Échanges entre les présidents Ouattara et Macron, à l'Elysée : Decryptage des mots dits et des non-dits
Mais qu’est-ce qui fait donc courir le président Ouattara ? Cette question n'a pas encore fini de titiller la curiosité de tant d’observateurs quant aux motivations réelles de la récente visite du Président ivoirien à Paris. Ils sont surtout soucieux de percer les secrets de ses échanges avec le président E. Macron, entre les murs opaques de l’Elysée.
Les analystes sont en droit de soupçonner qu'il n'ait effectué ce saut à Paris pour y ourdir avec Macron un autre complot contre le Niger croulant déjà sous le poids d'un cruel embargo. cette visite d'Alassane Ouattara dans la ‘’capitale du complot et de la zizanie", qui porte le sceau de l'urgence absolue, ne saurait être dissociée de la présence de l’ancien Premier ministre Guillaume Soro dans l’espace de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) où il a été déjà reçu par les Présidents Abdourahame Tchiani du Niger et Ibrahim Traoré du Burkina Faso.
Il faut dire que cette présence de la bête noire du président Ado en terre africaine, qui plus est au Sahel, a soulevé un véritable tollé aux abords des eaux saumâtres de la lagune Ebrié. En effet, l’ancien Premier ministre en exil, après avoir promis de revenir au pays pour y jouer un rôle clé dans la vie politique nationale, a envoyé à son ami et ancien rebelle Roger Banchi, ce message énigmatique :“rappelle-toi Roger Banchi le feu, c’est le feu !”. Cette allusion au feu, dont la symbolique allie la puissance de la foudre et les notions de victoire et de justice, était déjà assez forte pour déclencher un vent de doute et de suspicion dans les coulisses du Palais présidentiel à Abidjan.
Aussi, on peut comprendre cette irritation manifeste du président Ouattara fondée sur le postulat bien établi qui fait que, quand ton ennemi devient l'ami de celui à qui l'on continue de faire tant de maux, il y a fort bien à craindre ! Aussitôt, des cadres de Génération des Peuples Solidaires (GPS), une organisation proche de Guillaume Soro, sont mis aux arrêts et soumis à d’intenses interrogatoires à la Gendarmerie.
Si le pouvoir à Abidjan a pu percevoir un danger majeur du simple fait de ce rapprochement géographique de Soro, c’est que le président Ado mesure bien la portée du mal dont il s’est rendu coupable aussi bien vis-à-vis de son ancien chouchou de Premier ministre devenu l'homme à abattre, qu’à l’égard de ses pays d'accueil. En effet, en plus de l’hostilité dont il fait montre à l’égard du Mali et du Burkina Faso, le Président Ouattara continue de faire preuve d’une intolérance, à la limite de l’aversion, contre du Niger.
Les Nigériens se rappellent encore des mots forts et irrévencieux prononcés par les présidents Ouattara et Talon à l’encontre de notre pays. « Je considère personnellement qu'il s'agit d'un acte terroriste. Nous devons agir", a pu lancer Ado, adoptant, comme par hasard, le même ton et le même discours que le président Macron. On peut aisément comprendre les causes de la hargne viscérale de ce dernier qui ne pardonne pas aux trois pays du Sahel (le Mali, le Burkina Faso et le Niger), d’avoir renvoyé, coup sur coup, les forces armées françaises hors de leur territoire. En revanche, l’on ne s’explique toujours pas les motivations profondes de ce radicalisme béat affiché, vis-à-vis du Niger et de son peuple, par les présidents Ouattara, Patrice Talon et autres alliés de circonstance.
En effet, c’est le même Alassane Ouattara qui, dès le lendemain du sommet de la CEDEAO et de l'UEMOA à l’issue duquel un chapelet de sanctions sévères ont été prises à l'encontre du Niger, instruisait, le cœur sec, la mise en œuvre '' sans délai, toutes les sanctions prises à l’encontre du Niger’’. A vrai dire, cette posture du président Ouattara frise la trahison, surtout venant d’un homme que beaucoup de Nigériens jusque-là adulaient comme étant dirigeant sage et sympathique. Mais, comme on dit, ‘’la raison a ses raisons que la raison ignore’’.
Pour leur part, le peuple du Niger et les dirigeants actuels avec lesquels il fait entièrement corps, ne sauraient se tromper sur l’identité de leur principal et pire…bourreau ! Ils savent que si, aujourd’hui encore, les sanctions iniques, illégales et inhumaines décrétées contre le Niger tardent à être levées, c’est en grande partie grâce à la main ‘’bien visible’’ du président Ouattara qui, seul, continue d’appuyer de son plus gros doigt sur la manette de rouleau compresseur de l'embargo contre le Niger. Sans doute que, comme il l’avait prédit pour le cas du Mali dans sa fameuse communication téléphonique avec l’ancien Premier ministre Malien ayant fuité, il espère encore qu’il suffisait d’accentuer la pression pour que, le peuple une fois étouffé et à bout de souffle, abandonnera ses convictions pour se retourner contre le CNSP. Le croire, c'est ignorer le haut niveau d'engagement des Nigériens plus que jamais déterminés à assumer leurs responsabilités dans ce combat pour la dignité et la sauvegarde de patrie !
Et voilà donc le président Ado sautant, dare-dare, dans son avion pour atterrir à Paris où il a obtenu rendez-vous apparemment bien callé à l’Elysée. En effet, il sera aussitôt reçu par Emmanuel Macron pour un entretien au cours duquel les deux chefs d’Etat ont longuement échangé, dit-on, sur les "relations bilatérales entre la France et la Côte d’Ivoire" et sur "la situation au Sahel". Evidemment, tout le monde sait que, dans le langage diplomatique, ces expressions laconiques peuvent cachent des plans et des projets funestes. Aussi, certaines expressions et autres segments de phrases tenus à travers le communiqué de l’Elysée à l’issue des échanges sont certes timides, mais assez parlants pour nous mettre la puce à l'oreille et nous fixer sur les mots dits et même les non-dits décelés de leur entretien.
A titre illustratif, pour le point relatif à « la situation intérieure ivoirienne », qui était également au centre des échanges, on peut comprendre que ce chapitre puisse porter sur la recherche d’éventuelles réponses concertées entre la France et la Côte d’Ivoire face aux craintes nées de la navette de Soro, l’ancien chef rebelle, entre le Niger et le Burkina Faso, et probablement au Mali. Vue d’Abidjan, cette présence de l'ennemi juré de Ouattara "dans les parages" est plutôt perçue comme une menace à prendre au sérieux. Cela, d'autant plus que dans une vibrante déclaration qu’il a faite récemment via les réseaux sociaux, Guillaume Soro prenait le ferme engagement de regagner le bercail, "et advienne que pourra !". De la bouche de l'ancien chef rebelle, une telle déclaration peut sentir le souffre, dans certaines narines enrhumées par le virus du "tout sauf Soro".
Pour ce qui est du point relatif à la situation au Niger, il est aisé de deviner ce que cache la déclaration du Président Macron, quand il réitère son soutien à la CEDEAO « en vue de trouver une solution à la crise nigérienne ». D’autant plus qu’il a poursuivi en réaffirmant son « plein soutien de la France au président Mohamed Bazoum’’, et en rappelant que « sa libération constituait un préalable à toute négociation avec les putschistes ». Ici, le président Macron – qui semble avoir abandonné son exigence portant sur le retour à l’ordre constitutionnel et le rétablissement de Mohamed Bazoum dans ses fonctions – envoie en fait un mot d’ordre (pour ne pas dire une instruction) aux Chefs d’Etat de la CEDEAO qu'il invite, dans un langage codé, à n'engager aucune velléité de négociation avec le Niger, tant que la condition, par lui posée, n’est pas satisfaite.
D’autre part, à propos de la situation sécuritaire au Sahel, lorsque le président français exprime "son inquiétude quant à la dégradation rapide de la situation sécuritaire avec un nombre croissant d’attaques terroristes », cela revenait à insinuer que rien ne va plus au Sahel, histoire de dire que les trois pays de l’Alliance des Etats du Sahel (AES) ont eu tort de chasser "les Rambo sauveurs", à savoir les forces militaires françaises. Ce qui est une vision erronée de la question, sachant que sur le théâtre des opérations, la réalité se traduit par une chevauchée fantastique de nos forces de défense et de sécurité qui, au Burkina Faso, au Niger et au Mali, alignent des victoires décisives sur les forces du mal, quotidiennement pourchassés et acculées jusque dans leurs derniers retranchements.
Franchement, on avait espéré entendre les deux hommes d’Etat adresser leurs vives et sincères félicitations aux autorités et au peuple du Mali suite à la libération de la zone de Kidal par les FAMA, qui marque un grand pas vers la paix et la réunification du territoire malien.
Par Assane Soumana, journaliste-consultant