Echos de la tournée d’Issoufou Mahamadou à Tahoua : Le duel CNSP/Pnds-Tarayya est-il inévitable ?
Cela se voyait depuis quelques semaines, l’ancien président de la république, Issoufou , ne cessait de multiplier les provocations à l’endroit du Cnsp, quand il ne déclarait pas qu’il condamnait fermement le coup d’Etat du 26 juillet 2023, pendant que l’écrasante majorité des Nigériens l’a favorablement accueilli, il s’illustrait par une attitude mégalomaniaque en vivant et en agissant comme un président en exercice.
Aujourd’hui, chacun des actes posés ou chaque mot prononcé par Issoufou Mahamadou sont sujets à débat. A l’occasion de son déplacement récent à Tahoua pour des événements familiaux, il avait eu droit à un accueil digne d’un rang présidentiel de la part des habitants de cette région. Pour un deuil familial, il conviendrait d’observer que c’était tout de même indécent de se livrer à une telle parade populaire, alors que le recueillement intérieur aurait été recommandable dans ce genre de circonstances de grande émotion.
Un déplacement pour transmettre un message politique ?
Le contraste était, alors, plus saisissant entre les motifs avoués et l’objectif inavoué du déplacement d’Issoufou Mahamadou sur ses terres natales, lorsque l’on avait vu comment le natif de Dandadji avait été accueilli dans la capitale de l’Ader. Ce fut à bord d’un avion de la compagnie nationale ‘’Tamara’’ que Zaki avait rallié le chef-lieu de région de Tahoua, entouré de son dispositif sécuritaire impressionnant qui n’aurait rien à envier à celui d’un Chef d’Etat en exercice. Puis, ce fut le bain de foule traditionnel pour lui dérouler, en quelque sorte, le ‘’tapis rouge’’, son éternelle obsession. Voyezvous, tout cela était bien orchestré et immortalisé par des images postées sur les réseaux sociaux qui sont, aujourd’hui, les meilleurs canaux pour atteindre toutes les cibles de la société ! Ensuite, confortablement installé dans sa douillette résidence de Tahoua, il reçut en audience les interlocuteurs qui en valaient la peine pour s’entretenir quelques minutes avec eux et leur transmettre son message. Dans l’impossibilité de tenir un meeting populaire, discrètement, en aparté et en catimini, Issoufou Mahamadou, en bon stratège politique, a besoin de ce genre d’astuce pour masquer ses coups comme on dit en jeux de stratégie. Dans toutes sortes de situations, il sait en tirer le meilleur parti pour lui.
C’est ainsi que d’après certains échos lointains qui nous sont parvenus, l’on aurait appris quelques- uns des sujets abordés par Issoufou Mahamadou avec ses différents interlocuteurs locaux. Parmi ces sujets, d’après des sources, aurait figuré le retour à l’ordre constitutionnel qui passera forcément par l’organisation d’élections générales avec pour horizon temporel 2025.
Il faut dire que cette échéance de 2025 cadre parfaitement avec le cap de trois années fixé par le Président du Cnsp, le Général Abdourahamane Tiani. Seulement voilà, au Mali et au Burkina- Faso, les deux autres Etats de la Confédération de l’Alliance des Etats du Sahel (AES), à laquelle le Niger est aussi partie prenante, l’on vient de prolonger la durée de la période de transition. Sur son aile civile, le Cnsp est encouragé pour procéder à une telle prorogation, d’où les inquiétudes d’Issoufou Mahamadou et de son clan qui désirent le strict respect du cap de trois ans fixé au départ. Aujourd’hui, telles que les choses semblent se dessiner, à la lumière des expériences malienne et burkinabé, au Niger, tout indiquerait que l’on s’acheminerait vers ces scénarii malien et burkinabé.
L’affrontement inévitable entre le Cnsp et Issoufou Mahamadou
On l’a déjà vu, Issoufou commencerait à être agacé par la tournure que semble prendre la transition politique en cours. Qu’on veuille l’admettre ou non, le stratège de Dandadji aura vu ses plans initiaux ruinés par des impondérables survenus dans le déroulement de la transition militaro-civile au Niger. Il aurait sans doute tablé sur une transition de durée raisonnable afin d’espérer rebondir sur la scène politique nationale. Cependant, les velléités d’incrustation au pouvoir des militaires pourraient annihiler cet espoir. Aujourd’hui, on le voit bien, le Président du Cnsp s’affiche de plus en plus comme un chef charismatique, au sens wébérien du terme, autoritaire mais surtout taciturne, l’autre grande dimension du pouvoir suprême. S’il y a une seule chose pour laquelle la majorité des Nigériens aime chez le Général Tiani, c’est avant tout cette grande aspiration souverainiste largement partagée par l’opinion publique nationale. En effet, le natif de Toukounous aura su apparaître comme l’une des figures africaines modernes de l’antiimpérialisme occidental, tandis qu’Issoufou Mahamadou et consorts de la Françafrique étaient justement les valets attitrés de l’impérialisme occidental en Afrique, en général, au Niger, en particulier. Si les Nigériens, dans leur ensemble, soutiennent le Cnsp et son emblématique Président, c’est à cause de cette rupture fondamentale avec cet ordre des choses. Or, Issoufou Mahamadou et son clan représentent tout ce que nos concitoyens ont abhorré durant plus d’une douzaine d’années dans le pays. Si la république est par terre, aujourd’hui, et qu’il faille la refonder, le régime de la renaissance qu’il a dirigé a eu une grande part de responsabilité dans ce désastre actuel dont on veut tourner la page définitivement. Alors, à un moment ou à un autre, il va falloir que le Président du Cnsp, le seul investi de la légitimité populaire, fasse comprendre aux uns et aux autres les lignes rouges à ne pas franchir, ce que l’on appelle le rubicond, tout simplement. Jusque- là le Président du Cnsp, en dirigeant sage et mesuré, observe, analyse pour voir les actions et deviner les intentions des uns et des autres. C’est le faceà- face inévitable entre deux grands stratèges, voire deux grands amateurs de jeux d’échecs. Le Général Tiani, l’homme de la situation actuelle qui surfe sur un fort sentiment souverainiste en fusion totale avec le peuple nigérien ; Issoufou Mahamadou, l’incarnation suprême et vivante de l’échec du régime démocratique au Niger, quand il n’est pas, tout simplement, l’expression du mal absolu au Niger. Les Nigériens ne sont pas prêts à retourner aux enfers passés sous la présidence trop controversée d’un vulgaire sectaire parvenu au sommet de l’Etat grâce à une culture éculée de la duplicité et de la démagogie, le tout enroulé dans une imposture intellectuelle et morale feinte par un art consommé de la technique de la dissimulation politique !
En voulant imposer un calendrier de la transition politique actuelle, en évoquant les élections générales en 2025, Issoufou Mahamadou veut montrer par-là qu’il est et demeure le maître des horloges au Niger. Mais, le Général Tiani, en grand officier d’honneur, se laissera-t-il dicter un calendrier de la transition ‘’made Issoufou Mahamadou’’ ? Toute la question est, sans doute, là !
Halidou Maiga (Le Monde d’Aujourd’hui)