Skip to main content

Détournements des deniers publics et justice : Le Président Bazoum a mis le Procureur sur les traces des voleurs de la République

Dans un point de presse assez nourri qui a porté sur des affaires de scandales de détournements de deniers publics, le procureur de la République, Chaïbou Moussa, a éclairé la lanterne des Nigériens sur certaines affaires, notamment celles de la Cntps où plus de quatre milliards ont été dissipés, du braquage de 120 kilogrammes d’or à Agadez ainsi que la tuerie de Téra lors du passage du convoi militaire français. Sur toutes ces affaires, le Procureur a promis une suite judiciaire. D’ores et déjà, a-t-il informé, cinq personnes ont été placées sous mandat de dépôt dans la première affaire et que les enquêtes se poursuivent. Du déjà vu ? C’est sans doute le sentiment le plus partagé au sein de l’opinion nationale, particulièrement échaudée lorsqu’il s’agit de procédures judiciaires touchant à des affaires de délits de corruption et de détournements de deniers publics. Si les médias se sont fait le devoir d’informer en relayant les propos du procureur de la République, il y a toutefois peu de chance que les Nigériens aient attaché véritablement du crédit. Il y a de quoi. Depuis près de 11 ans, c’est la même ritournelle. On proclame un nouvel esprit judiciaire, on chante des poursuites en justice et puis, plus rien. Depuis près de 11 ans, aucune affaire de détournement de deniers publics n’a connu le moindre épilogue judiciaire. Pourtant, elles portent sur des milliards de francs CFA. Dans le pire des cas pour les protagonistes, ils subissent quelques mois de privation de liberté avant le dossier soit fermé., avec à la clé une mise en liberté provisoire des auteurs présumés qui se prolonge indéfiniment.

Le point de presse du procureur de la République, Chaïbou Moussa, a, donc, de quoi intéresser les Nigériens. Ils l’ont d’ailleurs suivi abondamment, mais dans la plupart des cas, ce n’est jamais parce qu’on y croit. Le constat général est que si l’initiative est louable. Il reste, cependant, que, d’expérience, presque personne ne croit à un aboutissement judiciaire des scandales financiers qui ont scandé la vie de la 7e République. Du 2 avril 2011, date de l’investiture de l’ancien président Issoufou Mahamadou, que d’affaires de milliards. Outre l’affaire de la Cntps qui a suscité la sortie médiatique du Procureur Chaïbou Moussa, on parle aussi de la disparition d’une somme de 405 millions de francs CFA au niveau de la Caima, la centrale d’achat d’intrants et de matériels agricoles qui n’est pas d’ailleurs à son premier scandale. C’est pratiquement un nid de détournements de milliards depuis que Issoufou Mahamadou est arrivé au pouvoir. L’affaire Maïzama, du nom de l’ancien directeur général épinglé dans une sordide affaire de détournements de deniers publics, est encore dans la mémoire collective. Ce sont plus de sept milliards de francs Cfa qu’officiellement le gouvernement l’a accusé d’avoir dissipé. Malgré la gravité de l’affaire et du tintamarre que le gouvernement de l’époque a fait, notamment sur certains médias internationaux pour expliquer le bien-fondé de l’incarcération de l’intéressé, la suite a été une déception totale pour les Nigériens.

Le tigre ne proclame pas sa”tigritude”, il se jette sur sa proie et la dévore.

L’ancien directeur général de la Caima, Maïzama, n’est pas seul dans ce registre. Les dossiers sont innombrables et la plupart portent sur des milliards. Le scandale du ministère de la Défense nationale, la plus emblématique pour le drame humain qu’elle implique, a connu le même sort. Vidé de sa substance pour une passe de micmacs qui a abouti à requalifier des faits extrêmement graves en simples délits, puis au classement sans suite puisque l’État qui poursuit a renoncé finalement à se constituer partie civile. Constater que de toutes ces affaires portées en lumière par la presse n’ont pas connu d’aboutissement judiciaire fait pratiquement sourire en entendant le Procureur Chaïbou Moussa. Pour nombre de Nigériens, c’est marrant d’entendre le procureur de la République promettre une fin judiciaire à ces affaires. Ils en ont tellement vu et entendu qu’ils ne peuvent y croire.

Le procureur Chaïbou Moussa peut-il bousculer les moeurs du régime, si ancrées dans la corruption et les détournements de deniers publics ? Dans des publications antérieures et concernant l’autre Chaïbou que l’actuel procureur a remplacé, la presse a déjà fait savoir que le tigre ne proclame pas sa “tigritude”, il se jette sur sa proie et la dévore. Si, donc, le Procureur de la République réussit à boucler les enquêtes en cours et à organiser les procès des présumés coupables et leurs complices, il gagnerait à coup sûr le coeur des Nigériens. Ce n’est pas gagné d’avance. S’il a la volonté et les pouvoirs constitutionnels qu’il faut, y compris en filigrane le soutien politique du Président Bazoum Mohamed, il ne faut point occulter le fait que les mis en cause font partie du vaste réseau d’intérêts qui, depuis presque 11 ans, empêche à la justice de se réconcilier avec le peuple nigérien. Le Procureur Chaïbou Moussa a entrepris, il doit le savoir pour s’y préparer, à se battre contre une pègre d’autant plus dangereuse que les têtes sont nombreuses, puissantes et parfois insoupçonnées.

YAOU