mais son nom aurait été barré Issoufou Mahamadou. C’était donc un personnage mal en point avec Issoufou Mahamadou que Bazoum avait nommé comme DG de la SONIDEP, les intentions de l’enfant de Tesker étant one peut plus claires et nettes : contrôler la gestion pétrolière. Avec Ibrahim Mamane, plus de mainmise du clan d’Issoufou Mahamadou sur la commercialisation du pétrole nigérien. Au Ministère du pétrole où trônait, jadis, un certain Mahamane Sani Issoufou Mahamadou, alias Abba, le fils de qui vous savez, les choses ne se passaient pas bien entre lui et le Président Bazoum. En réalité, l’idée de la création de Pétroniger provenait du clan d’Issoufou Mahamadou, précisément du Ministère du pétrole, qui visait, en quelque sorte, à contourner la SONIDEP aux mains d’Ibrahim Mamane dans la commercialisation du pétrole brut qui serait acheminé par pipeline d’Agadem à Sèmè Kpodji (Cotonou). Mais, lorsque le Président Bazoum avait découvert ledit projet de nouvelle société, il se l’était approprié et envisageait d’y nommer Ibrahim Mamane. Ce fut-là, sans doute, le début des hostilités entre les deux clans dont l’on avait pu suivre, en leur temps, quelques séquences violentes dans certains médias et sur les réseaux sociaux de la place. L’évolution ultérieure de la situation sociopolitique du pays va montrer que le pétrole, du moins, le contrôle de son exploitation, est l’un des facteurs importants de la détérioration des relations entre Bazoum et Issoufou Mahamadou. Ainsi, ces jours-ci, après quelques mois de silence assourdissant, les hostilités semblent avoir repris avec la publication, la semaine écoulée, d’un article dans le célèbre quotidien français, ‘’Libération’’, relatif à certains contrats pétroliers dont aurait bénéficié Ibrahim Salah, neveu de Bazoum, lorsque celui-ci était président de la république. Les contrats pétroliers en question concernaient l’exploitation du brut d’Agadem acheminé par pipeline sur Cotonou et suggéraient que le président Patrice Talon du Bénin s’accorde à donner au protégé de Bazoum des sous-contrats au titre de la raffinerie que le dirigeant béninois s’apprêtait à construire au Bénin. Lesdits contrats auraient été signés en mai 2023, juste deux mois avant la chute de Bazoum. Il s’agissait de plusieurs dizaines de milliards dans ces contrats.
Et tout cela se passait sous l’oeil d’Abba Issoufou, Ministre du pétrole de l’époque, dont les desseins pétroliers commençaient à être contrariés par le clan de Bazoum.
Voilà comment le ‘’syndrome du pétrole’’ avait fini par détruire une longue amitié entre Issoufou Mahamadou et Mohamed Bazoum.
Au finish, les deux bandes sortent perdantes de la guéguerre La fin de l’histoire entre Issoufou Mahamadou et Mohamed Bazoum ressemble, trait pour trait, au scénario d’un polar américain paru en 1969, qui mettait en scène une affaire de détournement d’un fourgon d’argent par des bandits. Une fois hors de danger, les différents protagonistes se mirent à s’éliminer les uns les autres pour l’accaparement du butin. En fin de compte, il ne restait plus qu’un seul survivant parmi les bandits, et qui avait, au moment, des purges, réussi à enfouir le trésor quelque part dans le désert de l’Arizona. Malheureusement, lui aussi devint aveugle et ne pouvait plus se guider ou indiquer à quelqu’un le lieu secret de la cachette dorée.
Aujourd’hui, c’est une situation pareille qui survient dans l’histoire entre Issoufou Mahamadou et Mohamed Bazoum pour le contrôle du pétrole nigérien, puisqu’au finish, les deux camps opposés sortent perdants de cette guerre fratricide sur fond de vénalité. De nos jours, c’est bien le Cnsp du Général Tiani qui trône sur l’exploitation du pétrole brut nigérien, au grand dam de ces deux clans politiques du Pnds/Tarayya qui auront fini par s’autodétruire, non pas pour des divergences de vue politiques, mais bien pour des considérations rentières. Et c’est là le propre et le destin des relations mafieuses qui finissent toujours dans la douleur et le regret !
Par Ali Koma (Le Canard en furie)