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Et si la Constitution de la VIIème République était rétablie ? : Abdourahamane Oumarou LY

Par définition, la rupture de processus démocratique, par le biais de coup d’état, suppose le recours à de moyens non constitutionnels, utilisant la force. L’illégalité et l’inconstitutionnalité du phénomène ne signifient pas subséquemment déni du droit, force de loi hors de la loi. Avec la suspension de l’ordre constitutionnel, ses auteurs s’efforcent de rassurer avant d’instaurer un nouveau cadre juridique de référence, même embryonnaire. Aussi, est-il affirmé, généralement, dès la première déclaration, l’attachement aux engagements internationaux régulièrement souscrits (voir communiqué No.1 du Conseil national pour la sauvegarde de la patrie) ; s’ensuit l’élaboration d’un Acte fondamental ou Charte de la transition (voir Ordonnance No 2023-02 du 28 juillet 2023 portant organisation des pouvoirs publics en période de transition).

Les nouvelles tendances observées ne se limitent pas à combler le vide constitutionnel par un texte spécifique à la transition ; bien plus, on assiste à un rétablissement de la Constitution en vigueur après suspension ou dissolution (cas du Burkina et du Mali). Tout est mis en œuvre afin de ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain car toute Constitution, aussi décriée soit elle, consacre des droits et libertés fondamentaux et définit les modalités de leur protection.

La Charte précitée, dispose clairement en son article 22 qu’elle a une valeur constitutionnelle ; elle se situe par conséquent au même niveau que la Constitution de la VIIème République. Dans ces conditions, pourquoi ne pas faire coexister les deux, et par conséquent envisager la réhabilitation de ladite Constitution (I) et la compléter par la Charte (II).

 

  • La réhabilitation de la Constitution de la VIIème République

 

Elle comporte des avantages indéniables :

  • Le principal :  

Consiste à éviter l’éternel recommencement à travers le juridisme sourcilleux et consacrer du temps à l’essentiel, à savoir les grandes orientations du développement économique et social. On constate que la plupart des institutions figurant dans la Charte de transition revient sous d’autres appellations (exemple des différentes Cours) ; il n’est donc pas évident que les ordonnances en voie d’adoption portant sur leurs missions et fonctionnement changent fondamentalement de ceux des juridictions dissoutes. Tout comme lors de la nomination, les magistrats actuellement en poste, compte tenu de leurs expérience et ancienneté seront dans leur écrasante majorité, les seuls à pourvoir y siéger.

Aussi, les plus hautes juridictions garderaient elles leur dénomination inchangée (Cour des comptes, Conseil d’État, Cour de cassation, Cour constitutionnelle). Cette dernière juridiction étant décriée, à tort ou à raison, sa composition serait soumise à discussion, même si par ailleurs les enjeux en période de transition demeurent moindres. 

Dans le même ordre d’idées, des institutions, comme le Conseil supérieur de la communication et la Commission nationale des droits humains, resteraient intactes. Le rôle de cette dernière en période de transition s’avère particulièrement cruciale. 

Il ne serait donc pas nécessaire de créer de nouvelles institutions sous les cendres de celles dissoutes juste pour la forme.

  • Les autres avantages : 
  • Comme, il a été dit précédemment, c’est d’abord la garantie de la panoplie des droits et libertés reconnus aux citoyens par la Constitution de la VIIème République.
  • La poursuite sans encombre du processus de décentralisation.

Ce point, extrêmement important, est de nature à rassurer les partenaires lesquels préféreraient continuer à travailler avec les élus locaux plutôt que les administrateurs délégués à la tête des communes. A cet égard, les collectivités décentralisées seraient conservées, et les autorités déconcentrées (préfets et gouverneurs) continueraient à exercer le contrôle de conformité en veillant à l’orthodoxie financière, administrative et foncière.

Un message radio du ministre de l’Intérieur en date du 18 août 2023 abonde dans le sens du maintien des organes des collectivités, pour l’instant.

Force est de reconnaître que la Constitution réhabilitée de la VIIème République serait incompatible, à bien des égards, avec un contexte de transition ; c’est pourquoi, elle devrait être complétée et modifiée par la Charte. 

 

  • La Charte de la transition

 

Après passage en revue la Constitution rétablie, la Charte de la transition contiendrait des dispositions, qui expurgeraient les institutions superflues (par exemple Haut représentant du président de la République), d’une part, énonceraient les grands principes, prévoiraient les institutions nouvelles, les rapports entre elles, d’autre part, notamment :

  • Le président du CNSP, chef de l’Etat ;
  • Le Conseil consultatif ou Assemblée législative de transition ;
  • La durée de la transition ;
  • La prestation de serment du chef de l’Etat ;
  • La présentation de la Déclaration de politique générale (ou ce qui en tient lieu) du premier ministre devant le conseil de transition ou le CNSP ;
  • La primauté de la Charte sur la Constitution, en cas de contrariété entre les deux. 

La question inévitable à se poser : pourquoi continuer encore à maintenir des personnels politiques en poste alors que le contexte a changé ? La réponse est toute simple : le risque n’est pas plus grand, pour les communes par exemple, que de nommer des nouveaux administrateurs délégués, sans expérience en matière de décentralisation, contrairement aux maires actuels, qui ont beaucoup capitalisé dans le domaine. Et puis, l’argument principal a trait au leadership. Selon une phrase attribuée au président Jacques Chirac, un « chef, c’est fait pour cheffer ». Si les nouveaux dirigeants donnent l’impulsion et montrent bien le chemin, la mauvaise gouvernance serait circonscrite. La peur du gendarme provoquerait une sorte d’autorégulation de toutes les activités menées.

En conclusion, la dimension peccamineuse du coup d’état n’empêche pas de saisir au mieux le droit, pour agir vite, au lieu de faire table rase de tout l’ordre ancien et le ramener sous une autre forme, presqu’à l’identique. N’est-ce pas là un élément de concession dans le cadre d’un dialogue avec les partenaires ?

Abdourahamane Oumarou LY

Contribution web.