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Emmanuel Macron et l'Afrique : La politique, les enjeux et le futur incertain d'une relation complexe / Par Hamma HAMADOU

Lors de la conférence annuelle des ambassadeurs organisée à l’Élysée ce lundi 28 août 2023, Emmanuel Macron a notamment déclaré : « Le problème des Nigériens aujourd’hui sont des putschistes qui les mettent en danger parce qu’ils abandonnent la lutte contre le terrorisme, parce qu’ils abandonnent une politique qui était bonne économiquement pour eux et qu’ils sont en train de perdre tous les financements internationaux qui étaient en train de leur permettre de sortir de la pauvreté. »

Je suis toujours fasciné par cette méconnaissance de la part des élites politico-médiatiques européennes et surtout françaises de la réalité en Afrique qui ne peut être perçue que sous le prisme des Républiques bananières, des ethnies antagonistes, de la corruption, de la misère, du mépris de l’immigré qui est même prêt à mourir en Méditerranée pour se rendre dans une Europe paradisiaque dans ses rêves.

Mais là, je crains qu’Emmanuel MACRON n’ait dû trop forcer sur le champagne élyséen, parce que cette déclaration, ce sont des propos méprisants et insultants qui manifestent son refus de prendre en compte la réalité socio-politique du Niger. Comme dans l’épisode des « gilets jaunes » ou des manifestations violentes de juin 2023 en France, je considère qu’Emmanuel MACRON a peur, qu’il s'égare, qu'il n'est pas là où il devrait être, qu'il n'est pas là où on l'attend, qu’il est en train de mettre la France contre ses intérêts.

La politique africaine d’Emmanuel MACRON est un véritable gâchis, plusieurs pays d’Afrique noire ne veulent plus de la présence de la France sur leur sol, le Maroc a pris ses distances avec la France et l’Algérie ou la Tunisie se moque régulièrement de la France. 

Emmanuel MACRON a été réélu comme président de la République française, le 24 avril 2022, avec l’obligation de fidélité à la Constitution qu’il partage avec le Conseil constitutionnel. J’ai beau chercher, je n’ai point trouvé de trace dans la Constitution française de devoir pour le président français de s’occuper du mode de dévolution du pouvoir ou du type de régime en la République du NIGER. Je n’ai pas non plus vu dans la Constitution nigérienne qu’elle avait confié au président français le baromètre du bonheur des Nigériens. On pourrait alors croire qu’Emmanuel MACRON éprouve de l’empathie pour les Nigériens, mais non, sa posture sur la démocratie en Afrique et au Niger est pour le moins infantilisante, paternaliste et incohérente. Ainsi, dans son monde, il y a des putschistes légitimes et il y a des putschistes illégitimes, et l'agenda de la France et du monde occidental est forcément l'agenda du Niger. Son problème, ce n’est pas tant le malheur des Nigériens mais le type d’autorités qu’ils ont. Eh bien, dans notre Niger, ça ne marche pas comme ça ; la cohérence d’Emmanuel MACRON n'est pas la cohérence du Nigérien.

Aussi longtemps que je me souvienne, dans les relations internationales, le rapport entre États est toujours basé sur la réciprocité. Quel leader nigérien s’autoriserait une telle condescendance, un tel paternalisme envers la France ?

Si les Français ont le droit de réclamer un référendum sur l’immigration, on comprend ici qu’il s’agit essentiellement de l’immigration d’Afrique sub-saharienne, pourquoi les Nigériens n’auraient pas le droit de choisir quand, comment et avec qui ils coopèrent ? La réponse est peut-être dans la fameuse politique de « solidarité d’influence » que le gouvernement français mène dans sa « zone de solidarité prioritaire » qui compte aujourd’hui Haïti et 17 pays d’Afrique sub-saharienne.

Je comprends bien sûr qu’Emmanuel MACRON est un pur produit du système capitaliste occidental dont la domination sur les gueux repose sur une élite cupide et corrompue. Ceux qu’il a soumis au Niger à l’agenda international qui est le leur ne sont plus là pour porter le mandat. Donc, il a peur ! Et on le sait, quand il a peur, sa seule réponse est d’envoyer la force armée. Ce type de réaction démontre donc que nous sommes plus en danger que nous le pensions, raisonnablement.

Même si ce que projette de faire Emmanuel MACRON au moyen de la force avec quelques chefs d'État de la CEDEAO réussissait, je puis vous garantir que ce serait du pire effet pour l'avenir des relations entre la France et les peuples d'Afrique.

Mais, il faut apprendre à Emmanuel MACRON les bases de la diplomatie : la France reconnaît les États, pas les régimes. Le Niger, ce n'est pas la France. La légitimité de son gouvernement, c'est le problème du peuple nigérien, pas celui de la France.

Depuis 2013, des milliers de morts civils et militaires du terrorisme dans plusieurs régions du pays, des impôts prélevés par les terroristes sur de paisibles populations quand leur économie n’est pas confisquée ou détruite, des centaines de milliers de déplacés internes, plus de 72 000 enfants injustement privés d’école en raison de l’insécurité, dans la seule région de Tillabéri, en dépit des nombreuses bases des forces armées des puissances étrangères à proximité, MACRON n’a rien dit.

Entre 2011 et 2023, plus de 1000 milliards de francs CFA d’argent public évaporés dans des scandales politico-financiers de la part des amis de MACRON, dans la parfaite impunité, MACRON n’a rien dit.

Entre 2011 et 2023, près 31 points de souveraineté budgétaire ont été sacrifiés par les adorables démocrates chéris de MACRON sur l’autel de leur agenda international, mais il n’a rien dit.

Entre 2011 et 2023, il y a eu la faillite ou la fermeture de plusieurs industries majeures comme COMINAK, IMOURAREN SA, SOMINA, SOTEX, BRANIGER, ORANGE, plus de 264 institutions de microfinance (IMF) créées depuis 1993 faillies, avec des milliers de pertes d’emplois et plus de 350 entreprises actuellement en difficulté de trésorerie du fait des pratiques administratives et fiscales malsaines des amis de MACRON, et il n’a rien eu à dire.

Entre 2011 et 2023, les amis de MACRON ont endetté chaque Nigérien de plus 250 euros, en sus des 41 euros dus antérieurement, MACRON n’a rien dit.

Entre 2011 et 2023, l’inflation a érodé 19,23% du pouvoir d’achat du Nigérien, MACRON n’a rien dit.

Entre 2011 et 2023, le si orgueilleux Niger est devenu exportateur de mendiants dans toute l’Afrique occidentale voire le Maghreb, parce que les anges du bonheur de MACRON ont produit plus de 11,2 millions de pauvres dans le pays, mais MACRON n’a rien dit.

De 2011 à 2023, les traités internationaux étaient bafoués, les élections corrompues par l’argent et l’usage de la puissance publique, les libertés individuelles et collectives régulièrement violées depuis près d’une décennie, le mensonge encouragé, les menaces, chantages, manipulations et violences érigés en norme par les parfaits démocrates amis de MACRON, mais il n’avait rien à dire de cette démocrature.

Un État qui s’affaissait chaque jour davantage et qui voyait ses services publics se désertifier ! Un État en débâcle ! Pas un secteur n’était épargné, pas un citoyen, pas une entreprise qui ne se sentait en sécurité économique, sociale ou physique, et surtout pas une lueur d’espoir d’amélioration pour un peuple qui se demandait ce qu’il lui arrivait, où il va, ce qu’il a fait pour mériter ça, mais MACRON n’avait rien à dire.

Tout cela, ça n’intéressait évidemment pas Emmanuel MACRON tant que les autorités parrainées par le Système de la fameuse « communauté internationale » travaillaient sur leur agenda international, de préférence en exonération totale des intérêts des miséreux Nigériens.

Nous disons maintenant qu’il nous est suicidaire de continuer à dealer avec des dirigeants -clients de l’impérialisme, que ce soit occidental, oriental, septentrional, austral, spatial ou souterrain. Nous ne voulons pas, et nous ne vivrons jamais en autarcie, mais, désormais, c’est la rencontre entre intérêts, ressources, et réalités qui déterminera nos projets futurs avec les autres.

Depuis toujours, les Nigériens se battent pour s'approprier leur avenir et maîtriser leur destin. Aujourd'hui, nous sommes à une époque à la fois d'immenses promesses et de grands périls. C'est à nous de décider si nous élevons notre pays vers de nouveaux sommets ou si nous le laissons tomber dans une vallée de délabrement, comme certains malfaisants semblent nous le souhaiter. Nous ne pouvons pas nous contenter de gérer un tel déclin !

Beaucoup de nos vaillants aînés se sont sacrifiés pour sauver notre patrie, nos valeurs et nos nobles idéaux. Notre patriotisme nous oblige à nous battre pour libérer notre pays de ses nouveaux adversaires, de ses nouveaux ennemis et à le défendre avec force.

Aujourd'hui, si nous n'investissons pas nous-mêmes nos cœurs et nos esprits dans notre Nation, si nous ne construisons pas des familles fortes, des communautés sûres et inclusives et des sociétés saines pour nous-mêmes, personne ne le fera pour nous.

Nous, Nigériens, devons agir ensemble pour résoudre nos problèmes, bâtir notre prospérité, assurer une paix durable et construire un avenir commun au sein d'un Niger fort, consolidé et capable envers lui-même et envers l'Afrique, sinon nous serons vulnérables à la décadence, à la domination et à la défaite comme cela semble malheureusement nous être préempté.

Nous sommes conscients bien sûr que les diplomates et les investisseurs ne viennent pas chez nous pour nos beaux yeux et nos belles âmes, mais ils viennent évidemment et essentiellement pour nos ressources naturelles rares et les investissements publics en matière d’infrastructures ou de technologies.

Dans le 1er cas, il s’agit de biens qu’ils ne trouvent que peu ou pas du tout ailleurs, et leurs marges bénéficiaires sont toujours confortables, au-delà de 35% par an sur la première décennie, en termes de retour sur investissements, pour des exploitations qui durent plusieurs décennies.

Dans le 2nd cas, ils sont chez nous sur des marchés publics lourds que les nôtres peinent à financer. Les marges brutes annuelles de ces quick-wins tournent entre 35 et 48%, en général.

Nous ne sommes donc pas naïfs : que ce soit la France, les USA, la Chine, la Russie ou une autre puissance, tout le monde se moque bien du bien-être, de la vie ou de la mort des Nigériens.

Ce qui leur importe, c'est leur approvisionnement en matières rares et la crainte d’un effet boule de neige de l’auto-détermination des peuples naissant dans le Sahel. Il nous revient de faire comprendre à tout le monde que le Niger n’est ni un boxing ring pour les mâles dominants de la planète ni un supermarché où chacun vient se servir.

Une ère nouvelle qui ne sera pas la continuité qui s'est achevée le 26 juillet 2023 est en mouvement ; c’est la promesse de la souveraineté du Niger sur ses choix stratégiques, l'invention collective d'une méthode refondée pour un meilleur avenir au service de notre pays, de notre jeunesse qui s’ouvre maintenant.

Je voudrais donc dire à Emmanuel MACRON : « Votre baiser de la mort, non, merci ! ».

Hamma HAMADOU, Expert en finance et Acteur politique