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Femmes du Niger : piliers de la famille, de l’économie et du développement – 08 mars, Journée internationale des droits des femmes

Femmes Niger - 08 marsPrésentes dans tous les foyers et communautés, les Nigériennes assument des responsabilités cruciales dans la famille, l’agriculture, le commerce informel et la transmission culturelle.
Les femmes nigériennes font preuve de résilience et s’illustrent de plus en plus dans divers domaines – politique, économie, culture, éducation – contribuant ainsi au développement de la nation. Cet article dresse un panorama du rôle des Nigériennes dans la société, des défis qu’elles relèvent, de leurs réussites notables et des initiatives entreprises pour améliorer leur condition, avec des exemples de figures féminines emblématiques qui portent ce changement.

Rôle social et économique des femmes
Les femmes nigériennes sont souvent considérées comme le pilier de la famille et de la communauté. En milieu rural notamment, elles assurent la majeure partie des tâches domestiques et agricoles : travaux des champs, approvisionnement en eau et en bois, élevage et commerce sur les marchés locaux. Cette contribution se reflète dans le taux d’activité élevé des femmes, qui représentent environ 60 à 70 % de la force de travail du pays​.
Pourtant, la majorité de ce travail reste informel et peu rémunéré, ce qui les rend économiquement vulnérables. Au sein du foyer, la femme nigérienne est la principale pourvoyeuse de soins aux enfants et joue un rôle central dans la transmission des valeurs culturelles et linguistiques aux nouvelles générations.

En dépit de cette importance socio-économique, les Nigériennes ont longtemps été tenues à l’écart des instances de décision aussi bien familiales que publiques. Les normes traditionnelles – souvent patrilinéaires et ancrées dans un fort respect de l’autorité masculine – confèrent aux hommes la primauté dans la prise de décision, ce qui limite l’influence formelle des femmes. Néanmoins, celles-ci exercent une influence informelle significative en tant qu’éducatrices des enfants et agentes de paix au sein des communautés (rôle de médiation dans les conflits familiaux, gestion de la cohésion sociale, etc.). En outre, les femmes ont développé de solides réseaux de solidarité (associations féminines, coopératives) pour soutenir les veuves, les mères célibataires ou entreprendre des activités génératrices de revenus. Le leadership communautaire féminin s’exprime par exemple à travers des groupements de femmes qui se mobilisent pour des projets locaux (jardins maraîchers, micro-crédit, santé maternelle), témoignant de leur capacité à impulser des changements au quotidien malgré un cadre peu favorable.

Défis et inégalités persistantes
Malgré leur rôle essentiel, les femmes nigériennes font face à de nombreux défis entravant leur épanouissement. L’un des plus préoccupants est le mariage précoce.  
Ces unions précoces, souvent dues aux traditions, mettent fin à l’enfance des filles et compromettent leur scolarité. Elles entraînent des grossesses précoces qui exposent les jeunes mères à de graves risques de santé.

Un autre défi majeur réside dans la faible scolarisation des filles et des femmes. Bien que des progrès soient observés ces dernières années, le taux d’alphabétisation féminin demeure bas. Seulement environ 30 % des femmes adultes sont alphabétisées​, et la proportion de femmes ayant suivi des études secondaires ou supérieures reste infime. En 2017, à peine 20 % des filles étaient scolarisées dans le secondaire, contre 27 % des garçons​.
Moins de 3 % des Nigériennes atteignent l’enseignement supérieur​.

 Les raisons de cet écart éducatif tiennent notamment aux mariages précoces et aux grossesses adolescentes, qui forcent les jeunes filles à abandonner l’école. De plus, les tâches domestiques sont souvent prioritaires pour les filles, surtout en zone rurale, ce qui réduit le temps disponible pour étudier. Conséquence de cette éducation limitée, peu de femmes accèdent aux emplois formels ou qualifiés, ce qui freine leur autonomie financière.

Les Nigériennes subissent également des violences basées sur le genre largement répandues. Les cas de mariages forcés, de violences conjugales ou d’agressions sexuelles sont nombreux, et la réponse judiciaire reste souvent insuffisante. Le phénomène est si ancré que certaines femmes considèrent comme « normal » d’être victimes de violence domestique, reflétant l’emprise de coutumes patriarcales difficiles à ébranler​

Participation politique et leadership féminin
Pendant des décennies, la présence des femmes nigériennes dans la sphère politique est restée très réduite. Nulle Nigérienne n’a encore accédé aux fonctions suprêmes de chef d’État ou de gouvernement, et leur représentation parlementaire a longtemps stagné à un niveau faible. Pour remédier à cet écart, une loi sur le quota a été instaurée, exigeant qu’au minimum 10 % des postes électifs et 25 % des postes nominatifs (fonctions appointées) soient occupés par des femmes​. Cette mesure de discrimination positive a permis une progression du nombre d’élues, même si le seuil minimal n’est pas toujours atteint dans les faits​.
À la fin des années 2010, les femmes occupaient ainsi environ 15 % des sièges à l’Assemblée nationale​.
Ce chiffre, encore modeste, marque néanmoins une avancée par rapport aux décennies précédentes où la voix féminine était quasi absente des instances décisionnelles.
Plusieurs figures emblématiques ont pavé la voie du leadership féminin au Niger. Aïchatou Mindaoudou est l’une d’elles : juriste de formation et militante de la première heure, elle a occupé le prestigieux poste de ministre des Affaires étrangères pendant plus de dix ans (1999-2010) – un record de longévité à la tête de ce ministère stratégique​.
Appréciée pour sa discrétion et son efficacité, cette « dame de fer » nigérienne a ensuite poursuivi une carrière internationale au service de la paix (notamment comme représentante spéciale de l’ONU). Une autre pionnière, Aïchatou Boulama Kané, s’est illustrée dès 1991 en organisant la marche historique des femmes nigériennes lors de la Conférence Nationale. Aux côtés d’autres militantes, elle protestait contre la faible représentation féminine dans ce processus de transition démocratique​.
Ce mouvement a abouti à la création de la Journée nationale de la femme nigérienne, célébrée chaque 13 mai en hommage au combat de ces femmes​

Par la suite, Aïchatou Boulama Kané a occupé divers postes ministériels et diplomatiques, demeurant une fervente promotrice de l’accès des femmes aux responsabilités. On peut également Elback Zeinabou Tari Bako, présidente de la Haute Cour de Justice, qui incarnent la montée en puissance des femmes dans les hautes sphères de l’État. Si ces exemples restent minoritaires, ils constituent des modèles inspirants pour la jeune génération et témoignent du potentiel des femmes à diriger au plus haut niveau.

Contributions économiques et initiatives d’autonomisation
Dans le domaine économique, les femmes nigériennes ont traditionnellement opéré dans l’ombre du secteur informel, mais plusieurs réussites notables attestent de leur capacité à innover et à entreprendre. Longtemps cantonnées aux petits commerces de marché et à l’artisanat, certaines ont brisé le plafond de verre pour accéder à des postes de direction ou créer des entreprises prospères.

On se souvient qu’en 1997, Mme Idrissa Zeinabou Yabo est devenue la première femme nommée directrice générale de la douane nigérienne – un poste-clé qualifié de « poumon essentiel de l’économie » du pays. À seulement 42 ans, elle avait la lourde tâche de motiver et de manager un secteur jusqu’alors dirigé exclusivement par des hommes. Sa nomination a marqué les esprits, prouvant que les femmes peuvent exceller même dans les domaines perçus comme les plus masculins.

De même, dans le secteur privé, des femmes d’affaires dynamiques tracent leur chemin. C’est le cas de Zeinabou Maidah Mamoudou, fondatrice de la société Niger-Lait spécialisée dans les produits laitiers. En lançant cette entreprise agroalimentaire, elle a contribué à valoriser les produits locaux, à créer des emplois et à offrir sur le marché un aliment à haute valeur nutritionnelle pour la population.

Réki Djermakoye, quant à elle, est la fondatrice de 2MI S.A. et du Centre de Promotion de l’Entrepreneuriat des Femmes et des Jeunes « 2M INVEST ». À travers ces initiatives, elle accompagne les projets des jeunes et des femmes, favorise l’entrepreneuriat et contribue activement au développement économique du Niger.

Ces succès entrepreneuriaux démontrent qu’avec du soutien et de la persévérance, les Nigériennes peuvent jouer un rôle clé dans la croissance économique du pays.

D’autres initiatives visent à autonomiser économiquement les femmes à plus large échelle. Le gouvernement et ses partenaires encouragent par exemple les programmes de microfinance ciblant les groupements féminins, afin de financer de petites activités génératrices de revenus (transformation de produits agricoles, artisanat, commerce). Dans plusieurs régions, des centres de formation professionnelle accueillent des jeunes femmes pour les former à des métiers divers (couture, informatique, gestion commerciale), élargissant ainsi leurs perspectives d’emploi au-delà de l’agriculture de subsistance. Des évènements économiques dédiés aux femmes ont également vu le jour, telle le Salon International de l’Artisanat pour la Femme (SAFEM) qui, depuis le début des années 2000, promeut le savoir-faire artisanal féminin et facilite l’écoulement des produits. Ce salon, coordonné à ses débuts par Aïchatou Boulama Kané, a permis à des milliers d’artisanes nigériennes d’exposer leurs œuvres et de nouer des contacts commerciaux, renforçant leur visibilité et leurs revenus.

Éducation, culture et influence sociétale
L'éducation des filles est considérée comme un levier crucial pour améliorer la condition féminine au Niger, et des progrès sont en cours dans ce domaine. Conscient du fait que les grossesses précoces et les mariages d'adolescentes compromettent la scolarité, l'État a pris en 2019 une mesure inédite pour protéger le droit à l'éducation des jeunes mères. Une ordonnance gouvernementale impose désormais aux établissements scolaires d'autoriser les filles mariées ou enceintes à poursuivre leur scolarité et à reprendre les cours après leur accouchement.​

Pour renforcer davantage la scolarisation des jeunes filles, notamment en milieu rural, le gouvernement nigérien a initié la construction d'internats dédiés. Ces structures offrent un environnement sécurisé et propice à l'apprentissage, éloignant les élèves des risques liés aux longues distances à parcourir pour se rendre à l'école, ainsi que des mariages et grossesses précoces. Le premier internat pilote, inauguré en août 2021 à Kellé dans la région de Zinder, a accueilli 129 filles en classe de sixième lors de sa première année de fonctionnement, sans enregistrer aucun abandon scolaire. ​

Fort de ce succès, le gouvernement prévoit la construction progressive de 100 internats d'ici 2026, chacun ayant une capacité d'accueil variant entre 250 et 350 places.

Ces initiatives illustrent la volonté des autorités nigériennes de promouvoir l'éducation des filles, en leur offrant des conditions favorables pour poursuivre leurs études et ainsi contribuer au développement socio-économique du pays.

Sur le plan culturel, les femmes du Niger occupent une place de choix dans la préservation des traditions tout en étant moteurs de créativité. Dans les foyers, ce sont souvent elles qui transmettent la langue, les contes et savoir-faire artisanaux (tissage, poterie, cuisine) aux enfants, jouant un rôle de gardiennes du patrimoine immatériel.

Plusieurs Nigériennes se sont distinguées dans le domaine artistique, mettant en lumière la culture du pays au-delà de ses frontières. On pense notamment à Hamsou Garba (1958-2022), surnommée la diva de la chanson nigérienne, qui a enchanté des générations avec sa musique tradi-moderne et ses danses énergiques. Chantant aussi bien en hausa qu’en zarma, cette artiste emblématique a contribué à valoriser les rythmes et thèmes nigériens.

Le groupe Sogha, quant à lui, a marqué l’univers musical nigérien en modernisant la musique traditionnelle tout en valorisant les langues et sonorités locales. Ces trois chanteuses ont su conquérir le public grâce à leur style unique. Leurs chansons, portées par des voix puissantes et harmonieuses, abordent des thématiques variées, allant de l’amour à la société, en passant par la culture et l’identité nigérienne. Elles ont également contribué à valoriser les rythmes et thèmes nigériens sur la scène internationale.

Dans le cinéma et la littérature, des femmes émergent également : la réalisatrice Rahmatou Keïta a ainsi réalisé des films primés qui explorent l’identité sahélienne, et des écrivaines comme Hadiza Manga ou Fatoumata Tidjani prennent la plume pour raconter des histoires de femmes, brisant les tabous. Leur succès reste encore confidentiel par rapport à d’autres pays, mais ouvre la voie à une plus grande reconnaissance des créatrices nigériennes.

La culture nigérienne, bien qu’empreinte de conservatisme, évolue au contact de ces nouvelles voix féminines. On assiste ainsi à une lente transformation des mentalités : les droits des femmes – à l’éducation, à la santé, à la participation publique – sont de plus en plus discutés dans l’espace public, et des hommes s’engagent aux côtés des femmes pour promouvoir l’égalité, signe que la cause n’est plus portée par les seules intéressées. La jeunesse nigérienne, en particulier, montre des signes d’ouverture, influencée par les médias et les réseaux sociaux où circulent les idées de justice de genre. C’est sur cette jeunesse que beaucoup d’espoirs reposent pour construire une société où filles et garçons auront les mêmes opportunités.

Initiatives et perspectives d’avenir
Conscientes des défis, les autorités nigériennes et la société civile ont multiplié les initiatives pour améliorer la condition féminine. Sur le plan juridique, le Niger a ratifié des textes internationaux comme la Convention pour l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) et adopté une Politique Nationale du Genre dès 2008 pour guider l’action gouvernementale en faveur des femmes​

Parallèlement, des projets socio-éducatifs ciblent l’autonomisation des femmes adultes. Des centres d’alphabétisation fonctionnelle enseignent à des milliers de femmes non scolarisées à lire, écrire et compter, compétences de base qui les aident ensuite à gérer un petit commerce ou à mieux connaître leurs droits. En matière de santé, des programmes ont formé des réseaux de « matrones » (sages-femmes communautaires) et de conseillères villageoises pour accompagner les femmes enceintes, promouvoir les consultations prénatales et les accouchements en clinique, afin de réduire la mortalité maternelle. L’accès à la contraception s’est légèrement amélioré grâce à des campagnes d’information et à la distribution gratuite de contraceptifs dans les centres de santé, donnant aux femmes plus de contrôle sur leur calendrier de maternité. Sur le front des violences faites aux femmes, des lignes d’écoute et des centres d’accueil ont été mis en place pour soutenir les victimes et les orienter juridiquement. Même si la couverture de ces services reste limitée aux zones urbaines, ils constituent une avancée notable dans la reconnaissance publique du problème des violences conjugales autrefois tues.

Enfin, il convient de souligner le rôle des figures féminines inspirantes dans l’évolution des mentalités. Les succès de femmes nigériennes, qu’ils soient politiques, économiques ou culturels, servent d’exemples positifs. Lorsqu’une Nigérienne excelle, c’est toutes les femmes du pays qui en retirent une fierté et une motivation supplémentaires. Comme le disait Aïchatou Mindaoudou, consciente d’être un modèle, « je mets la barre très haut, car un échec aurait des répercussions négatives sur l’ensemble des femmes. De même, si je réussis, cela aura des répercussions positives sur les femmes »​

Cet esprit de sororité fait écho dans la nouvelle génération de femmes leaders : ministres, entrepreneures, militantes ou scientifiques, elles s’entraident et plaident pour l’égalité des chances. Des réseaux de mentorat se créent entre diplômées et jeunes filles, et les médias mettent davantage en lumière les parcours de femmes qui réussissent, afin de changer les stéréotypes. L’espoir est qu’en voyant ces rôles modèles, les familles n’hésiteront plus à investir dans l’éducation de leurs filles et que les hommes eux-mêmes accepteront plus naturellement leurs collègues féminines dans des rôles de direction.

La femme nigérienne, longtemps confinée à l’arrière-plan, s’impose progressivement comme un acteur incontournable du progrès au Niger. En dépit d’obstacles tenaces – mariage d’enfants, analphabétisme, pauvreté et pesanteurs culturelles – elle fait preuve d’une résilience admirable et d’une détermination à améliorer son sort. Des champs de mil aux bancs de l’université, des marchés populaires aux ministères, les Nigériennes prouvent chaque jour qu’elles sont une force motrice pour leur pays. Leurs réussites en politique, dans les affaires, l’art ou l’action sociale ne bénéficient pas qu’à elles-mêmes : c’est toute la société nigérienne qui gagne à les voir s’épanouir. En libérant le potentiel de ses femmes, le Niger peut accélérer son développement et mieux faire face aux défis du XXIe siècle. Les initiatives en faveur de l’égalité déjà engagées doivent donc non seulement se poursuivre, mais s’amplifier. Il s’agit d’enraciner durablement le droit des filles à l’éducation, de garantir l’autonomie économique des femmes, de les protéger contre les violences et de promouvoir leur leadership à tous les niveaux. Les mentalités évoluent et les voix féminines nigériennes se font entendre de plus en plus clairement – qu’il s’agisse de revendiquer leurs droits ou de célébrer leur identité culturelle. L’histoire en marche montre qu’une société plus inclusive et équitable se construit pas à pas au Niger. Et comme l’illustrent tant de parcours de femmes nigériennes d’exception, lorsqu’elles ont les moyens de réussir, les femmes transforment positivement leur famille, leur communauté et, en fin de compte, leur nation tout entière.
Boubacar Guédé (Nigerdiaspora)