Dissolution des partis politiques : une solution idoine pour la refondation ? - Par Djibril Baré
Dans le rapport final des Assises nationales remis au Général Abdourahamane TIANI, Président du CNSP, Chef de l’Etat, futur président de la République (dans quelques heures probablement) la dissolution des partis politiques figure en bonne place. Les Assisards n’ont pas eu tort tout à fait au vu des dérives observées ces trente dernières années par rapport à la vie démocratique du Niger. 173 partis politiques pour 26 millions d’habitants dont 70 % ont moins de 25 ans et ne sont pas outillés pour apprécier un programme de gouvernement avouez que c’est une dérive. Quant aux partis politiques 90% pour cent ne se présentent à aucune élection, n’ont souvent pas de siège et ne tiennent ni la comptabilité de leurs activités ni ne forment les militants. Ces partis politiques appelés au Sénégal « partis cabines téléphoniques », parce qu’ils peuvent tenir leurs réunions dans une cabine téléphonique, sont justes créés pour satisfaire les désidérata de leurs leaders et familles. Dans le Rapport public de la Cour des Comptes de 2020, seuls 10 partis politiques étaient en règle par rapport aux documents financiers exigés par la charte en vigueur. Si l’on se fie aux constats d’un leader de parti non favorable à la dissolution des partis politiques par rapport aux résultats électoraux des quinze (15) dernières années plus de 130 partis politiques n’ont pas pu élire un seul (1) conseiller dans les communes à plus forte raison disposer d’un député ou d’un président de la République. Par ailleurs lors des derniers constats du ministère de l’intérieur la plupart des partis n’ont pas de siège ou alors sont représentés dans une seule région du pays, alors que la charte des partis alors en vigueur les obligeait à être présents dans au moins cinq (5) régions du pays. Pour autant doit-on blâmer les seuls partis politiques dans l’échec de la démocratie multipartite instaurée dans notre pays suite à la Conférence Nationale Souveraine de 1991 ? Est-ce que la dissolution des seuls partis politiques est la panacée ? Qu’en est -il des syndicats, de la pléthore des organisations de la société civile et des organes de la presse inscrits au même registre ?
Avant de répondre à la question voyons ce qu’est le multipartisme et ses formes. Selon Wikipédia, « le multipartisme est la caractéristique d’un régime politique où la liberté d’association permet à plus de deux partis de participer aux débats politiques et aux élections. C’est un des fondements de la démocratie représentative. Le multipartisme implique que les autorités acceptent les sensibilités politiques qui lui sont étrangères et leurs critiques à son égard, c’est une garantie pour le citoyen de contrôle des actions médiatiques, avec la presse libre, mais aussi de pouvoir librement intervenir sur la scène politique.
On distingue différents types de multipartisme : Multipartisme modéré,multipartisme polarisé, Multipartisme segmenté. La différence avec le bipartisme, ou deux partis dominent la vie politique comme aux Etats Unis. Le bipartisme absolu, n’existant qu’aux États-Unis, qui consiste en la représentation de seulement deux partis au Parlement, du bipartisme élargi, qui est une situation où seuls deux partis obtiennent des majorités suffisantes pour être à l’initiative de lois mais où d’autres partis minoritaires siègent au Parlement et occupent des mandats locaux, bien qu’ils soient cantonnés à un rôle secondaire (cas du Royaume- Uni). Le bipartisme s’explique en partie par les modalités de scrutin aux élections législatives et présidentielles, notamment le cas de scrutin majoritaire.
Le multipartisme s’oppose au concept de parti unique, typique des régimes autoritaires, et plus précisément totalitaires.
Les régimes communistes (dits également, au sein de l’ex-bloc de l’Est, « démocraties populaires »), comme la République Populaire de Chine, sont des régimes démocratiques, avec l’organisation d’élections au suffrage universel et l’organisation de réunions publiques. Il existe ce qui appelé un centralisme démocratique qui diverge de la conception de l’occident. Pourtant face à l’échec de la démocratie de type libéral dans nos pays force est de s’interroger s’il n’y pas lieu de prospecter vers d’autres horizons.
Quel système pourrait s’adapter à nos pays après l’échec constaté du multipartisme à l’occidental ? Un système politique peutil se maintenir sans une vie démocratique animée par des partis politiques. Si la société civile veut exercer le pouvoir en complicité ou en harmonie avec l’armée au lieu d’exercer un contrôle citoyen de l’action du gouvernement, elle verse alors dans la politique et ne peut plus jeter la pierre aux partis politiques. Ne perdons pas de vue que le rôle des partis politiques c’est de chercher à conquérir le pouvoir et de s’y maintenir le plus longtemps possible de part la crédibilité de son programme. Contrairement à la société civile qui doit protéger les intérêts des populations vis-à-vis des gouvernants. Si l’armée considérée comme « la grande muette dans le système démocratique classique, alors il lui sera difficile de tenir dans un contexte de mondialisation où les investisseurs ne se manifestent que dans un système qui garanti la transparence avec le contrôle citoyen. Si les autorités décident de dissoudre les partis politiques, elles doivent trouver un palliatif puisque les citoyens ont tendance à s’exprimer par tous les moyens et en cas de rareté des ressources le système peut ne pas tenir puisque tout système rigide casse et ne peut être maintenu que par sa souplesse. Une transition de 5 ans est -elle vivable sans partis politiques ? C’est possible à condition de trouver un mécanisme ou des courants pourraient s’exprimer avant la possibilité de création de partis politiques à un terme à définir. Le parti Sawaba (Sawkisay da ga Allah) de Djibo Bakary a été interdit durant des décennies depuis les années 60avant de réapparaître en 1991. Les mêmes militants se sont retrouvés. Idem pour le RDA dissout en 1974.
Quelle décision prendra le futur président de la République de la Refondation ? Adoptera t-il un système multipartite limité à 3 ou 5 partis politiques ? Fixera til un terme à la suspension des partis politiques ? Ce ne sont pas les têtes pensantes qui manquent pour lui permettre d’opérer le meilleur choix. Ce qui est certain c’est que le système multipartisan précédent a totalement échoué avec des présidents de partis politiques (sociétés unipersonnelles à responsabilité limitée) sans références et sans bases ni instruction solide qui se retrouvent bombardés comme conseillers spéciaux à la présidence de république ou à l’assemblée nationale. Il est vrai que l’Etat n’avait joué sa partition en contrôlant leurs activités par l’application stricte de la charte qui aurait évité les dérives constatées dès le départ. Le financement des partis politiques base d’une activité saine, a fait également défaut.
So, wait and see !!
Djibril Baré