Emmanuel Macron et l'Afrique : Pourquoi la politique française est en pleine déroute ?
FRANCE EN AFRIQUE - Emmanuel Macron : la déroute africaine
La France de ce début de millénaire a eu la malchance d’avoir à sa tête son plus jeune président qu’on avait pourtant cru capable, par sa vision, alors que nous ignorions ses relents colonialistes, de refonder les relations et les partenariats de sa France avec l’Afrique surtout quand, on peut l’entendre, vouloir mettre fin à la Françafrique décriée. Ce n’était que du bluff, de la pure démagogie car, jamais la France ne s’est immiscée dans les affaires intérieures africaines et notamment dans ses élections sous son magistère où, finalement, les peuples découvrent que la France joue le rôle de grand électeur dont le choix supplante celui, souverain, et libre des peuples. Beaucoup de malaises, venaient de là. Mais cette France qui n’avait pas su lire l’heure qu’il fait aujourd’hui a cru qu’elle pouvait gérer l’Afrique comme elle l’a toujours fait et comme elle le veut, pour tous les temps. Or, entre temps, les peuples ont grandi et ont fini par comprendre et par oser enfin parler en face d’elle, sans complexe. A Ouaga, du reste, l’année de son entrée à l’Elysée, quand une euphorie du pouvoir le poussait au-devant de la jeunesse africaine qui l’a pourtant averti avec les discours qui avaient une profondeur irascible, tenus en face de lui, il devrait comprendre, ne serait-ce qu’avec l’expertise de ses conseillers et autres spécialistes des questions africaines, que cette Afrique- là n’est plus la même. En se fâchant contre la révolte sincère du Sahel qui pouvait lui dire tout le mal qu’il pense d’elle, faisant le coeur comme on dit chez nous en Afrique, le président français, Emmanuel Macron, fit l’erreur fatale que devra payer cher la diplomatie française encore arrimée aux idéaux désuets d’un colonialisme qui ne peut aujourd’hui prospérer dans un monde admis à la multipolarité et ouvert à la diversité, notamment des partenariats. L’Afrique, sensément, ne peut donc plus rester sous les bottes de la France qui peut toujours croire que l’Afrique ne peut pas aller à un certain niveau de modernité, ne pouvant même pas lui construire des ponts, a fortiori des hôpitaux modernes, des industries. D’une telle France dont on ne peut rien voir de concret de ses soixante années de coopération car même sa langue qu’elle soutenait à travers le monde, elle a fini par l’abandonner, réduisant sa Francophonie, à un instrument, non de promotion de sa langue et de sa culture, mais de sa propagande impérialiste, comme également outil de domination et d’influence, ne restant là que pour distribuer, à la tête du client, des brevets de satisfécit pour des élections qui,même tronquées,font son affaire. Au Sahel, le réveil fut brutal pour cette France, peu en phase avec son époque quand, par ses regards méchants de colon, elle peut continuer à croire que l’Africain est encore l’idiot – pour ne pas dire le sauvage – , souffrez du peu Lecteur, qu’elle rencontrait il y a encore des siècles, dans les broussailles africaines incultes. Chassée tour à tour du Mali de Goïta, du Burkina Faso d’Ibrahim Traoré, puis du Niger de Tiani alors qu’elle misait, pour se maintenir au Sahel, sur Niamey où elle gardait encore ses pions installés au pouvoir pour espérer se servir de ceuxlà qui lui sont très dévoués jusqu’à la servilité agaçante, pour s’y maintenir. Furieuse par la révolte du dernier colonisé pour faire écho au titre d’un beau livre d’Albert Memmi, Portrait du colonisé, la France eut la maladresse de s’en aller du Niger, mais comptant y revenir par une guerre qui fut comme celle dont parle Anouilh dansLa Guerre de Troie n’aura pas lieu. Les Africains dont elle voulait se servir, alors que leurs peuples s’y étaient opposés, finirent aussi par le comprendre pour renoncer à leurs ardeurs guerrières, préférant privilégier le pacifisme de relations séculaires de bon voisinage jusque-là préserver.
La contagion…
Alors qu’elle ne désespère pas de revenir dans ces pays qui l’ont chassée par un moyen ou par un autre, en trouvant le moyen de faire tomber les régimes militaires ou en négociant à la douce un retour sur de nouvelles bases, la France est surprise d’apprendre que d’autres pays lui demandent, à leur tour, de partir parce qu’elle devient là aussi, indésirable, persona non grata. Quelle poisse pouvait arriver à la France pour vivre ces galères et ces déboires, pendant que tous ses partenaires, de l’UE et de l’OTAN, s’activent à repenser leurs relations avec le continent, retrouvant une place qu’ils n’avaient pas auparavant ? Et pendant que la France voit de l’anormalité dans cette nouvelle démarche africaine, le monde entier la voit normale, la comprend, et la salue même, avec le regret de certains de ses intellectuels qui vont jusqu’à reconnaître que ce n’était que dommage que leur France n’ait pas pu comprendre ces mutations pour anticiper, et peut-être, s’y adapter pour préserver sa position sur le continent. Depuis vendredi, ce fut un coup de tonnerre dans le ciel ténébreux de la diplomatie française quand l’on apprit la décision du régime tchadien de rompre de manière unilatérale la coopération militaire avec Paris, et ce, pendant que le Ministre français des Affaires étrangères, venait juste de quitter la veille, après un séjour qui aura, selon les apparences de ce que montraient les médias, plutôt montré que tout allait bien, donnant même l’impression que le ministre français aura eu des assurances de la part du pays des Déby pour rester encore longtemps au Sahel. Jean-Noël Barrot n’a peutêtre même pas eu le temps de faire le compte-rendu du succès de sa mission à N’Djaména, quand, brutalement, la déclaration du pouvoir tchadien annonce une dénonciation des accords militaires, et pire, le retrait des troupes françaises au Tchad. Une réunion de crise à l’Elysée ne peut que constater les dégâts. La France n’a eu que ce qu’elle mérite : le rejet de la part d’une Afrique qu’elle a cyniquement spoliée et maintenue dans la misère, la dépendance et l’assistanat.
La nouvelle est terrible et on n’eut pas tout de suite, une réaction des responsables de l’Elysée, pris de cours, et sans doute sous l’effet du choc d’une telle annonce alors qu’ils pensaient avoir gagné le pari d’une installation qui pourrait lui permettre de dérouler son agenda de reconquête d’un Sahel perdu. Dans la foulée, Emmanuel Macron apprend encore ces discours décomplexés de régimes africains qui n’ont plus de choix que d’écouter leurs peuples pour agir dans le respect de leurs volontés. Du côté de N’Djaména, l’on apprend alors que « La France doit comprendre que le Tchad a grandi et mûri » et qu’elle ne peut accepter les bienveillances intéressées et sournoises d’une mamanpoule qui veut se servir de lui pour enfoncer ses tentacules sur un continent pour lequel, à la vérité, elle n’a aucune ambition de progrès. Ainsi, dans les prochains jours, voire les prochaines semaines, le départ du millier de militaires français installés dans le pays devrait être acté pour nettoyer cette autre partie du continent d’une présence militaire impérialiste, la France ne pouvant que s’exécuter pour s’en aller comme cela lui est arrivé ailleurs, au Sahel. Et comme un malheur ne vient jamais seul ainsi qu’on le dit, dans la même période, à l’autre bout de l’Afrique de l’Ouest alors que l’on croyait que ces jeunes que le peuple sénégalais avait porté au pouvoir pour sanctionner la vieille classe politique corrompue et pour faire triompher les idéaux qu’ils défendaient à l’opposition, trahissaient leurs promesses de changement, le Sénégal de Sonko, à son tour, annonce qu’il ne veut pas aussi de troupes françaises sur son sol. Mais visiblement ; même ces derniers développements ne peuvent permettre à la France d’être capable de faire son meaculpa. Et Diomay Faye est forme sur le sujet : « Il n’y aura bientôt plus de soldats français au Sénégal », une décision qui correspond à un choix de la jeunesse du pays qui avait soutenu le Pastef dans son engagement souverainiste. En tout cas, ce fut un autre « coup dur pour la diplomatie française » car, il ne lui reste, dans la zone que la Côte d’Ivoire et le Benin, en attendant que là aussi les colères montent pour refuser la présence française, la contagion ne pouvant s’arrêter, au seul Sahel, fièrement rebelle face à l’impérialisme. Alors qu’au Sahel l’on rit sous cape après ces nouvelles gifles, ces nouvelles annonces venant d’ailleurs et souvent de gens qui donnaient l’impression de ne pas comprendre l’attitude des pays du Sahel à l’égard de la France, l’on ne peut qu’être rassuré que quelque chose est en train de se passer en Afrique et dans le monde, redessinant la carte du monde dans une configuration nouvelle que ne peut comprendre la France de cette fin de 2024 qui ne pourra plus faire décoller ses mirages à partir de positions au Tchad. Le Tchad ne servira de point d’appui à la France pour semer le chaos en Afrique, panafricanisme oblige.
La France, toujours, dans l’aveuglement…
Dans l’amertume, la France n’est toujours pas capable de faire une lecture sereine et lucide de la nouvelle situation pour s’y ajuster. Pendant qu’il fallait considérer la lente maturation des mentalités africaines aujourd’hui adultes, la France ne voit qu’un trouble-fête, un autre coupable qui est tout désigné : la Russie. Une telle lecture étriquée, faut-il en convenir, ne peut aider la France à avancer dans son objet, à comprendre les crises du monde pour arriver à se faire comprendre des Africains qui ont pourtant quitté l’enfance et l’adolescence depuis des décennies. Les dirigeants, savent eux-mêmes, qu’ils n’ont plus les mêmes peuples pour croire qu’ils pourraient les malmener comme ils veulent et les tirer dans des directions qui pourraient ne pas faire leur affaire. Sur le continent, il n’est que devenu difficile de diriger sans se conformer aux normes qui sont du standard démocratique. Mais comment comprendre Gautier Rybinski, Chroniqueur à France 24 si juste dans ses analyses à dire qu’il ne peut pas comprendre que tous ces présidents français qui avaient dit qu’ils allaient mettre fin à la Françafrique comme s’ils entendaient réellement les malaises et les colères qui couvent sur le continent du fait justement de sa politique sur le continent, et qui, face à des besoins réelles inavouables, ne le peuvent pas, mais se rendant compte du désastre que cela pouvait causer à leur pays pour revenir, par la porte puis par la fenêtre et par la magouille, dira Rybinski, sachant bien tout le risque auquel une telle politique expose la France ? Mais cette sincérité professionnelle, est vite trahie par le nationalisme du Français, triste pour ce qui arrive à son pays, quand, sur le même plateau, il rassure, s’en consolant : « la déception, [selon lui,] est à la porte ».Pourtant, pour une fois, les Africains ont été trop en avance sur la France et quand cette dernière c’en est rendue compte, ils étaient déjà trop loin avec de nouvelles amitiés, et pas n’importe laquelle, comme celle-là que redoute et qui effraie la France : Poutine qui, en plus, a même un nouvel allié en Amérique depuis la dernière élection. Comme une opinion l’a largement partagée dans l’Hexagone, il n’y a qu’une Russie et d’autres puissances qui sont à la base de cette situation que vit la France, une situation qui n’est pas prête de s’arranger. Mais pourquoi la France pouvait venir en Afrique et qu’un autre ne le puisse pas ? La France aura-t-elle déjà oublié son dogme : « la France n’a pas d’amis, elle n’a que des intérêts ». La même philosophie pouvait être valable pour les autres même si, cette France les regarde aujourd’hui comme étant des alliés qui l’auront trahie, incapable de comprendre qu’en Afrique, eux aussi, venaient pour défendre leurs intérêts mais dans des termes moins avilissants.
Par ailleurs – question terrifiante – pourquoi ces pays, dans cette démarche, tout en avouant leur proximité assumée avec la Russie de Poutine, viennent-ils s’inscrire dans les logiques de l’AES ? Peuvent-ils être informés du meilleur que ces nouvelles alliances présagent pour cette partie du continent, pour décider, eux aussi, du divorce avec la France de Macron ? Comment comprendre, alors que le ministre français des Affaires Etrangères venait juste de quitter le Tchad, que Mahamat Idriss Déby, à la surprise générale, décide de rompre militairement avec la France ? Qu’y a-t-il ? Faut-il croire que par l’objet de ses entretiens avec les autorités tchadiennes, la France voulait leur demander l’impossible notamment à jouer pour ses intérêts, les mauvais rôles, en l’occurrence par exemple, de se servir de leur territoire, pour déstabiliser le Sahel rebelle ? Il y a sans doute tout de ces questions et l’on peut se rassurer que cette Afrique, enfin, pouvait ne plus être la même qu’on peut instrumentaliser, pour l’utiliser contre elle-même. Ce courage, du reste, on le reconnaît à ce grand Tchad qui a une très grande histoire, pour ne jamais être là à agir contre un autre pays, gérant ses problèmes internes depuis des décennies, avec courage par sa riche expérience de la guerre qui fait son identité et sa force admirable. Et le Sahel est bien là : dignité, force de caractère.
L’Afrique revient.
Gobandy (Le Monde d’Aujourd’hui)