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Editorial : A Dieu la CEDEAO, vive AES ! - Par Ali Soumana

Ali Soumana Le CourrierL’Europe, face aux Etats-Unis d’Amérique, est allée chercher sa puissance dans l'union européenne vue d'abord comme un projet, puis comme expérience et dans la monnaie unique, l’euro ; moyens par lesquels elle a pensé pouvoir se positionner dans la géopolitique mondiale comme une force qui compte, comme une voix qui s’imposera. Sur le continent, certains leaders qui étaient en avance, l’avaient compris tôt pour remplir les mémoires et notre histoire de temps de martyrs. Dort Sankara, Dort Kwame Nkrumah. Dort Kadhafi. Dort Lumumba. Dort Nasser. Ils avaient proposé cette Afrique unie et forte, ils l’avaient pensé comme moyen politique de la libération du continent et de son émergence. L’impérialisme s’est donné les moyens de les anéantir dans leurs projets. Ils n’avaient pas eu de chance. De ce besoin d’être ensemble, l'Afrique y a donc pensé, mais ne s'en est jamais donné les moyens et le courage, l'OUA, puis l'UA étant toujours restées dans le folklore des sommets, infiltrées par l'impérialisme qui veille pour que l'intégration qu'il cherche pour lui-même ne réussisse jamais en Afrique, sur le continent. La misère des peuples africains faisait son avenir. La CEDEAO et la CEMAC avaient alors été pensées comme des regroupements miniaturisés pour constituer des pôles géopolitiques dont la réussite pouvait servir de ciment pour la fondation des Etats-Unis d'Afrique longtemps rêvés, longtemps conceptualisés. Mais, ceux qui avaient montré la voie et qui n’avaient pas eu la chance d’être les architectes, ont, aujourd’hui, des héritiers qui reprennent le chantier. Ils peuvent donc être fiers, outre-tombe, que leur pensée nous rattrape ; qu’en Afrique, et d’abord au Sahel, l’on a enfin compris la succulence de ces rêves de liberté, de l’audace qu’il y a à se donner pour assumer la souveraineté. Les semences de leurs rêves, enfin, de la terre du Sahel terrorisé, arrosée de sueurs, de larmes et de sang des peuples, poussent, drues, pour la verdure prochaine des prairies de nos avenirs.

Cette journée du mardi 28 janvier 2025, en prélude au délai pour la CEDEAO d’acter le retrait des trois pays de l’AES même lorsqu’elle rêve d’un sursis pour espérer un retour somme toute irraisonnée, dans les trois pays – le Burkina Faso, le Mali et le Niger – à travers toutes les villes et notamment dans les trois capitales, les populations s’étaient mobilisées, marchant et tenant des meetings pour corroborer leur sortie non négociable d’une CEDEAO qui a perdu son âme et qui n’est aujourd’hui qu’un fantôme qui, alors qu’elle portait bien d’espoirs, a fini par trahir l’Afrique. Aucun regroupement dans l’Histoire et dans le monde, pour résoudre ses crises, n’a jamais pensé qu’une guerre contre un Etat-membre pourrait être la solution. D’une telle CEDEAO, l’on s’était dépité. Ainsi est-on allé faire des choix rationnels qui ont conduit à la création de l’AES, aujourd’hui exemple d’intégration, de projets de développement, charmant l’Afrique et les Africains, et poussant le monde qui nous regarde à nous respecter. 

La CEDEAO est donc morte, du moins mourante, et elle est rassurée, dans le remords de ses soumissions et de ses échecs, qu’elle est aujourd’hui promue à un triste avenir, à une fin inévitable, trahissant la mémoire des précurseurs et des fondateurs. En cette journée historique où le Sahel grouille de bruit et de discours, de grands rêves et de grandes folies, dans les vents qui passent, l’on entend par les mystères des silences que c’est l’avenir de l’Afrique, par ce peuple qui s’est mis debout, qui se joue. Dans la fureur des pas qui ont marché cette matinée, dans le bruit de leurs pas rythmés sur l’asphalte réchauffée, on entend le courage d’une génération, l’engagement à se mettre ensemble et à se battre pour la liberté dans la souveraineté. Le 28 janvier 2025 marque donc un tournant : ensemble avec les autorités, ensemble avec la jeunesse, ensemble avec les braves femmes du Sahel, ensemble avec les forces armées, nous avons fait le choix de la liberté. 

Ali Soumana (Le Courrier)