Élevage, engrais et gouvernance : les enjeux de la campagne agricole 2025 au Niger
Issu du Grand Débat de la RTN, animé par le journaliste Abdoulaye Tiémogo et consacré à l’état des lieux de la campagne agricole 2025, cet article restitue les analyses croisées des responsables publics, experts et représentants du monde rural. Entre une pluviométrie favorable porteuse d’espoir et des défis persistants liés aux engrais, à l’élevage et à la gouvernance, la souveraineté alimentaire demeure l’objectif central.
La campagne agricole 2025 s’annonce globalement positive au Niger. Les précipitations, abondantes et relativement bien réparties sur le territoire, ont permis aux cultures de se développer dans de bonnes conditions. Les experts du ministère de l’Agriculture et de l’Élevage soulignent que, malgré quelques retards et des ressemis répétés en début de saison, l’évolution végétative reste encourageante. Dans la majorité des régions, les cultures ont atteint les stades de floraison et de maturation, augurant des récoltes prometteuses.
Du côté pastoral, la situation est jugée satisfaisante grâce à la régénération des pâturages. Toutefois, des inquiétudes persistent à Diffa et Agadez où la pluviométrie reste insuffisante, entraînant des déficits fourragers. Les autorités rappellent que l’élevage, fortement dépendant des aléas climatiques, nécessite des stratégies adaptées telles que la transhumance, le déstockage raisonné ou encore la valorisation des sous-produits agricoles.
Les responsables des ministères concernés ont rappelé les efforts déployés pour accompagner les producteurs et les éleveurs. Les semences certifiées, les engrais phosphatés et les pesticides ont été distribués à grande échelle. Près de 3 900 tonnes d’aliments bétail ont été mises à disposition pendant la soudure, tandis que plusieurs forages et points d’eau pastoraux ont été construits ou réhabilités. La campagne de vaccination animale a également été soutenue par l’État, avec des campagnes gratuites contre les principales maladies transfrontalières, malgré les difficultés d’accès liées à l’insécurité. Par ailleurs, un vaste programme d’aménagement hydro-agricole est en cours, visant près de 40 000 hectares d’ici 2027 pour permettre une deuxième campagne irriguée et réduire la dépendance alimentaire.
La Centrale d’Approvisionnement en Intrants et Matériels Agricoles (CAIMA), réhabilitée en 2025, retrouve son rôle stratégique dans la distribution d’engrais et de matériel. Cette institution, fragilisée par la privatisation et cinq années d’inactivité, est redevenue un maillon essentiel du dispositif agricole. Les autorités insistent sur la nécessité de garantir la qualité des intrants, de rapprocher les points de vente des zones de production et de renforcer la mécanisation afin de rompre avec une agriculture strictement traditionnelle.
Malgré ces avancées, les représentants du monde rural ont exprimé leurs inquiétudes. L’accaparement des terres pastorales reste une source de tensions entre agriculteurs et éleveurs. Le prix élevé des engrais demeure hors de portée pour de nombreux paysans, malgré le retour de la CAIMA. Dans certaines communes, un seul agent agricole couvre plusieurs dizaines de villages, ce qui réduit fortement l’encadrement technique. Les lenteurs administratives liées aux passations de marchés publics provoquent par ailleurs des retards dans la distribution des intrants et des aliments bétail. Enfin, des semences frauduleuses continuent de circuler, malgré les mécanismes officiels de certification.
Face à ces difficultés, la Plateforme Paysanne a plaidé pour un contrôle citoyen renforcé et pour la création de fonds souverains alimentés par les revenus du pétrole, de l’uranium et de la téléphonie afin de financer durablement l’agriculture. Le Niger dispose en effet de ressources naturelles, notamment en gaz, pétrole et phosphates, qui pourraient permettre de développer une véritable industrie locale de production d’engrais et de matériel agricole, réduisant la dépendance vis-à-vis des importations.
Tous les intervenants s’accordent : l’abondance pluviométrique de 2025 constitue une opportunité, mais elle doit être consolidée par des réformes structurelles. La souveraineté alimentaire ne pourra être atteinte sans une politique agricole cohérente, un financement conséquent et stable, une industrialisation locale des intrants, un encadrement technique renforcé et une réelle synergie entre l’État, le secteur privé, les producteurs et les partenaires. Au-delà de la réussite ponctuelle d’une saison, c’est la transformation durable du système agricole et pastoral nigérien qui conditionnera l’avenir de la sécurité alimentaire et de l’économie nationale.
Boubacar Guédé (Nigerdiaspora)