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Gestion de la Transition : Face aux défis de l’heure, le CNSP ne se découvre-t-il pas ?

CNSP Niger 1Après un peu plus de huit mois au pouvoir, le Conseil national pour la sauvegarde de la patrie (CNSP) a de plus en plus de mal à convaincre. L’euphorie des premières heures du coup d’État est vite retombée, aussitôt que le premier défi, celui du départ des troupes françaises, a été relevé de haute lutte par le peuple nigérien, mobilisé comme jamais auparavant. Un sujet de préoccupation qui a dissipé momentanément la question de la justice à laquelle les Nigériens accordent la plus grande importance. Il n’y a pas d’ailleurs que la question de la justice sur laquelle ils ont dû fermer les yeux. Histoire d’accorder le bénéfice du doute aux officiers qui composent le CNSP, les Nigériens, avec pour têtes de proue les organisations de la société civile regroupées au sein du Front patriotique pour la sauvegarde de la patrie (FPSP), ont accepté de ne pas faire trop de chicane à propos de constats pourtant amers. Alors que les Nigériens ont attendu avec fébrilité la libération des prisonniers politiques, civils et militaires, du régime auquel il prétend avoir mis fin — des prisonniers politiques qui se compteraient par centaines, selon des sources — le CNSP les maintient en détention. Curieuse attitude tout de même de la part d’officiers de l’armée, arrivés eux-mêmes par coup d’Etat en renversant le pouvoir que leurs frères d’armes auraient tenté de renverser. Pour les mêmes raisons, dénoncées avec fracas par le général Abdourahamane Tiani, chef de corps de la garde présidentielle sous Issoufou, puis sous Bazoum et devenu le nouveau chef de l’État militaire. Ces griefs retenus contre le régime, le général Tiani les martèlera à volonté, assortis de promesses fermes de loyauté vis-à-vis du peuple nigérien, histoire sans doute de s’aliéner la confiance de ses compatriotes et rassurer quant aux desseins du Cnsp. « Si je trahis les aspirations de mes compatriotes, que Dieu me le fasse payer ! », a-t-il déclaré lors d’un entretien avec Télé- Sahel. Dans une société nigérienne très croyante, cela n’a pas manqué de faire mouche. Le serment a emporté la réticence des plus sceptiques et conforté la base de confiance dont jouit le CNSP depuis le 26 juillet 2023, malgré par ailleurs la persistance de signaux sujets à caution.

Des signaux sujets à caution, il y en a pourtant. Outre la non-libération des prisonniers politiques réclamée avec insistance par de nombreuses voix, le CNSP a maintenu un nombre impressionnant de cadres du Pnds Tarayya à leurs postes de responsabilité dans l’administration publique. Certains ont même eu la chance inouïe d’être confirmés à leurs postes prestigieux à travers des nominations qui ont fait jaser. Le Front patriotique l’a d’ailleurs dénoncé en relevant que, dans ce lot de fonctionnaires nommés par le Cnsp, il y en avait qui avaient ouvertement milité pour une intervention armée contre Niamey.

L’espoir d’une reddition des comptes des acteurs de la 7e République s’estompe au fil du temps

Dans sa toute première déclaration publique, le général Tiani avait avancé deux raisons essentielles qui fondent leur intervention le 26 juillet 2023 : d’une part, le développement exponentiel du terrorisme qui menaçait la survie du Niger et la mauvaise gouvernance, faite de corruption et de détournements des deniers publics, qui a saigné l’État. Or, malgré ces dénonciations qui ont donné aux Nigériens l’espoir d’une reddition des comptes des acteurs de la 7e République, avec tout ce que cela représente de scandales financiers, le CNSP ne mettra aucun empressement à poser les actes qui rassurent. Objet d’une gestion opaque et patrimoniale par Issoufou Mahamadou, Foumakoye Gado, son homme-lige et Sani Issoufou dit Abba, son fils, le pétrole n’a toujours pas fait l’objet d’un audit. Un manquement grave de la part du CNSP qui, par cette attitude, assume pratiquement la responsabilité de l’omerta qui a régné sous Issoufou Mahamadou, puis sous Bazoum Mohamed. Pourquoi ? Pour un nombre de plus en plus grand de Nigériens, la justice est le tendon d’Achille du CNSP, ce qui contribue à rogner graduellement la crédibilité et la confiance dont il jouit auprès du peuple nigérien. La gestion du pétrole est pourtant corrélée à une sombre affaire de 1000 milliards de francs Cfa, un prêt contracté par Issoufou Mahamadou auprès d’Eximbank de Chine à l’insu de l’Assemblée nationale dont il était constitutionnellement tenu de solliciter d’abord l’autorisation préalable.

Aujourd’hui, après plus de huit mois d’exercice du pouvoir, les Nigériens sont désabusés. Ils sont plus proches de la déception que de l’assurance. En dehors d’une reddition des comptes qui ne semble pas préoccuper le CNSP, mais qui est pourtant l’unique voie pour servir de leçon et de boussole pour demain, ils ne croient pas beaucoup en une refondation de la gouvernance. Les voix, de plus en plus nombreuses, qui interpellant le CNSP sur le respect du serment de son président, sont l’expression d’un malaise social qui s’amplifie de jour en jour sans que le CNSP s’avise de corriger son tir.

Laboukoye (Le Courrier)