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De la nécessité d’une nouvelle doctrine minière au Niger : Par Ali ZADA

Ali ZadaA l’heure où le peuple nigérien attend des réformes économiques profondes pour sortir de la pauvreté, il est peut-être temps d’ouvrir un large débat national sur le secteur minier et pétrolier. Ce secteur fut de tout temps géré dans l’opacité la plus totale, en perpétuant le pillage, sans jamais se remettre en question. Le peuple fait aveuglément confiance en des « ingénieurs » qui jusque-là n’ont brillé en rien que dans la promotion d’un modèle économique qui détruit le pays.

Le Niger doit se doter d’une politique de gestion stratégique de ses ressources naturelles visant les objectifs ci-après :

  • Une exploitation axée prioritairement sur les besoins nationaux, durable et porteuse de valeur ;
  • Une gouvernance prévisible, planifiée et méthodiquement exécutée en rapport avec l’évolution technologique du pays et la satisfaction des besoins nationaux ;
  • Une politique d’exportation ciblée sur le financement d’investissement visant des capacités agricoles, industrielles et infrastructurelles nationales et non des recettes budgétaires.

La création de richesse n’est pas dans l’exportation de matières premières brutes pour engranger sans efforts des dollars, mais dans la transformation qui rapporte trois à quatre fois plus de dollars et qui permet l’émergence une industrie nationale garante d’autonomie, créatrice d’emplois et stimulatrice du développement technologique du pays. Il ne faut pas se bercer dans le piège de l’exportation de pétrole brut tant que la chaine de valeur du pétrole n’aura pas entièrement installée au Niger. C’est l’exportation de pétrole brut sans une industrie de transformation qui engendre la « malédiction » dont on affuble la ressource. Le pétrole brut c’est aussi une source pour des engrais azotés et des polymères, ainsi que le gaz et le charbon, ce dernier ayant encore plus de potentiel de transformation que les deux premiers.

Ainsi avec le charbon on peut produire :

  • Des engrais azotés (la Chine produit près de 60% de ses engrais azotés à partir de charbon) ;
  • Du coke sidérurgique ;
  • De l’énergie ;
  • Du charbon actif nécessaire au raffinage de sucre et de l’or ;
  • Du noir de carbone utilisé dans l’industrie de fabrication de pneus ;
  • Des arômes lourds pour les industries de production d’insecticides ;
  • Etc.

D’une manière générale, si nous voulons du bien à notre pays, aucune ressource minière ne doit être exportée sans au moins sa transformation en un produit semi-fini. Cette orientation cardinale permettra surtout d’améliorer le taux de conversion des projets d’exploration minière en projets d’exploitation qui est dans un rapport de 100 à 1 avec les investisseurs étrangers.

C’est dans les chaînes de valeur des ressources naturelles que la jeunesse nigérienne trouvera de l’emploi et non dans l’argent que les compagnies étrangères en impôts et taxes médiocres après tout le tapis rouge de facilités qu’on leur a déroulé pour les attirer.

Les ressources naturelles sont non renouvelables. A l’échelle du monde beaucoup d’entre elles s’épuiseront au rythme actuel de consommation dans moins de 50 ans selon des sources internationales. Ainsi, les réserves mondiales prouvées de pétrole et le gaz tiendraient au maximum 50 ans. Le charbon aurait encore 114 ans devant lui. Les grands pays industrialisés qui convoitent nos richesses de sous-sol ont tous d’importants gisements de toutes les ressources qui les attirent en Afrique. Mais leurs réserves nationales ne suffiront pas à les tenir sur deux décennies au rythme actuel de leur consommation. En dehors du charbon, la Chine et les USA par exemple n’ont aucune ressource qui leur assurerait l’autonomie pendant plus de 20 ans. Les grands pays industrialisés (hors Russie) ont donc choisi d’exploiter préalablement les ressources de l’Afrique et mettre en réserves stratégiques les leurs. Le maintien de leur statut de puissances économiques dépend largement de la manière dont ils se garantiront des approvisionnements sûrs en ressources naturelles classiques et en celles classées stratégiques. Dans ce schéma, ce qui pourrait arriver aux pays Africains c’est de réveiller dans 50 ans avec le même statut de pays non industrialisés, en plus vidés de leurs ressources. Ils seront alors des pays pillés sans contrepartie de savoir-faire, réduits en simple marchés de consommation et dépendants plus que jamais de l’étranger.

Le Niger doit surtout s’interdire de créer des industries minières « enclaves », c’est-à-dire des usines ne s’intégrant pas l’écosystème industriel régional ou national, n’ayant donc pas en amont et en aval des activités qu’elles alimentent ou auprès desquelles elles s’alimentent. L’industrie de l’uranium est la parfaite illustration d’une industrie enclave. Elle importe de France le soufre pour produire de l’acide sulfurique, dédaignant notre gypse, notre pyrite et notre alunite capables d’être transformés en acide sulfurique. ORANO ne fournit à aucune entreprise locale son uranate. Elle partage sa valeur avec des entreprises françaises de son écosystème (maintenance, fourniture de biens et services, fabrication de pièces détachées, études géologiques, expertises environnementales, etc.). Ce genre d’industries ne doit pas se répéter au Niger et en Afrique d’une manière générale.

Le ministère des mines et du pétrole doit se transformer en officine de production et de promotion de projets de valorisation du potentiel minier et non demeurer en guichet d’informations pour des investisseurs étranger.

Chaque ressources minière doit être valorisée avec l’objectif qu’elle s’intègre au tissu industriel régional ou national, dans la droite ligne de viabilisation économique des Territoires Economiques Intégrés et de pleine capacitation du pays. Et c’est à l’Etat nigérien de mettre en place des entreprises publiques qui s’occuperont de valoriser les ressources naturelles, dans une démarché d’intégration axée non sur l’exportation mais sur la production de biens nécessaires à l’essor de l’agriculture et de l’industrie. Si le CNSP veut entrer dans l’histoire, qu’il s’attèle à mettre en place via de nouvelles entreprises publiques, les industries lourdes nécessaires à la transformation économique, notamment :

Au moins deux aciéries (à Say et dans l’Ader-Doutchi) pour produire les armatures de béton, feuilles et profilés d’acier utilisés dans l’industrie du bâtiment ;

Une ou deux industries de production d’engrais phosphatés au Parc du W et à Tillia. Le grand Nigeria dispose par exemple de très peu de phosphate alors que nous détenons 48% des réserves d’Afrique occidentale. Pourquoi regardons-nous le Nigéria importer du phosphate marocain ?

  • Une ou deux industries de production d’engrais potassique à base de l’alunite du Parc du W et du massif du Termit ;
  • Une industrie de production d’engrais azotés à base de pétrole brut, gaz naturel (par exemple le gaz torché à Agadem) ou de charbon ;

Au moins cinq nouvelles cimenteries. Selon un document du BRGM français, « Un mélange susceptible de fournir après cuisson un clinker « Portland » peut être réalisé à partir d’un large éventail de matières premières.

La liste suivante indique celles qui se trouvent les plus couramment utilisées : 

  • Calcaire ;
  • Calcaire marneux ;
  • Marbre ;
  • Marbre siliceux ;
  • Argile commune ;
  • Argile sableuse ;
  • Schiste métamorphique ;
  • Shale ;
  • Silt ;
  • Sable ;
  •  Grès ;
  • Quartzite ;
  • Minerai de fer ;
  • Bauxite ;
  • Charbon.

Toutes ces ressources sont présentes en abondance dans toutes les régions du Niger. A noter surtout que presque tous les pays d’Afrique centrale et occidentale importent du clinker du Maroc, d’Espagne et du Portugal pour produire le ciment qu’ils utilisent localement et qu’ils nous vendent, pour certains. Le Niger, avec ses centaines de milliards de tonnes de calcaires (selon un document officiel nigérien) peut fournir du clinker ou du ciment à toute l’Afrique. Nous avons les matières premières et les sources d’énergie pour cet objectif. Il ne manque que la volonté politique.

Le Niger n’a pas encore besoin d’investisseurs étrangers à l’étape actuelle de son arriération économique. Toutes ces industries sont à portée de main pour un gouvernement ambitieux pour son pays. En effet ces industries utilisent des technologies vielles parfois de plusieurs siècles. Ce ne sont pas des choses hors de portée d’un Etat, s’il se veut ambitieux et sérieux. Les procédés sont libres de droit et les machines sont disponibles sur le marché international. Le pays ne manque pas de compétences pour concevoir des lignes de production. Les investisseurs étrangers seront appelés quand le pays sera à un niveau où il a besoin de hautes technologies. Attendre des investisseurs étrangers pour produire de l’acier, des engrais et du ciment relève d’une incompétence et d’une insulte au génie national.

Enfin, les « bonnes consciences » nigériennes nourries aux recettes de la dictature écolo-mondialiste ne manqueront pas de réagir en me rappelant que le Parc du W et le massif du Termit sont des « aires protégées ». Parce que « protéger » les populations en leur donnant assez à manger n’est pas dans leurs préoccupations. Et ceux qui dictent les lois pour l’humanité peuvent depuis des siècles continuer à polluer la planète par les énergies fossiles et leurs industries chimiques. Je leur répondrais à ces Nigériens avant leur sursaut de bons élèves, qu’il faut sortir des conventions signées les yeux fermés en regardant les intérêts du pays. Ces « aires protégées » l’ont été par des manipulations pseudo-scientifiques, des peurs distillées, des séminaires de lavage de cerveaux assortis de « perdiems » dont nous raffolons et de la grande corruption d’agents de l’Etat. C’est un autre débat national à ouvrir, car comme par miracle, toutes ces « aires protégées » sont de grands gisements de ressources naturelles.

Ainsi :

  • Le Massif du Termit recèlerait 8 milliards de tonnes de minerai de fer selon certaines estimations, ainsi que de l’alunite, du phosphate, du gypse et de la kaolinite ;
  • La zone du Parc du W recèle formellement 1,2 milliards de tonnes de phosphate (le plus grand gisement d’Afrique subsaharienne), de l’alunite et de la diatomite ;
  • La réserve de l’Aïr et du Proche-Ténéré possède de nombreux indices de cuivre, or, plomb, zinc et uranium ;
  • La réserve de faune du Tadrès (sud Agadez) a potentiellement des hydrocarbures, du charbon du phosphate, du gypse et du calcaire.

Et tout cela est « protégé », c’est-à-dire hors de portée des Nigériens d’aujourd’hui et de demain pour satisfaire leurs besoins et sortir de la pauvreté.

Nous sommes donc d’accord sur le fait qu’il faut souverainement sortir de ces imbécilités. Les Nigériens attendent le CNSP sur ce terrain, si tant est que nous sommes souverains et qu’aucun pan de notre territoire national ne pourrait demeurer sous la gouvernance d’une ONG ou d’une institution de prétention supranationale.

  • Allah a donné au Niger du charbon. Il doit l’exploiter ;
  • Allah a choisi de placer des ressources naturelles à des endroits qu’Il a voulus. On doit les exploiter.

Allah a exhorté les croyants à ne pas craindre les mécréants mais à le craindre Lui Allah : « Ne les craignez donc pas ; mais craignez-Moi pour que Je parachève Mon bienfait à votre égard, et que vous soyez bien guidés ! », sourate la Vache, verset 150.

Ne craignons pas les occidentaux. Craignons Allah et nous nous prémunirons d’eux.

Ali ZADA
Expert en politiques publiques, enseignant à Swiss Umef University de Niamey