Enquête dans le secteur des télécommunications au Niger : Les opérateurs privés pris la main dans le sac
Le secteur des télécommunications au Niger est actuellement au coeur d’un scandale de grande ampleur. Une enquête approfondie révèle que les principaux opérateurs privés du pays sont impliqués dans une fraude massive connue sous le nom de «Contournement des Appels Internationaux». Cette pratique illégale prive l’État nigérien de milliards de francs CFA chaque année, tout en compromettant la qualité des services offerts aux consommateurs et en créant une concurrence déloyale envers Niger Télécoms, l’opérateur public national.
La souveraineté en péril
Cette fraude va bien au-delà d’un simple enjeu économique ; elle touche au coeur même de la souveraineté du Niger. En contournant les systèmes de contrôle nationaux, les opérateurs privés s’arrogent le droit de gérer le trafic international sans supervision étatique, créant ainsi une faille béante dans la sécurité. des communications du pays.
Le mécanisme de la fraude
Au coeur de cette fraude, se trouve une technique sophistiquée appelée «CLI spoofing» ou manipulation de l’identifiant de l’appelant. Les opérateurs privés utilisent des dispositifs tels que les «simbox», les routes grises et les routes TDM pour faire passer des appels internationaux pour des appels locaux. Concrètement, lorsqu’un appel international arrive au Niger, il est intercepté et redirigé de manière à apparaître comme un appel local sur le réseau nigérien. Cette pratique permet aux opérateurs d’éviter de payer les taxes et tarifs internationaux légitimes, privant ainsi l’État de ressources cruciales.
L’ampleur du problème
Les données analysées montrent que cette pratique est systématique et répandue parmi les opérateurs privés. Sur une période de seulement dix jours en juin 2024, des milliers d’appels suspects ont été détectés. Tous les principaux opérateurs privés sont impliqués, bien qu’à des degrés divers. L’un d’entre eux semble être le plus gros contrevenant, avec des centaines d’entrées suspectes, tandis que les autres présentent également un nombre significatif d’appels douteux.
Impact financier et conséquences pour l’État
La réintroduction récente de la Taxe sur la Terminaison du Trafic International Entrant (TATTIE) semble avoir exacerbé le problème. Les opérateurs privés, cherchant à éviter cette taxe, ont intensifié leurs pratiques frauduleuses. Les pertes pour l’État nigérien sont colossales. Bien que les chiffres exacts restent à déterminer, l’expérience d’autres pays africains comme le Cameroun, où des pertes similaires ont été estimées à des milliards de FCFA, laisse présager l’ampleur du préjudice. Ces fonds, qui auraient dû être utilisés pour le développement des infrastructures et l’amélioration des services publics, sont ainsi détournés au profit des opérateurs privés.
Conséquences pour les consommateurs et Niger Télécoms
Cette fraude ne se limite pas à un simple problème fiscal. Elle a des répercussions directes sur la qualité des services offerts aux consommateurs nigériens et sur la position concurrentielle de Niger Télécoms : qualité des appels : les appels acheminés via ces routes illégales sont souvent de qualité inférieure, avec des problèmes de son et des coupures fréquentes, pénalisant ainsi les utilisateurs; sécurité et confidentialité : l’utilisation de faux numéros locaux pour des appels internationaux pose des problèmes de sécurité et de traçabilité des appels, compromettant potentiellement la sécurité nationale; concurrence déloyale : cette pratique crée une concurrence déloyale envers Niger Télécoms qui respecte les règles et paie les taxes appropriées. L’opérateur public se trouve ainsi désavantagé sur le marché, malgré son engagement à suivre les réglementations; sous-investissement dans les infrastructures : les revenus détournés par cette fraude auraient pu être investis dans l’amélioration des infrastructures de télécommunication du pays, retardant ainsi le développement du réseau national; tarifs artificiellement bas : les opérateurs privés, en évitant ces taxes, peuvent proposer des tarifs artificiellement bas, ce qui fausse le marché et met une pression injuste sur Niger Télécoms.
L’inaction des autorités de régulation
Malgré l’ampleur du problème, l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et de la Poste (ARCEP) semble avoir tardé à réagir. Cette inaction a permis à la fraude de prospérer, au détriment des intérêts de l’État, des consommateurs nigériens et de Niger Télécoms. L’absence de contrôles rigoureux et de sanctions dissuasives a créé un environnement propice à ces pratiques illégales, somme toute préjudiciable à l’économie nationale.
Appel à l’action
Face à cette situation alarmante, plusieurs mesures s’imposent : une enquête officielle approfondie doit être menée pour déterminer l’étendue exacte de la fraude et identifier tous les acteurs impliqués, en mettant l’accent sur les pratiques des opérateurs privés; des sanctions sévères doivent être appliquées aux opérateurs reconnus coupables de ces pratiques frauduleuses, incluant des amendes substantielles et la possibilité de suspendre leurs licences d’exploitation; l’ARCEP doit renforcer ses mécanismes de contrôle et de surveillance pour prévenir de futures fraudes, en accordant une attention particulière aux activités des opérateurs privés; le cadre législatif doit être renforcé pour combler les failles exploitées par les fraudeurs et protéger les intérêts de Niger Télécoms et des consommateurs ; une campagne de sensibilisation doit être menée auprès des consommateurs pour les informer de leurs droits, des moyens de signaler les appels suspects, et de l’importance de soutenir l’opérateur national, Niger Télécoms; des mesures de soutien devraient être mises en place pour Niger Télécoms afin de compenser le préjudice subi du fait de cette concurrence déloyale et lui permettre de continuer à investir dans l’infrastructure nationale.
Cette fraude massive orchestrée par les opérateurs privés ne représente pas seulement une perte économique ; elle constitue une véritable attaque contre la souveraineté du Niger. Il est du devoir patriotique de chaque citoyen, des autorités et des institutions de l’État, de se mobiliser pour mettre fin à ces pratiques qui minent l’indépendance et la sécurité de notre nation.
En tant que consommateurs, nous devons rester vigilants, et exiger la transparence et l’intégrité des opérateurs téléphoniques, et soutenir Niger Télécoms dans sa mission de fournir des services de qualité tout en respectant les lois du pays. L’avenir des télécommunications au Niger, et par extension le développement économique du pays, dépend de notre capacité à mettre fin à ces pratiques frauduleuses et à créer un environnement équitable pour tous les acteurs du marché.
Les investigations se poursuivent et nous pourrions, dans nos prochaines parutions, revenir sur les détails de cette escroquerie.
Laboukoye (Le courrier )